Président du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJD), Sylvain
Breuzard est aussi le PDG et fondateur de Norsys, une société de
conseil et d'informatique. Ce dirigeant d'une quarantaine d'années estime
que la loi Dutreil est capable de redonner confiance aux porteurs de projet.
Reste encore à soutenir les PME déjà existantes, les seules
capables de créer de l'emploi rapidement.
Quels facteurs expliquent la croissance
des créations ex-nihilo de 12 % par rapport à 2002 (lire
l'article)
?
Sylvain Breuzard. Une situation économique difficile, comme celle que
nous vivons actuellement, pousse certaines personnes à créer leur entreprise.
Cela peut concerner aussi bien des cadres qualifiés, qui ont quitté de grands
groupes, que des travailleurs à faible qualification. Est-ce positif ou négatif
? Il est difficile d'en juger. Je pense également que la hausse de la
création d'entreprise résulte de la loi Dutreil,
dont les effets se ressentent déjà.
Le nombre moyen d'emplois par entreprise
nouvelle, réactivée ou reprise, a légèrement baissé de 2 à 1,9 salariés.
Pourquoi ce résultat reste-t-il si limité ?
Peu d'emplois sont créés car la situation économique est difficile. Le fait que
le capital soit désormais libre avec la loi Dutreil peut aussi justifier
cette baisse du nombre moyen d'emplois par entreprise nouvelle. Certaines nouvelles
entreprises sont, de facto, des micro-entreprises.
Selon un sondage Ifop (lire
l'article),
de moins en moins de Français ont envie de créer une entreprise. Comment
expliquez-vous ce phénomène ?
Les perspectives économiques me semblent plus heureuses, ce qui
se traduit par des projets moins nombreux mais plus structurés et susceptibles
de créer à terme des emplois. D'ailleurs, à l'OJD, nous observons
une nouvelle tendance depuis décembre dernier. Les créateurs que nous rencontrons
ont des projets vraiment conséquents, qui dépassent largement la volonté de créer
son propre emploi.

La France a loupé un virage"
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Dans la loi pour l'initiative économique, quels
éléments vous semblent les plus importants ?
La loi Dutreil donne confiance aux porteurs de projet. Elle montre que ce n'est
pas une affaire d'Etat de créer une entreprise. Le fait que le capital de la
SARL soit libre est en ce sens important. La loi pour l'initiative économique
permet aussi d'expérimenter une période de transition entre salariat et création.
Mais l'évolution ne se fera pas du jour au lendemain. Je pense notamment que
l'effort de formation mérite d'être renforcé.
Une étude mondiale (lire
l'article) place
la France dans le groupe des pays les plus faibles en matière de création d'entreprise.
Comment expliquez-vous cette situation ?
La France, tout comme le Japon (Ndrl : également classé dans le dernier groupe),
a une culture de grandes entreprises. Par exemple, dans les écoles de management
ou d'ingénieurs, on ne parle que des grands comptes. L'esprit d'initiative est
probablement moins fort en France que dans d'autres pays. Depuis vingt ans, les
entreprises françaises ont perdu leur positionnement en matière d'innovation.
Aujourd'hui, quels sont les nouveaux produits français ? Il y en a peu. Nous
sommes encore au point sur des technologies cumulatives, par exemple dans les
secteurs de l'automobile ou de l'aéronautique. Mais aucune entreprise informatique
n'est française et les éditeurs de logiciels sont rares. La France a loupé
un virage, ce qui a des conséquences sur l'emploi.
Comment alors créer plus d'emplois ?
Deux grands facteurs favorisent l'emploi : la création d'entreprise et, surtout,
le développement des PME. Il est regrettable que de nombreuses entreprises restent
figées dans leur développement. Au CJD, nous proposons de réserver une partie
des marchés publics aux PME, comme cela se fait aux Etats-Unis. Nous demandons
également que les délais de règlement soient limités à trente jours pour toutes
les entreprises. Il faut également simplifier les seuils sur le nombre
de salariés pour éviter, par exemple, que certaines entreprises ne bloquent leur
recrutement à 49 salariés. Pour lutter contre un effet boule de neige, l'Etat
ne doit plus être créancier prioritaire en cas de difficultés financières. Les
PME doivent aussi se rendre plus attractives pour réduire l'écart sur leurs avantages
sociaux par rapport aux grands groupes. La formation des dirigeants doit être
au cur de préoccupations. Enfin, pour favoriser la recherche et l'innovation,
je pense qu'il faut renforcer la coopération entre les laboratoires de recherche,
les universités et les entreprises.
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