dossier
(mai 2004)
Ann-Charlotte
Pasquier (Aubade)
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A la tête de la marque de lingerie Aubade, Ann-Charlotte Pasquier estime que les femmes s'imposent peu à peu dans le monde de l'entreprise. Même si, reconnaît-elle, son secteur d'activité est avant-gardiste dans ce domaine. |
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En une dizaine d'années, la marque de lingerie Aubade, détenue par un groupe familial, s'est imposée sur le devant de la scène grâce à une campagne publicitaire devenue mythique : les leçons de séduction. Une campagne initiée par Ann-Charlotte Pasquier, qui dirige aujourd'hui Aubade. La PDG, qui représente la troisième génération de cette aventure familiale, pilote une entreprise de 484 personnes, présente dans 65 pays et de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une entreprise dans laquelle la féminité est partout, du marketing aux ressources humaines. Rencontre avec Ann-Charlotte Pasquier, PDG et mère de deux enfants
En tant que femme, avez-vous rencontré
des freins au cours de votre vie professionnelle ?
Ann-Charlotte Pasquier. Je n'ai pas vraiment rencontré de
frein. Les femmes évoluent plus facilement dans une entreprise familiale.
Nous sommes quatre à diriger Aubade, dont trois femmes. La lingerie
reste un métier féminin. Ces quinze dernières années, nous avons
même cherché à masculiniser les effectifs. A une époque, l'entreprise
ne comptait que deux hommes pour 450 salariés
Aujourd'hui, l'encadrement
comprend à peu près autant d'hommes que de femmes.
Dans
vos relations avec vos clients, vos fournisseurs et vos partenaires,
le fait d'être une femme est-il un handicap ?
Non. Aujourd'hui, les femmes qui ont un niveau de responsabilité
élevé sont vraiment reconnues. Il y a une quinzaine d'années, ce
n'était pas évident : les femmes PDG manquaient de crédibilité.
La tendance s'est inversée et on attend beaucoup de l'intuition
féminine. Cependant, ce qui est vrai dans notre secteur d'activité
ne l'est pas forcément ailleurs. A l'étranger, certaines cultures
sont plus machistes, mais je ne rencontre pas vraiment de problèmes
non plus. Encore une fois, je pense que c'est lié à notre secteur
d'activité.
L'évolution de carrière est-elle la
même pour les hommes et les femmes ?
L'évolution de carrière chez Aubade n'est pas liée au sexe. Par
exemple, le fait d'avoir des enfants n'est absolument pas discriminant.
Les femmes qui dirigent l'entreprise ont elles-mêmes des enfants.
La proportion de femmes cadres pose-t-elle
des problèmes d'organisation ?
Dans certains services, nous avons une très forte proportion de
jeunes femmes ayant entre 25 et 30 ans. Nous devons donc gérer les
congés maternité de façon pragmatique. Nous attendons des salariées
qu'elles s'organisent entre elles pour qu'elles ne soient pas toutes
enceintes en même temps. Par ailleurs, nous demandons une forte
polyvalence. Avant le départ en congé maternité, un système d'entraide
permet de toujours avoir un collaborateur au courant de tel ou tel
dossier. Surtout, nous doublons les postes, avec une période de
transition. En cas d'urgence, nous téléphonons à la personne en
arrêt. Lorsque j'étais enceinte, nous organisions des réunions par
téléphone et mes collaborateurs venaient parfois chez moi.
Je dîne tous les soirs avec mes deux enfants" |
Comment gérez-vous votre vie professionnelle
et votre vie familiale ?
Je m'organise
comme la plupart des femmes qui travaillent. J'ai
recours aux systèmes de garde, aux grands-parents, etc. Aujourd'hui,
les pères participent beaucoup, ce qui facilite les choses. J'évite
de travailler chez moi pour être disponible auprès de mes enfants.
Chez Aubade, nous ne partons pas après 19 h, sauf cas exceptionnel.
C'est aussi vrai pour les hommes. Une personne bien organisée ne
devrait pas partir plus tard, ni travailler chez elle. De plus,
après une certaine durée de travail, les salariés ne peuvent plus
être efficaces.
Vous partez tous les soirs à 19 h
Je pars en général vers 19 h, mais il m'arrive de déborder. Je dîne
tous les soirs avec mes deux enfants. Lorsqu'ils sont en vacances
ailleurs, j'en profite pour travailler plus longtemps. Dans certaines
entreprises, on entend des remarques comme "Tu prends ton après-midi
?" adressées à des gens qui partent à 19 h ! Ce raisonnement
n'est pas du tout dans la culture de notre entreprise. En revanche,
pendant la journée, nous demandons aux salariés de travailler de
manière dense et concentrée. Il est par exemple hors de question
de s'éterniser à la cafétéria.
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Pensez-vous que les femmes et les hommes
apportent des qualités différentes à l'entreprise ?
On dit souvent que les femmes sont plus intuitives et globales.
Je pense que les hommes comme les femmes ont une part de féminité
et de masculinité plus ou moins développée. L'éducation pousse à
développer le cerveau gauche ou le cerveau droit. Quoiqu'il en soit,
au sein de l'entreprise, je ne constate aucune différence marquée
entre les hommes et les femmes.
Quelles mesures gouvernementales pourraient
aider les femmes dans leur vie professionnelle ?
En France, nous sommes en avance par rapport à d'autres pays européens,
notamment l'Italie et l'Allemagne où les parents bénéficient de
très peu de système de garde. Dans le cadre de la construction européenne,
nous devons veiller à ce que la France ne perde pas ses avantages,
et à ce qu'ils se généralisent ailleurs. Cependant, je pense que
notre système de garde à domicile manque fortement de professionnalisme.
Il y a beaucoup d'emplois à créer dans ce domaine. Il faut pour
cela plus de formation. En Grande-Bretagne, les nurses sont reconnues
et valorisées. Leurs études sont un gage de sérieux. C'est important
pour une mère qui travaille de pouvoir se reposer sur quelqu'un
de confiance.
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La campagne de publicité d'Aubade va-t-elle
dans le sens de l'égalité entre hommes et femmes ?
Une campagne de publicité n'a pas pour vocation de remplir un rôle
politique ou social. En revanche, l'entreprise, elle, joue un rôle
social. Lorsqu'elle se porte bien, elle crée des emplois. Par ailleurs,
cette campagne véhicule un message selon lequel la femme est maîtresse
de sa séduction. Elle peut décider d'en jouer ou pas. La séduction
a toujours plu aux femmes, ce n'est pas un rôle qui leur est imposé
de l'extérieur. On a le droit d'adhérer ou pas au plaisir d'être
féminine. Quoiqu'il en soit, notre campagne n'a pas un rôle d'éducation.
Parcours
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Après une maîtrise de finances à Dauphine et un troisième cycle Mode et textile à l'Institut français de la mode (IFM), Ann-Charlotte Pasquier rejoint en 1985 l'entreprise familiale. Successivement au marketing, au bureau de style et à la direction commerciale, elle donne à Aubade une nouvelle dimension. Elle est l'initiatrice de la saga des leçons Aubade. Aujourd'hui PDG de l'entreprise familiale, Ann-Charlotte Pasquier a été élue en 2001 femme d'affaires de l'année (Prix Veuve Clicquot de la femme d'affaires). |
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