Surveillance des salariés : que peut faire l'entreprise ?

Surveillance des salariés : que peut faire l'entreprise ? L'avocat Etienne Drouard publie dans la collection JDN Premium un e-book consacré aux droits et devoirs des employeurs et des salariés en matière de cybersurveillance. Extraits.

Navigation sur Internet, messagerie électronique, téléphone portable, GPS, vidéosurveillance... Les moyens de contrôle du travail des salariés par l'entreprise se sont multipliés. Ces outils numériques, parfois très intrusifs, permettent à l'employeur de surveiller l'activité professionnelle des salariés mais aussi une partie croissante de sa vie personnelle.

C'est pourquoi la loi encadre depuis de nombreuses années la collecte et l'utilisation des données personnelles. Mais, face aux perpétuelles innovations technologiques et aux nouveaux usages, la réglementation ne cesse d'évoluer.

Comment l'employeur peut-il avoir accès à une boîte e-mail ? A quelles conditions peut-il suivre l'itinéraire d'un salarié par son GPS ? Quelle procédure respecter avant l'installation de caméras dans les locaux de l'entreprise ? Toutes ces questions -et bien d'autres- trouvent leur réponse dans le nouveau guide juridique "Surveillance au travail : droits et devoirs des salariés & employeurs" publié dans la collection JDN Premium. Son auteur, Etienne Drouard, est avocat à la Cour d'appel de Paris, associé du cabinet K&L Gates.

Découvrez ci-dessous un extrait consacré au droit d'expression des salariés sur les réseaux sociaux comme Facebook, lorsqu'ils évoquent leur travail, leur hiérarchie et leur entreprise.

« Les contentieux relatifs à l'utilisation de Facebook et des réseaux sociaux par des salariés fleurissent (...), permettant d'affiner les subtilités d'appréciation du périmètre de la sphère privée des salariés et les cas dans lesquels leur employeur peut venir limiter leur liberté d'expression.

A. La qualification du contenant : Facebook, un espace public

L'analyse judiciaire du réseau Facebook a, jusqu'à présent, reposé sur son objectif commercial qui, selon la Cour d'appel de Besançon, consiste à "créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s'accroître de façon exponentielle par application du principe 'les contacts de mes contacts deviennent mes contacts' et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d'informations [...] qu'il s'en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré, au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public".

Reprenant ici les critères classiques utilisés pour dissocier la sphère privée de la sphère publique, le juge retient que l'ouverture du réseau Facebook, initialement destinée à promouvoir, par défaut, un partage avec l'ensemble d'une communauté d'utilisateurs non reliés les uns aux autres, en ferait "par nature" un espace public.

B. La qualification du contenu : le salarié, maître en sa demeure ?

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Me Etienne Drouard est avocat à la Cour d'appel de Paris, associé du cabinet K&L Gates. © DR

La Cour d'appel de Besançon a, dans le même temps, apporté une limite au principe énoncé ci-dessus, en retenant que "ces échanges s'effectuent librement via 'le mur' de chacun des membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n'a pas apporté de restrictions".

L'espace Facebook est donc considéré, par défaut comme un espace de communication publique, sauf en cas de cloisonnement de cet espace par le titulaire du compte, à destination d'un nombre déterminé (connu et limité) de personnes.

Selon la Cour, il incomberait donc au salarié de configurer son compte afin de limiter l'accès à ses publications en ligne ou d'en assumer les conséquences.

Cet arrêt s'inscrit dans la ligne d'analyse retenue par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt en novembre 2010 et de la Cour d'appel de Reims en juin 2010.

Les juges du Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt ont relevé que le "mur Facebook" permettant un accès ouvert aux "amis des amis" du salarié, ce mode de communication dépasse la sphère privée. La production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constituait, en conséquence, un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement, le salarié ayant abusivement usé de sa liberté d'expression.

C. Lorsque le salarié s'exprime chez un tiers

Se pose également la question du partage de contenus par un salarié sur le "profil" d'une tierce personne.

Actuellement, le plus connu des réseaux sociaux permet à chacun de configurer son compte pour définir qui peut venir publier des contenus dans cet espace dont le titulaire du compte est l'éditeur, au sens habituellement donné dans le droit de la presse et de la communication en ligne.

Le tiers sur le mur duquel un salarié posterait du contenu contrôle donc le devenir dudit contenu, qu'il s'agisse de la suppression du contenu ou de son partage avec d'autres personnes. Ainsi, une salariée ayant mis en ligne sur le "mur" d'un ancien salarié de son employeur des propos critiquant celui-ci a pu valablement être licenciée.

Le juge bisontin mettait ainsi en garde les utilisateurs salariés :"il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d'adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s'assurer préalablement auprès de son interlocuteur [le tiers sur le mur duquel le contenu est mis en ligne] qu'il a limité l'accès à son 'mur' ".

La Cour d'appel de Reims a jugé, pour sa part, que le mur de discussion du site Facebook s'apparentait à un Forum de discussion pouvant être limité ou non à certaines personnes.

Elle en a déduit que le salarié qui poste un message sur le mur d'un ami, s'expose à ce que son message soit communiqué à des centaines de personnes, en fonction des critères de sélection choisis par l'ami en question. Il n'y a donc ni atteinte à la sphère privée ni violation de la correspondance privée, puisque le message est susceptible d'être lu par d'autres personnes que son destinataire initial.

La prudence s'impose donc avant de partager publiquement des propos, qu'il s'agisse d'un billet mis en ligne en tant que tel ou même d'un simple commentaire, qui devraient faire l'objet d'une correspondance privée par d'autres canaux.

D. La preuve de la publicité d'un contenu préjudiciable incombe au plaignant

La charge de la preuve du caractère "ouvert" d'un compte de réseau social incombe, le cas échéant, à l'employeur. Ainsi, un constat d'huissier réalisé depuis un compte d'utilisateur" non "ami" du titulaire du 'mur' où les propos litigieux ont été tenus, devrait en principe suffire à démontrer que l'accès n'y était pas réservé aux seuls "amis". »

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