DOSSIER 
(février 2004).
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Marc Pagezy (Groupe Eurosearch)
"Demain, nous serons tous dans une logique de CDD"
Les cadres sont amenés à devenir des "consommateurs d'emplois". Une révolution pour les entreprises qui devront apprendre à capter et à fidéliser les talents.

Une question de valeurs
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Depuis près de quarante ans, le Groupe Eurosearch accompagne les entreprises dans leur recrutement et la gestion des ressources humaines. Le groupe, aujourd'hui implanté dans dix pays, compte une équipe d'une cinquantaine de consultants qui interviennent dans des secteurs d'activité aussi variés que les services, la finance, la santé ou encore la distribution. Rencontre avec Marc Pagezy, président d'Eurosearch et observateur avisé de l'évolution des ressources humaines.

Au cours des dernières années, quel est le paramètre qui a le plus évolué dans l'univers des ressources humaines ?
Marc Pagezy. Il me semble que c'est l'inconfort des salariés. Face au contexte économique, les entreprises se sont mises à faire des économies ou à se recentrer, plutôt qu'à faire de la croissance. Dans cette logique, et avec l'aide des nouvelles technologies, les niveaux de performance demandés aux salariés se sont faits de plus en plus pressants. Du coup, l'écart entre les attentes des salariés et les objectifs des entreprises se creuse.

Et quelles sont désormais les attentes des salariés ?
Elles ont radicalement changé. Il y a une vingtaine d'années, les salariés étaient sensibles à la notion d'appartenance et de fidélité. Mais avec les licenciements, les salariés ont compris que l'appartenance et la fidélité n'étaient que des beaux discours. Il y a une dizaine d'années, les salariés sont alors devenus sensibles à la logique de rémunération différée, c'est-à-dire aux stock-options. Et puis les marchés financiers se sont écroulés. Aujourd'hui, les salariés sont donc très lucides. Ils attendent de la part des entreprises des avantages immédiats et très concrets.

C'est-à-dire ?
Des paramètres comme le nombre de jours de RTT donnés, les chèques vacances ou encore les colonies de vacances proposées aux enfants sont devenus de grands critères pour les salariés cadres. Cette logique est également perceptible sur les postes de direction. Nous avons récemment effectué un recrutement de directeur général, où les négociations finales portaient sur les congés payés.

Cela signifie-t-il que les salariés sont devenus plus attentifs à l'équilibre vie pro-vie perso ?
Sûrement. Je crois que la vie professionnelle est de plus en plus fatigante. Avec les nouvelles technologies, la pression est finalement très forte et beaucoup de choses se gèrent désormais dans l'immédiateté. Faute de croire à un eldorado financier, donc d'être capables de faire des sacrifices, les cadres privilégient tout ce qui leur permet de décompresser et d'apporter une qualité de vie à leur famille.

Pour recruter et fidéliser les talents, les entreprises doivent donc être vigilantes à l'accompagnement social...
Oui, mais pas seulement. Parmi les avantages immédiats attendus par les cadres, il y a l'apport professionnel et l'excitation intellectuelle offerts par l'entreprise. Les salariés sont devenus très sensibles à la qualité du projet qu'on leur propose à court terme, avec un système de rémunération transparent. Ils ne croient plus à la logique du plan de carrière qui est, au final, rarement respecté. Un plan de carrière suppose que l'on se projette dans le temps. Or les cadres qui entrent aujourd'hui dans une entreprise ne s'y voient plus dans cinq ou dix ans.

Nous allons donc vers une population salariale très volatile ?
Tout à fait : le salarié se comporte de plus en plus comme un consommateur d'emplois. Il accepte un poste parce que l'entreprise l'intéresse, les conditions proposées sont bonnes et que le projet lui permet d'engranger des compétences. Et dès qu'un de ces trois critères fait défaut, il s'en va voir ailleurs. Cette évolution consumériste sera très sensible avec le rebond du marché de l'emploi. Demain, nous serons tous dans une logique de CDD.

Mais, à long terme, cette forte mobilité ne sera-t-elle pas pénalisante pour les salariés ?
Je ne pense pas. Nous sommes sur un marché où les compétences recherchées se renouvellent de plus en plus vite et où l'expérience est amenée à devenir une valeur précieuse, suite aux départs à la retraite massifs des seniors. Les cadres n'ont donc aucun intérêt à se faire enfermer dans une entreprise, un secteur ou une fonction. Dans les années à venir, le but du jeu pour les salariés sera de rester le plus longtemps possible au centre de l'échiquier pour bénéficier de toutes les vagues.

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Les jeunes cadres vous semblent-ils préparés à ces évolutions ?
Préparés je ne sais pas, mais mieux armés. Dans les années 90, le fossé qui séparait les seniors de la nouvelle génération de cadres était celui des nouvelles technologies. Le fossé qui sépare aujourd'hui les seniors de la nouvelle génération des cadres est, je crois, la mondialisation. Les jeunes cadres voient loin, sont nés dans une Europe sans frontière. En cela, ils partent avec une longueur d'avance : ils sont déjà prêts à bouger de pays, donc d'entreprise.

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Rédaction, Le Journal du Management


   
 
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