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Entreprise
 
09/05/2007

Isabelle Mathieu (Avocate associée, DaeMPartners) : Comment gérer le remplacement de salariés absents ?

En juin 2006, la Cour de cassation a estimé illégal le recours à un seul CDD pour assurer le remplacement de plusieurs salariés absents. Le point sur ce qui est permis par la loi.
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Isabelle Mathieu, avocate associée, DaeMPartners
 

Soucieux de conserver un caractère exceptionnel au contrat à durée déterminée, le législateur en a strictement limité le recours. Le constat de l'essor des contrats précaires, malgré les restrictions légales, conduit toutefois la jurisprudence à un examen rigoureux de leurs conditions de recours. C'est notamment le cas en ce qui concerne le contrat à durée déterminée lorsqu'il a pour objectif de pallier les absences des salariés.

Les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation veillent à ce que l'usage du CDD de remplacement ne devienne pas un mode normal de gestion du personnel. Ainsi, la pratique consistant à embaucher un salarié sous contrat à durée déterminée, dans le cadre général du remplacement du personnel titulaire qui se trouve en congé annuel ou en maladie, a été sanctionnée par la jurisprudence (soc. 24 février 1998). En 2006, la Cour de cassation refuse également le recours au CDD pour assurer le remplacement successif de plusieurs salariés absents, même nommément désignés et pour une période déterminée.

 

Ne conclure qu'un seul CDD par salarié remplacé

L'article L.122-1-1.1 du Code du travail prévoit que le contrat à durée déterminée peut être conclu pour remplacer "un" salarié en cas d'absence. C'est à partir d'une interprétation littérale de cette disposition que la Cour de cassation a fondé la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dans le cadre de deux décisions rendues le 28 juin 2006, dans le domaine de la grande distribution. Dans une première affaire, le CDD avait été conclu pour pourvoir au remplacement de trois personnes partant successivement en congés payés. Dans la seconde, un CDD unique avait été conclu pour remplacer plusieurs personnes, expressément désignées, absentes simultanément.

 

"Conclure un CDD à temps complet pour remplacer plusieurs personnes à temps partiel est interdit"

En première instance, les juges avaient admis la pratique du recours à un seul CDD pour pallier l'absence de plusieurs salariés. Et ce dans la mesure où le salarié embauché à titre précaire connaissait les noms et qualifications des salariés dont il assurait le remplacement et la durée de son engagement, obligations stipulées par l'article L.122-3-1 du Code du travail. La première de ces mentions permet notamment de vérifier la réalité du remplacement et le respect du principe de l'équivalence de la rémunération, posé par les articles L.122-3-3 et L.124-4-2 du Code du travail. La seconde mention relève des attentes légitimes du salarié précaire qui doit pouvoir connaître la durée de son emploi et s'organiser en conséquence.

 

La Cour est toutefois revenue sur ces décisions. Elle oblige donc désormais les employeurs à ne conclure qu'un seul CDD par salarié remplacé, sous peine de requalification du contrat en CDI. En cas de remplacements successifs, une attention particulière doit être portée à l'enchaînement des différents contrats. L'article L.122-3-10 du Code du travail prévoit, en effet, que le contrat devient à durée indéterminée lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du CDD.

 

Le cas du remplacement de salariés à temps partiel

La pratique, qui consiste à conclure un seul CDD à temps complet pour remplacer plusieurs personnes à temps partiel, se trouve dorénavant interdite. Si le remplacement de salariés à temps partiel par un salarié permanent en contrat à temps partiel a été admis, les juges encadrent fermement la pratique. Il convient, en effet, de veiller à ne pas transformer le temps partiel en temps complet. Si le cumul des heures travaillées par le salarié qui effectue les remplacements totalise 35 heures, il pourra obtenir la requalification de son temps partiel en temps complet. Désormais, au regard de la nouvelle position jurisprudentielle, il est peu probable que la conclusion de plusieurs CDD à temps partiel avec un même salarié soit autorisée.

 

Le principe énoncé par l'article L.122-1 du Code du travail, selon lequel il est interdit de recourir au CDD pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, justifie l'interdiction de recruter des salariés à titre précaire pour effectuer du remplacement de façon permanente.

 

L'interprétation faite par la Cour de cassation, selon laquelle le législateur n'a autorisé la conclusion d'un CDD que pour le remplacement d'un seul salarié absent, est sensée remplir le même objectif. Il est à craindre qu'elle contribue surtout à compliquer la gestion des absences, sans pour autant empêcher une gestion par les CDD d'un sous-effectif structurel. En effet, la possibilité offerte par l'article L.122-3-10 alinéa 2 du Code du travail de faire se succéder sans interruption les contrats de remplacement autorise une éventuelle gestion par CDD du manque structurel de main-d'oeuvre. Or, la jurisprudence admet cette succession de contrats, peu importe "qu'ils comportent un terme précis et que leur durée totale excède le délai de 18 mois" (Cass. soc. 8 février 2006).

 

Consulter le site de DeamPartners


 
Parcours
 
  Isabelle Mathieu est titulaire d'une double maîtrise en droit des affaires et en droit privé ainsi que d'un DEA en droit social et syndical. Elle a également acquis six ans d'expérience au sein d'une Confédération patronale et de directions des ressources humaines de grands groupes. Elle est avocat associée chez DeamPartners.  


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