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INTERVIEW
 
22/02/2004

Développement durable
Les entreprises prennent les devants

Autorégulation pour éviter une réglementation astreignante ou calcul à long terme ? Les entreprises s'emparent en tout cas du concept de développement durable.
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Nicole Notat (Vigeo)
Les acteurs de la notation
P. Widloecher (La Poste)
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Pour certains, le concept reste "du vent". Une étiquette que les puristes du développement durable ne réfuteraient pas, au nom des énergies propres. Pour d'autres, au contraire, le concept se fait réel : peu à peu, le développement durable dissémine ses valeurs dans les sphères publiques et privées. Une analyse que l'histoire du développement durable semble conforter, tant ce "concept" s'est imposé dans les débats internationaux.

 

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L'origine du développement et l'environnement remonte au début des années 70. Le Club de Rome, une association privée internationale spécialisée dans l'étude des conditions de vie, publie en 1971 un rapport sur les limites physiques du globe terrestre face à la croissance économique. Mais il faut attendre 1980 pour que l'expression "développement durable" fasse son apparition dans un texte des Nations unies. Sa définition exacte est finalement donnée en 1987 dans le rapport Brundtland, en préparation du sommet de Rio. Le concept prend alors une tonalité politique et, par rebond, devient une péroccupation pour les entreprises.

"La marée noire de l'Exxon Valdez en 1989 (en savoir plus) est l'un des déclencheurs en faveur du développement durable, explique Christian Brodhag, directeur de recherche à l'Ecole des Mines et président d'un groupe de travail à l'Afnor sur le management et le développement durable. Les entreprises américaines ont alors eu peur qu'une autre catastrophe de cette ampleur ne provoque des actions réglementaires au niveau fédéral." Dans ce cas, mieux vaut prévenir.

A cette crainte, s'ajoute la pression de l'opinion publique qui s'avère de plus en plus sensible aux enjeux sociaux et environnementaux, et au rôle des entreprises dans la mondialisation. Pour endiguer ce double phénomène, les entreprises décident de s'emparer du concept de développement durable. En 1997, certaines suivent le GRI (Global reporting initiative) dont l'objectif est de normaliser le développement durable. "En France, l'engagement s'est révélé plus tardif. Le Medef a constitué un frein et seules quelques entreprises pionnières, comme Lafarge, ont adopté le GRI", se souvient Christian Brodhag, président de la Commission française pour le développement durable de 1996 à 1999.

Aucune réglementation internationale n'est envisageable"

Christian Brodhag, Ecole des Mines

A partir de 1999-2000, le phénomène s'accélère. Soucieuses de reconquérir ou de protéger leur image de marque, les grandes entreprises communiquent de plus en plus sur leur implication. Fin 2002, le Medef s'engage à son tour en faveur du développement durable et propose des plans d'action. Deux ans plus tard, en 2004, plus de 220 entreprises françaises sont adhérentes du Global compact des Nations unies.

Ce mouvement du secteur privé reste cependant critiqué. L'engagement des entreprises en faveur du développement durable repose en grande partie sur le volontariat : certains y voient une stratégie des grands comptes pour limiter la réglementation internationale sur les aspects sociaux et environnementaux, en prônant l'autorégulation.

 

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Dans un rapport sur les pratiques de certaines entreprises dites "responsables" (en savoir plus), l'ONG britannique Christian Aid tape ainsi du poing sur la table. "Les entreprises ont toujours utilisé la notion de responsabilité sociale pour bloquer toute initiative de régulation internationale de leurs activités", estime l'ONG. Pour Christian Aid, le concept du développement durable sert avant tout à "masquer l'impact des firmes multinationales dans le monde globalisé", impact négatif aussi bien pour le développement que pour l'environnement.

Autorégulation ou pas, les possibilités de réglementation internationale en matière de gestion sociale et environnementale apparaissent toujours aussi faibles. A défaut, le développement durable serait donc une première avancée. "Aucune réglementation internationale n'est pour l'instant envisageable : les Etats-Unis et les pays du Sud s'y opposeraient, confirme Christian Brodhag. Il est donc important que se manifestent certaines pressions et finalement positif que les entreprises soient obligées de prendre des initiatives."

Faute de réglementation, le développement durable avance sur un autre terrain, celui de la normalisation. L'ISO, l'organisation internationale de normalisation, a par exemple été saisie pour mettre en place des premiers jalons. Différents pays ont répondu à cette logique en apportant des propositions de normalisation afin de dégager un consensus international.

Nicole Notat (Vigeo)
Les acteurs de la notation
P. Widloecher (La Poste)
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Dans cette quête de la normalisation, les agences de notation (lire l'article), qui se développent actuellement, devraient jouer un rôle central. A l'instar de Vigeo, ces nouveaux acteurs proposent une évaluation externe des entreprises selon différents critères environnementaux et sociaux. Autant d'éléments qui devraient apporter plus de visibilité sur l'engagement réel des entreprises, donc crédibiliser le développement durable.

(*) En 1989, la nappe d'hydrocarbures de l'Exxon Valdez s'était répandue sur plus de 1 600 kilomètres de côtes en Alaska et avait entraîné la mort de milliers d'oiseaux et mammifères marins et endommagé durablement un certain nombre d'espèces marines. Revenir à l'article

(**) Behind the mask, The real face of corporate social responsibility, janvier 2004, Christian Aid, le rapport en PDF. Revenir à l'article


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