Encouragez les individus à parler ouvertement et
à fourrer leur nez partout, c'est bon pour la sagesse
"Voici une question piège : imaginez que vous venez de subir une opération
lourde et que l'on vous donne le choix entre, soit rester dans un service qui
administre le mauvais médicament ou la mauvaise dose ou qui oublie de donner le
bon médicament au patient environ une fois sur cinq cents, soit rester dans un
service qui se trompe dix fois plus souvent. Quel service choisiriez-vous ? Au
milieu des années 1990, Amy Edmonson de la Harvard Business School effectuait
ce qu'elle croyait être une simple étude de la manière dont les relations entre
l'infirmière en chef et les infirmières influent sur les erreurs commises dans
huit unités de soins. Edmonson, ainsi que les médecins de Harvard qui finançaient
son étude, ont été sidérés de constater, en examinant les questionnaires remplis
par les infirmières, que les unités possédant les meilleures relations entre les
infirmières en chef et les infirmières commettaient dix fois plus d'erreurs que
celles où ces relations étaient les pires !
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Les meilleures unités rapportent davantage d'erreurs parce
que les collaborateurs ne craignent pas de les avouer. ©
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Perplexe mais déterminée à comprendre ces résultats, Edmonson a engagé un autre
chercheur pour observer ces unités de soins en se gardant de lui communiquer les
résultats de son étude de façon à éviter toute subjectivité. Lorsqu'elle a recoupé
les résultats, elle s'est aperçue que les meilleures unités rapportaient davantage
d'erreurs parce que les infirmières ne craignaient pas de les avouer. Dans ces
unités, les infirmières jugeaient l'erreur humaine et donc naturellement avouable.
Elles prenaient également leurs erreurs très au sérieux en raison de la toxicité
des médicaments et, par conséquent, n'avaient jamais peur d'en parler à l'infirmière
en chef. Dans les unités où des erreurs étaient rarement rapportées, les infirmières
se justifiaient en disant qu'elles évoluaient dans un environnement impitoyable
où les têtes pouvaient tomber à tout moment. Les médecins qui ont financé l'étude
d'Amy Edmonson ont radicalement changé de point de vue sur les erreurs médicales.
Ils ne les ont plus considérées uniquement comme des preuves objectives, mais
aussi comme un moyen de savoir si le personnel médical les reconnaît et en tire
des enseignements ou, au contraire, les dissimule pour éviter les réprimandes.
(...)
"Dénoncer les erreurs commises par d'autres
afin que tout le monde puisse en tirer des enseignements" |
Si vous souhaitez que votre organisation soit réellement plus performante au
lieu d'en donner seulement l'illusion, vous et vos collaborateurs devez parler
ouvertement des problèmes que vous avez résolus, dénoncer les erreurs commises
par d'autres afin que tout le monde puisse en tirer des enseignements, admettre
vos propres erreurs et ne jamais cesser de contester ce qui est fait et de réfléchir
à la façon de le faire encore mieux. Ces comportements peuvent agacer les managers
qui préfèrent des subalternes silencieux et dociles, mais ils sont indispensables
aux organisations, en particulier celles qui gèrent des vies humaines."
Extraits de Faits et foutaises dans le management, J. Pfeffer et R.
Sutton (Vuibert), p.104 à 106.