Eric Heyer (OFCE)
"Beaucoup de nouvelles entreprises ne passeront pas l'année"
Membre de l'Observatoire français des conjonctures économiques, Eric Heyer estime que la loi Dutreil risque d'aboutir sur des résultats en trompe-l'oeil. (février 2004)
 
Le chaud et le froid
Une France en queue de peloton
Sylvain Breuzard (CJD)
La loi Dutreil en cinq points

Ne pas prendre les chiffres au pied de la lettre : voilà ce que préconise Eric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cet économiste tempère la hausse des créations d'entreprise et met en garde contre des effets pervers de la loi Dutreil, comme la baisse de durée de vie des entreprises ou du nombre moyen de salariés par entité.

Quels facteurs expliquent la croissance des créations ex-nihilo de 12 % par rapport à 2002 (lire l'article) ?
Eric Heyer. Il faut être très prudent pour étudier ce chiffre et le mettre en parallèle avec les faillites d'entreprise (Ndlr : croissance des faillites de 11,7 % d'après Euler-SFAC). Les créations nettes sont un meilleur indicateur. Or, à mon avis, cet indicateur n'affiche pas une telle croissance. Par ailleurs, il faut raisonner en terme d'emploi. Quelle est la taille des entreprises créées en 2003 ?

Ce chiffre traduit néanmoins une hausse. S'explique-t-elle par la loi Dutreil ?
La loi Dutreil n'a réellement pris effet qu'en janvier 2004. Elle ne saurait justifier la croissance. Une période de chômage pousse les personnes sans emploi à créer des entreprises, c'est-à-dire à créer leur emploi. A mon sens, le chômage explique avant tout la croissance des créations en 2003.

Selon un sondage Ifop (lire l'article), de moins en moins de Français ont envie de créer une entreprise. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Un autre effet est à prendre en considération : le taux de chômage actuel très élevé décourage les salariés à quitter leur poste pour entreprendre. Ce deuxième effet, négatif, explique donc une baisse des intentions de création d'entreprise. Les deux effets en sens inverse jouent sur la création d'entreprise. Le chômage pousse à la création, grâce aux chômeurs qui lancent leur entreprise, mais en même temps décourage l'envie de création chez les salariés en poste. Pour eux, la prise de risque semble trop importante.


La loi va favoriser les entreprises mono-salariales"

A votre avis, quelles vont être les conséquences de la loi Dutreil ?
La loi pour l'initiative économique va avoir un fort impact sur les créations. Elle devrait notamment réduire l'effet négatif de la notion de prise de risque, en encourageant les salariés à se lancer dans la création grâce à la non-exclusivité de l'employeur.

Et quels peuvent être les effets pervers ?
La loi Dutreil risque surtout de favoriser les entreprises mono-salariales, car seul le patron sera exonéré de charges patronales. Dans certains cas, des associés risquent même de se dispatcher en créant plusieurs entreprises mono-salariales pour payer moins de charges sociales. La durée de vie des entreprises pourrait également baisser. Je crois que le nombre de créations va augmenter en 2004, mais que beaucoup d'entreprises ne passeront pas l'année. C'est d'autant plus probable qu'une partie des avantages fiscaux ne durent qu'un an. Deux associés peuvent, par exemple, créer tour à tour une entreprise. Enfin, avec de telles mesures incitatives, beaucoup de chômeurs risquent de se lancer sans disposer d'un projet qui tienne la route. Il y aura donc une forte défaillance d'ici un an.

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Une étude mondiale (lire l'article) place la France dans le groupe des pays les plus faibles en matière de création d'entreprise. Comment expliquez-vous cette situation ?
Je suis étonné. La création d'entreprise est tout de même en hausse en France. En matière de R&D, nous ne sommes pas très bien placés mais nous avons une économie de pointe reconnue et très spécialisée. J'imaginais que la France se situerait dans la moyenne européenne, ce qui n'est apparemment pas le cas. C'est inquiétant pour l'avenir.

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Rédaction, Le Journal du Management


   
 
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