DOSSIER 
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Patrick Audebert-Lasrochas (Groupe HEC)
"Les Français sont réputés pour être de mauvais négociateurs"
La négociation n'est pas un travail de persuasion mais un échange de concessions.
(janvier 2004)

"Négocier, c'est chercher à convaincre la partie adverse." Faux, répond Patrick Audebert-Lasrochas, directeur du département négociation du Centre de recherche d'études des chefs d'entreprises du Groupe HEC. Pour lui, négocier, c'est parvenir à un accord grâce à des concessions de chaque partie. L'auteur de La négociation (voir notre sélection d'ouvrages) donne sa définition de la négociation et un portrait du négociateur, dénonçant au passage plusieurs idées reçues.

Tout ne tient qu'à un fil...
Négo 1 : le groupe espagnol
Négo 2 : les syndicats
Négo 3 : l'appel d'offres
Cinq principes pour préparer
A lire, à suivre

Quelle est votre définition de la "négociation" ? 
Patrick Audebert-Lasrochas. Il s'agit d'une discussion entre deux parties qui ont au départ des points de convergence et de divergence et qui cherchent à arriver à un accord, sans employer la force. La négociation suppose trois conditions : un minimum d'accord possible entre les parties, la volonté d'obtention d'un accord et un rapport de force équilibré. Le succès d'une négociation ne se mesure pas au résultat mais à ses conséquences pour la vie de l'organisation, à moyen et à long terme. Il s'agit d'un outil au service de la stratégie.

La négociation, est-ce un art, une science ?
La négociation est un art, au même titre que le management. Elle mélange plusieurs approches qu'il faut réussir à intégrer : de la psychologie, du comportemental, mais aussi de la technique. Il faut donc maîtriser des outils et des tactiques.

Quelles sont les grandes qualités du négociateur ?
Ce métier demande d'être stratège, c'est-à-dire de savoir bien préparer la négociation ou encore de concéder les bons éléments en étant totalement conscient des incidences que cela aura. Mais une fois à la table des négociations, il faut surtout être communicateur, savoir par exemple créer un bon ou un mauvais climat. Ces talents de stratège et de communicateur sont extrêmement différents. Certaines personnes exceptionnelles, par exemple Talleyrand (Ndlr : Charles-Maurice de Talleyrand, diplomate français, 1754 - 1838), les réunissent. Mais c'est très rare. Dès lors, il ne faut pas hésiter à travailler en binôme complémentaire, un stratège et un communicateur. Enfin, le négociateur doit toujours être entre deux extrêmes, souple mais pas laxiste, dure mais pas intransigeant.

Les hommes ont-ils plus d'aptitudes pour la négociation ?
D'après les recherches actuelles et ce que j'ai pu observer, ce sont les femmes au contraire qui seraient les plus performantes. Elles obtiendraient de meilleurs résultats car elles supportent mieux le stress que les hommes. Mais il y a pour l'instant peu de femmes dans la vente ou l'achat de biens industriels. C'est regrettable...


Il faut valoriser les concessions"

Quelle est l'importance du facteur humain dans la négociation ?
Il joue un rôle, mais il ne faut pas le surestimer. Cela dépend beaucoup des situations. Si la préparation a été bien travaillée, il a moins d'incidence. Par exemple, les négociations sur l'agriculture à Bruxelles ont les mêmes résultats quel que soit le ministre, tant elles sont préparées.

Pourtant, dans certaines situations bloquées, la préparation ne résout pas tout. Comment alors faire la différence ?
Il faut proposer une solution originale, non prévue à l'avance. Cela exige beaucoup de créativité. Cette alternative a plus de poids si elle est avancée du tac au tac, sans interruption de séance. Mais il ne faut cependant pas hésiter à faire une pause pour y réfléchir.

Quelles sont les faiblesses des Français en matière de négociation ?
Les Français sont réputés pour être de mauvais négociateurs. Ils n'accordent que très peu d'importance à la préparation, qui conditionne pourtant 50 % du résultat. Le MOCI et la BFCE (Ndlr : Moniteur du commerce international, Banque française du commerce extérieur) le disent : les produits et services français sont bien perçus à l'étranger, mais les négociateurs arrivent trop les mains dans les poches. En plus, les Français ont tendance à tout le temps argumenter. Or, la négociation se fait à base d'échanges, de concessions et de contre-parties. L'argument ne sert qu'à valoriser une concession mais ne la remplace en aucun cas. Il faut éviter de trop parler pour pouvoir écouter l'autre et obtenir des informations.

En quoi la préparation d'une négociation est-elle prépondérante ?
Les négociateurs manquent souvent d'information. Il faut l'obtenir, la centraliser et la trier. Certaines sources sont exogènes, l'information s'obtient alors dans la littérature spécialisée, les bases de données, les chambres de commerce, les syndicats professionnels... D'autres éléments sont révélés à la table des négociations. Mais le plus sûr est de réunir le maximum d'informations avant, et de chercher ensuite à les confirmer ou à les infirmer pendant la négociation. Il faut réfléchir aux questions qui permettront de faire ce travail de vérification.

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Selon vous, quels sont les pays les plus doués en la matière ?
Le Vatican a une excellente réputation de négociateur. Cet Etat n'a aucun pouvoir matériel, mais un pouvoir moral considérable. Grâce aux évêques et aux prêtres qui sont sur le terrain, les diplomates récoltent beaucoup d'informations. Les Japonais sont aussi très forts, grâce à leur pratique de l'intelligence économique.

PARCOURS
Patrick Audebert-Lasrochas, docteur en sciences de gestion, est directeur des départements négociation-créativité au Centre de recherche d'études des chefs d'entreprises (CRC) du Groupe HEC, maître de conférences à l'Université du Littoral et expert APM (Association pour le progrès du management). Il est l'auteur de La négociation et Profession négociateur aux Editions d'Organisation.

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Rédaction, Le Journal du Management


   
 
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