John Hazan (Bain & Company) "Le développement durable est un levier pour l'engagement des salariés"

Selon l'associé du cabinet de conseil en stratégie, les projets environnementaux permettent de mobiliser les équipes en période de crise.

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John Hazan. © Bain & Company

JDN. Dans une période difficile, l'engagement des salariés est-il vraiment une priorité pour les entreprises ?

John Hazan. La crise impose aux entreprises de trouver des poches d'économies, principalement dans les coûts de fonctionnement et la masse salariale. Mais, rapidement, une spirale négative s'enclenche : ces économies s'attaquent au cœur de la motivation des salariés et cela se ressent sur les résultats de l'entreprise, qui doit alors réaliser de nouvelles économies... Nous voulons casser ce cercle en mettant en place des mesures qui préservent la compétitivité en renforçant le sentiment d'appartenance à l'entreprise. Cela passe par certains éléments classiques, comme une vision commune, des valeurs partagées et une gestion des ressources humaines adaptée. Mais la crise impose de trouver de nouveaux leviers d'engagement. L'un d'entre eux porte sur le développement durable.

De quelle manière les efforts d'une entreprise en faveur de l'environnement favorisent-ils l'implication des salariés ?

Selon notre dernière étude, un tiers des salariés des pays développés considèrent que le développement durable constitue un critère d'élimination d'un employeur potentiel. Dans les pays en développement, plus sensibilisés, cette proportion monte même à la 60% des employés. Je connais l'Inde où j'ai travaillé, les collaborateurs avec lesquels j'ai pu échanger sont très au fait de tout ce qui est fait par leur entreprise pour œuvrer dans leur écosystème. Parallèlement à cette attractivité, le niveau d'engagement des salariés est directement corrélé au niveau de rétention : cela aide donc aussi l'entreprise à garder ses talents.

"Pour un tiers des salariés, le développement durable constitue un critère d'élimination d'un employeur"

Comment, concrètement, mettre en œuvre ces initiatives dans l'entreprise et éviter qu'elles ne restent lettres mortes ?

Il y a une colonne verticale de l'engagement. Ce dernier doit être partagé par la direction générale et véhiculée par les managers intermédiaires. Concrètement, le PDG et le comité exécutif définissent un cadre et donnent la possibilité aux salariés de prendre des initiatives à l'intérieur de ce cadre. C'est comme cela que les bons projets ont été réalisés, grâce à un foisonnement d'idée.

Pour que la responsabilité sociale de l'entreprise mobilise les salariés, elle doit être autre chose qu'un simple affichage. Comment concrétiser ces projets ?

Cela fait une quinzaine d'année que l'on parle de RSE. Au départ, les entreprises se contentaient de transférer leurs activités de mécénat au sein de la RSE. Mais c'est aussi la volonté des dirigeants et des employés d'inscrire le développement durable à deux niveaux. D'abord dans le quotidien, comme la limitation de la consommation de papier ou d'électricité. Chez Bain & Company, nous avons par exemple généralisé l'impression recto-verso et chacun doit se lever et taper un code sur l'imprimante pour qu'elles se mettent en marche. Ensuite, cela passe dans les processus clés de l'entreprise. Marks & Spencer, par exemple, prévoit de transformer en profondeur le portefeuille de fournisseurs dans un sens plus "vert" d'ici 2020. Ce type d'action engage fortement les salariés. Ils sont alors susceptibles d'accepter plus facilement une politique de modération salariale en période de crise.

John Hazan est associé au bureau de Paris de Bain & Company, cabinet de conseil en stratégie et management américain. Il s'intéresse en particulier aux problématiques de ressources humaines, tant vis-à-vis de ses clients qu'en interne. Diplômé de l'Ecole des Mines de Paris, il a complété sa formation par un master en finance à la London School of Economics.