Olivier
Edwards (Croissance Plus)
"Les entreprises de croissance
seront les plus pénalisées"
Les entreprises innovantes
cotées en Bourse, et celles candidates à une introduction,
risquent d'être les plus affectées.
(février
2004)
Avocat spécialisé dans la finance d'entreprise et
les fusions-acquisitions,
Olivier Edwards est également secrétaire général
de Croissance Plus. Cette association rassemble 150 entreprises
à forte croissance. 60 % d'entre elles sont actives
dans les biotechnologies et les secteurs high tech. Pour Olivier
Edwards, le projet de nouvelle norme comptable sur les stock-options
risque de pénaliser les entreprises de croissance cotées
ou souhaitant s'introduire en Bourse.
Pensez-vous que la nouvelle
norme comptable sur les stock-options, proposée par l'IASB,
sera retenue au niveau international ?
Olivier Edwards. Cette norme a été établie par un organisme
international de réglementation comptable. Elle va s'imposer, alors
qu'il n'y a pas eu d'intervention des pouvoirs publics. En soi,
c'est curieux. Par ailleurs, il s'agit de notions comptables sophistiquées
et abstraites. Les experts comptables ne sont pas loin de Diafoirus,
le médecin de Molière qui utilise des termes compliqués pour accroître
sa puissance et se rendre indispensable. En Californie du Nord,
de nombreuses entreprises exercent un fort lobbying contre l'équivalent
américain de la norme proposée par l'IASB. En France,
je crains que nous ne menions un combat d'arrière garde. La norme
sera très probablement appliquée dès janvier 2005.
Quel sera l'impact de
cette norme pour les entreprises ?
Pour les sociétés non cotées, l'impact sera nul. Dans le cas d'un
rachat, le montant passé en charge au titre des stock-options sera
déduit du résultat par l'acquéreur. Mais, du fait de cette norme,
les entreprises cotées devront rendre public un résultat inférieur.
Cela aura donc un impact sur le cours de leur action. L'analyste
sera capable de traiter les comptes en déduisant cette charge, mais
la veuve de Carpentras ?
Les start-up seront-elles plus affectées
?
Pour les sociétés de croissance, l'impact sera d'autant plus fort
à cause de la volatilité des cours. Les grandes entreprises ont
des variations de cours raisonnables, les conséquences seront donc
moindres. Une société multipliant par dix le cours de son action,
comme cela s'est vu par exemple pour Ilog ou Business Objects, pourrait
voir son résultat fortement affecté. Une fois encore, les entreprises
de croissance sont les plus pénalisées.
Techniquement, pensez-vous qu'il soit
logique de comptabiliser les stock-options en charge ?
C'est un paradoxe que les entreprises soient tenues de passer en
charge quelque chose qui leur rapporte de l'argent. Un plan d'achat
a effectivement un coût pour l'entreprise, mais un bon de souscription
ou un BCE ne lui coûte rien. Au contraire, l'entreprise est payée
lorsque l'option est levée. L'IASB veut imposer de passer en charge
les stock-options, car elles ont un effet dilutif pour les actionnaires.
Il s'agit donc de régler un problème avec les actionnaires. Pour
cela, il suffit de leur donner les informations nécessaires.
Les plans de stock-options sont-ils
amenés à disparaître ?
Tant qu'il n'y aura pas d'instrument de substitution aussi efficace,
les plans de stock-options garderont leur importance. Les jeunes
entreprises n'ont pas les moyens d'avoir recours à d'autres outils
pour intéresser leurs salariés.
Les stock-options constituent-elles
donc une rémunération qu'il faut intégrer dans le résultat ?
Ceux qui ont élaboré la norme sont partis du principe que le salarié
n'exerce son droit que si le cours augmente et qu'il s'agit donc
d'un élément du salaire. Par conséquent, il doit être comptabilisé
en charge. Ce raisonnement est un sophisme au même titre que "tout
ce qui est bon marché est cher" ! Une rémunération doit être
fixe, périodique et certaine. Les plus-values éventuellement réalisées
au titre des stock-options ne répondent pas à ces critères.
Comment limiter les abus pratiqués
dans le cadre des plans de stock-options ?
Les plans de stock-options sont malsains lorsque les bénéficiaires
influent sur le cours et lorsqu'ils sont massivement ou exclusivement
réservés au haut management. Croissance Plus ne soutient pas ce
genre de plans. Au contraire, nous pensons que les bons plans doivent
concerner tous les salariés. Il n'est pas possible d'influer sur
un cours six mois de suite. Pour rendre l'opération moralement inattaquable,
il suffit donc de prendre en compte les cours trois mois avant et
trois mois après la date d'attribution de l'option et de réserver
le traitement fiscal "de faveur" aux plans concernant une majorité
du personnel.
PARCOURS
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Après avoir prêté serment
à l'âge de 21 ans, Olivier Edwards s'est spécialisé
en droit des affaires. Au début des années 80,
il s'oriente vers le conseil de sociétés françaises
et américaines pour les fusions acquisitions et le droit
financier. En 1994, il conseille Business Objects dans le cadre
de son introduction en bourse, puis Ilog en 1997 et Wavecom
en 1999. Il intégre le cabinet Jones Day en 2000 en tant
qu'associé, ses spécialités étant
la corporate finance et les fusions-acquisitions. Olivier Edwards
a participé à la création de Croissance
Plus, dont il est secrétaire général. |
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