Journal du Net > Management > Sophie de Menthon (Ethic)
Chat
 
03/04/2007

Sophie de Menthon (Ethic) : "Sans croissance, l'entreprise sera de plus en plus discriminante"

Campagne oblige, les présidentiables se pressent au chevet des PME. Mais de quoi les entreprises ont-elles vraiment besoin ? Sans tabou, la présidente d'Ethic fait le tri des bonnes et des mauvaises idées.
  Envoyer Imprimer  

 

 
Sophie de Menthon, président du mouvement patronal Ethic © JDN/Fernand De Amorin
 
 

35 heures, contrat de travail unique, emploi des seniors, 'SMIC cadre', transmission d'entreprises, salaires des dirigeants, discrimination… de nombreux débats agitent le monde de l'entreprise à la veille de l'élection présidentielle. Entre propositions des candidats et prises de positions, que pense vraiment le patronat de toutes ces questions. Sophie de Menthon, chef d'entreprise, présidente du mouvement patronal Ethic (Entreprises de taille humaine, indépendantes et de croissance), et auteur de 15 idées pour ruiner la France a répondu, sans tabou, aux questions des lecteurs de JDN Management.

 

 


Quelle est la spécificité d'Ethic par rapport aux autres syndicats patronaux, comme le Medef ou la CGPME par exemple ?

Sophie de Menthon. Nous ne sommes pas un mouvement dit représentatif, c'est à dire que nous ne sommes pas en charge de négociations avec les partenaires sociaux. Notre mouvement véhicule des idées et fait de la pédagogie d`entreprise.

 

Quels sont vos moyens d'action et de pression par rapport aux politiques ?

En fait, nous réagissons dans la presse au fur et à mesure de l`actualité. Le système est tel que plus vous prenez la parole, plus on vous demande d`intervenir et plus vous avez d`influence. Les médias sont vraiment le quatrième pouvoir.

 

Quel est le rôle de la commission éthique du Medef à laquelle vous appartenez ?

Bonne question ! Je me demande où elle est passée... Cette commission ne se réunit plus depuis l'arrivée de Laurence Parisot, mais elle n'a pas été officiellement supprimée. Le mouvement Ethic s'est maintenant doté de sa propre instance de réflexion. Il y a énormément de sujets dont le patronat doit se préoccuper, y compris dans ses propres rangs.

 

Dialoguez-vous avec les syndicats de salariés ?

 
Sites
 
 
 

Nous avons reçu François Chérèque hier matin pour un petit déjeuner et je travaille parfois avec l'UNSA. Mais rien n'est officiel dans ce dialogue puisque la loi est ainsi faite que seuls ont droit à la négociation les syndicats qui ont été décrétés représentatifs, le club des 5 [CFDT, CFTC, CGT, FO, CFE-CGC, ndlr].

 

Quelle est votre opinion sur le CNE ? Pensez-vous qu'il faut l'étendre aux plus grandes entreprises ? Si oui, jusqu'à quelle taille ?

C'est une question difficile. Sur le fond, la formule est bonne mais elle a été mal expliquée, trop peu discutée en amont et le tout est finalement mal abouti. D'un côté, il est inadmissible de ne pas donner au salarié le motif de son licenciement. D'un autre côté, il est indispensable de donner de la souplesse dans les recrutements : si un tuyau est bouché à un bout, il le sera aussi à l'autre. En d'autres termes, si je ne peux pas licencier, je ne recruterai pas.

 

Entre extension, abolition et assouplissement, qu'attendez-vous du prochain gouvernement au sujet des 35 heures ?

Je crois qu'on ne peut pas changer sans arrêt la règle : on a négocié, on s'est organisé tant bien que mal. Je crois qu'aujourd'hui, il nous faut surtout introduire une plus grande souplesse grâce aux heures supplémentaires, laisser aux salariés le choix de travailler plus. Mais je suis contre l'extension des 35h aux PME.

 

Etes-vous pour ou contre un SMIC pour les cadres ?

Je pense que ce serait, indirectement, une façon de limiter leur salaire. Et puis il y a des salariés que l'on n'augmenterait pas, de peur de les faire passer dans la catégorie "cadre". Il y a toujours des effets pervers et des effets d'aubaine dont il faut se méfier lorsque l'on tripatouille sans arrêt les lois du travail. De plus, nous sommes un des rares pays à avoir cette notion de "cadre" dont je ne sais plus très bien ce qu'elle veut dire...

 

Quelles pistes voyez-vous pour que les plus de 55 ans soient plus nombreux à travailler et moins vulnérables face au chômage ?

"Nous sommes un des rares pays à avoir une notion de "cadre" dont je ne sais plus très bien ce qu'elle veut dire"

C'est le manque de croissance qui fait que l'on "oublie" les seniors, ainsi que les jeunes d'ailleurs. Libérons l'emploi, baissons le coût du travail, facilitons les licenciements et on recrutera sans peur et plus facilement. La croissance sera alors au rendez-vous. Les entreprises ont abusé des mises à la retraite anticipée de façon scandaleuse. Mais comme elles ne peuvent pas licencier facilement et sans passer par les prudhommes, elles profitent de toutes les facilités de ce type.

 

Il faudra en tout cas autoriser le cumul emploi-retraite et peut-être aussi, permettre que les emplois-seniors soient exonérés de charges pour compenser le coût plus élevé des salaires des plus de 50 ans...

 

On parle beaucoup de l`importance de la transmission d'entreprises à l'heure où tant de chefs d`entreprises vont partir à la retraite. Mais on entend peu les candidats sur ce sujet... Qu'ont-ils dit au patronat et qu'en pensez-vous ?

Nous sommes dans un pays qui ne facilite pas la transmisson d'entreprises et "gâche" ainsi beaucoup de richesses entrepreneuriales. Nous enterrons chaque année beaucoup trop d'entreprises, faute de repreneurs. Pourtant, reprendre une entreprise, c'est, indirectement, en créer une nouvelle. A Ethic, nous avons ouvert un service gratuit de conseil pour ceux qui veulent céder leur société.

 

Etes-vous favorable au contrat de travail unique ? Et si oui, sous quelles conditions ?

"La liberté d'entreprendre est indirectement bridée"

Tout le monde chausse-t-il du 39 ? Non, et c'est pour cette raison je suis opposée au contrat de travail unique, qui serait le même pour le chercheur du CNRS, pour la femme de ménage, le prof de gym et le journaliste.

 

Que pensez-vous de la proposition de Bayrou d'un small business act et du fait de réserver une partie des marchés publics aux PME ?

C'est plutôt une bonne idée, mais cela existe déjà. Le problème, en France, est que beaucoup de choses existent mais ne sont pas respectées ou appliquées. Par ailleurs, il ne faut pas faire du small business act un eldorado sans savoir vraiment ce que cela contient. C'est un principe un peu dépassé aujourd'hui et qui correspond à une attitude de l'Etat vis-à-vis des entreprises qui est, aux Etats-Unis, tout à fait différente de la nôtre.

 

Que pensez-vous de la Halde et quelles solutions proposez-vous à Ethic pour atténuer les discriminations à l'embauche dans les entreprises ?

Retrouver la croissance ! Sans croissance, l'entreprise sera de plus en plus discriminante car elle ne prendra aucune sorte de risques. Je ne pense pas que recruter une femme ou une personne d'origine étrangère soit un risque, mais quand on a peur, on ne prend pas le "risque" d'avoir, par exemple, une grossesse qui perturbera un service ou d'embaucher quelqu'un qui sera perçu comme un peu différent... Je ne partage pas ces attitudes frileuses mais c'est la réalité. Ce que je n'aime pas dans la Halde, c'est la présentation systématiquement critique des entreprises et l'appel à la dénonciation. Ce n'est pas mon mode de pensée et d'action. Je préfère qu'on mette en valeur des exemples de réussites que d'écouter le très estimable et talentueux Louis Schweitzer [président de la Halde, ndlr], tous les samedis matins, nous raconter un cas de discrimination. Pas terrible pour le moral des salariés.

 

Qu'est ce que vous retenez de positif de l'action du gouvernement de Villepin, en particulier par rapport à son action pour les petites entreprises ?

Je ne retiens rien de positif de l'action de ce Premier ministre. En revanche, il a eu quelques très bons ministres, dont celui des PME, Renaud Dutreil. Je regrette que les interventions intempestives et maladroites du Premier ministre aient totalement occulté ce qui était bien. Je retiens de positif que M. Dutreil a promu les gazelles, favorisé la transmission, simplifié un peu. Il a bien compris la problématique, mais il n'avait pas les mains libres.

 

Que pensez-vous des rémunérations des dirigeants des grands groupes, et notamment des parachutes dorés ? Qui devrait contrôler leurs rémunérations ?

"Un manager qui a été nommé ne mérite pas le même salaire que quelqu'un qui a créé et développé l'entreprise"

C'est une excellente question. Les comités de rémunération sont souvent un écran de fumée, or, c'est le conseil d'administration qui doit assumer les conditions financières du dirigeant. Je suis contre les "golden parachutes" car les rémunérations sont élevées, précisément pour pallier les accidents de carrière. Et il est honteux de voir des gens être grassement payés, parce qu'ils ont été mauvais et qu'on doit se séparer d'eux. Je ne prendrai pas position sur les salaires sinon pour dire qu'un manager qui a été nommé ne mérite pas le même salaire que quelqu'un qui a créé et développé l'entreprise.

 

Et, même si certains salaires sont exorbitants, n'oublions pas qu'intervenir par la loi ne reviendrait qu'à faire verser ces salaires ailleurs. Finalement, préfère-t-on avoir eu un Antoine Zacharias et un Vinci ou aucun des deux ? Voila un homme qui a tout de même créé un numéro un mondial.

 

Vous voulez inscrire la liberté d'entreprendre dans la Constitution. Pensez-vous que cette liberté soit, en France, limitée ?

Je pense que cette liberté est, indirectement, un peu bridée. Et puis le mot "entreprise" n'est jamais mentionné dans la Constitution, où l'on préfère inscrire celui de "principe de précaution". Déclarer cette liberté, c'est aussi suggérer à des millions de jeunes qu'entreprendre est possible pour eux et que c'est un droit pour tous. Et si l'on réfléchit bien, un monopole n'enfreint-il pas la liberté d'entreprendre en confisquant un secteur d'activité par exemple ? Nous débattons de ce sujet au Sénat le jeudi 12 avril à 8h30. Je vous y invite.

 

 

 
Sophie de Menthon
 
 

Action politique et syndicale


»  Présidente du mouvement patronal Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance) depuis 1995.

»  Membre de la "commission éthique" du Medef depuis 2001.

»  Membre de la "commission finance" du Conseil Economique et Social.

Sophie de Menton a notamment été auditionnée, en 2003, par la commission de réflexion de Bernard Stasi sur l'application du principe de la laïcité dans la république, la commission de réflexion d'Hervé Novelli sur la mission d'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail et nominée par le Premier ministre à l'Observatoire de la parité hommes - femmes.

 

Parcours professionnel

 

»  Depuis 2006, elle est vice-présidente de l'IDCC (Institut du développement des Call-Centers) et de l'ISM (Institut Supérieur du télémarketing).

»  En 2004, elle crée la SDME (Société de management des entreprises), un cabinet de stratégie et d'audit d'entreprises, dont elle est présidente.

»  Depuis 2003, elle est membre du comité stratégique de KPMG.

»  En 1979, elle fonde le "Syndicat du marketing téléphonique" dont elle sera plusieurs fois présidente. Elle en est aujourd'hui présidente d'honneur.

» En 1976, elle crée Multilignes, qui deviendra "Sophie de Menthon Conseil" avant de fusionner avec Teleperformance.

 

»  Sophie de menthon participe régulièrement aux émissions Les grandes gueules sur RMC et Good morning business sur BFM. Elle est également responsable de la collection "Le monde d'aujourd'hui expliqué aux enfants" chez Gallimard Jeunesse.

 

 



JDN Management Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Penserez-vous à votre travail pendant les fêtes de fin d'année ?

Tous les sondages