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Expert
 
10/07/2007

L'entreprise, nouveau vecteur de l'intégration sociale

De nombreuses dispositions légales sont venues renforcer, depuis 2004, la protection des salariés contre les diverses formes de discrimination. Le point avec Laïla El Halfi, avocate.
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Le principe de non discrimination dans l'entreprise, qui fait l'objet de mesures répressives mais aussi de plus en plus incitatives, est appliqué avec grande rigueur par les juges qui ont même innové début 2007 en utilisant, pour la première fois à notre connaissance, la notion de discrimination indirecte dans le domaine de la maladie.

 

Réprimer la discrimination et inciter à la diversité

 
Laïla El Halfi, avocat, DaemPartners
 
 

Le principe de non discrimination interdit de prendre une mesure concernant un salarié en matière d'embauche, d'évolution de carrière, de sanction ou de rupture du contrat de travail sur le fondement d'un critère prohibé par la loi. L'article L.122-45 du Code du travail fournit une liste de ces critères : origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance ou non appartenance (vraie ou supposée) à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, apparence physique, patronyme, état de santé, handicap.

 

Le principe de non discrimination prend également une forme plus incitative qui, sans parler de discrimination positive, permet d'ouvrir l'entreprise à la diversité et d'intégrer ainsi les minorités socialement exclues. L'entreprise est devenue un vecteur de l'intégration sociale suite :

» aux obligations mises à la charge de l'employeur par la jurisprudence,

"La loi sur l'égalité des chances limite le champ d'application du CV anonyme aux entreprises de 50 salariés et plus"

» aux souhaits émis par les partenaires sociaux en matière de diversité dans l'entreprise lors de l'accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise ouvert à la signature courant octobre 2006,

» à la loi du 30 décembre 2004 qui a créée la Halde,

» à la loi du 11 février 2005 sur le handicap (n°2005-102) qui impose un quota d'emploi de travailleurs handicapés (ou une contrepartie financière versée à l'AGEFIPH),

» à la loi du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes (n°2006-340), qui, entre répression et incitation, impose aux entreprises de définir et de programmer les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes d'ici le 31 décembre 2010,

 
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» à la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances (n°2006-396) qui a institué le curriculum vitae anonyme, limitant toutefois son champ d'application aux entreprises de cinquante salariés et plus. Le nouvel article L.121-6-1 du Code du travail prévoit que "les informations mentionnées à l'article L.121-6 et communiquées par écrit par le candidat à l'emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat." Le seuil d'application de la mesure, qui exclut les PME, peut susciter certaines interrogations, à commencer par les raisons de cette exclusion. En tout état de cause, les décrets d'application ne sont toujours pas à l'ordre du jour. En effet, leur adoption dépendait de la prise de position des partenaires sociaux lors de la négociation de l'accord sur la diversité dans l'entreprise. Ce dernier se limite à envisager le CV anonyme à titre expérimental, sans aucun caractère obligatoire.

 

Le recours au testing comme mode de preuve

Sur son versant répressif, la discrimination a vu sa preuve facilitée par la loi sur l'égalité des chances qui a consacré le testing comme mode de preuve des discriminations à l'embauche (article 225-3-1 du Code pénal). Jusqu'à présent, la discrimination à l'embauche restait, en effet, difficile à établir : l'employeur a pouvoir discrétionnaire au moment du recrutement et est libre de choisir ses collaborateurs. Or, selon les règles de preuve en matière de discrimination, il appartient désormais, en premier lieu, au salarié discriminé de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

"Début 2007, la Cour de cassation a utilisé, pour la première fois, la notion de discrimination indirecte dans le domaine de la maladie"

C'est précisément à ce stade que le testing intervient. Cette pratique consiste à envoyer à un employeur d'une part des curriculum vitae de candidats portant un nom à consonance étrangère et répondant à tous les critères exigés, et d'autre part, dans le même temps, des CV identiques de candidats portant des noms français. Plusieurs séries de CV sont ainsi envoyées, les résultats étant certifiés par huissier. Si aucune procédure de recrutement n'a été mise en place ou si les procédures ne permettent pas de justifier le choix de l'employeur sur des éléments objectifs et licites, la discrimination à l'embauche sera alors considérée comme établie.

 

Le strict contrôle des juges

Les juges veillent, quant à eux, strictement à l'application du principe de non discrimination. Certaines décisions doivent attirer l'attention des directions des ressources humaines. Ainsi, début 2007, la Cour de cassation a utilisé, pour la première fois à notre connaissance, la notion de discrimination indirecte dans le domaine de la maladie. Dans un arrêt du 9 janvier 2007 (n°05-43-962), la chambre sociale de la Cour de cassation a, en effet, estimé que, en matière de modulation du temps de travail, une régularisation de fin d'année, qui retenait l'horaire moyen de la modulation comme mode de décompte des jours d'absence pour maladie pendant la période de haute activité, constituait, malgré son caractère apparemment neutre, une discrimination en raison de l'état de santé du salarié.


Fin 2006, la jurisprudence a également rendu une décision remarquée en matière de discrimination en raison de l'âge. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi considéré que la mise à la retraite d'un salarié, ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein au moment de la rupture du contrat, constituait un licenciement discriminatoire en raison de l'âge du salarié, nul par voie de conséquence (Cass. soc. 21/12/2006 n° 05-1281).

 

 

 
Parcours
 
  Titulaire d'un DEA de droit social et de droit syndical, Laïla El Halfi est responsable du pôle Contentieux du Cabinet DaeMPartners, entièrement dédié au droit social, qui intervient notamment dans les secteurs de la presse et de l'audiovisuel, de l'hôtellerie et du tourisme, de la mode, de la finance et des domaines associatifs.  

 




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