Des femmes témoignent
"Il faut penser à s'épanouir"
Elle habite en Suisse,
a 45 ans. Elle est directrice
du DEA en droit, criminalité et sécurité des nouvelles
technologies et directrice de l'Institut d'informatique
et organisation à l'Ecole des Hautes études
commerciales de l'université de Lausanne. Solange
Ghernaouti-Hélie a une fille de 9 ans.
Son mot d'ordre ?
"Brisons
les idées reçues et repensons les rôles sociaux !"
Vie
professionnelle, vie personnelle : comment vous organisez-vous
?
Solange
Ghernaouti-Hélie. Mon
mari habite et travaille à Paris la semaine. Nous
partageons donc les tâches uniquement le week-end et durant
les vacances. Depuis deux ans, j'ai une femme de ménage
et garde d'enfant à domicile. Je profite d'une certaine
flexibilité d'horaire, qui est toute relative et que
ma profession m'autorise, pour m'occuper de ma fille.
Cette disponibilité m'oblige à travailler mes activités
de recherche et de publication le soir, une fois ma fille
couchée, ou parfois très tôt
le matin.
Quelle
est la situation des femmes qui travaillent en Suisse ?
Le congé maternité n'existe pas. Certaines
entreprises le proposent, aucun texte légal ne l'oblige.
S'il existe, il peut avoir une durée variable d'une entreprise
à l'autre. Le droit de vote a été accordé aux femmes au
début des années 70. L'âge de la retraite des femmes est
fixé à 65 ans sans prise en considération du nombre d'enfants. Statistiquement,
à travail égal, une femme dispose ici d'un salaire d'environ 30 %
inférieur à celui d'un homme. De manière générale, en Suisse,
mais cela dépend des communes, il y a très peu de structures
d'accueil pour la petite enfance et les enfants scolarisés.
Les horaires et contraintes scolaires sont inadaptés, même
pour un travail à temps partiel. L'idée que les femmes doivent
s'occuper de leurs enfants, de leur mari, et rester à la
maison, est largement partagée par une grande partie de la
population, hommes et femmes confondus.
Quelle
est la situation des femmes dans votre établissement ?
Les femmes occupent des fonctions administratives, très
peu de fonction à responsabilités. Il est commun de penser
que la femme est soit secrétaire, soit assistante, mais non
professeur. Au début de ma carrière de professeur, on avait
tendance à penser que j'étais l'assistante du professeur
Ghernaouti ! Il m'arrive toujours de recevoir du courrier
au nom de "monsieur"...
Quels
sont les obstacles de votre vie professionnelle les plus
durs à lever ?
Les idées reçues relatives aux femmes, la peur des compétences
et de la ténacité des femmes et la crainte de la concurrence
féminine... La masse
critique de femmes présentes dans les instances décisionnelles
et politiques est insuffisante. Elles doivent en faire dix
fois plus pour espérer être reconnues. On exige d'une femme
une preuve de qualité que l'on ne demande jamais à un homme. Par ailleurs, la dureté de certaines femmes à l'égard
d'autres est un vrai problème. Elles donnent une
culpabilité aux femmes qui travaillent notamment à 100 %,
taxées de mauvaises mères et de carriéristes.
Avez-vous
arrêté de travailler pendant une période ?
Pas vraiment. J'ai arrêté trois semaines
avant l'accouchement et trois mois après, y compris les
vacances.
Selon vous, quelles
solutions peut-on apporter aux inégalités entre femmes et
hommes dans la vie professionnelle ?
Au sein de l'entreprise, il faudrait établir des relations
professionnelles dans le cadre d'un partenariat égalitaire,
en respectant les différences, en considérant la diversité
des genres comme un atout à partir duquel une plus-value
peut être développée. Dans un premier temps, il faut adopter
une politique de quotas ! : c'est la seule manière de rétablir l'équilibre de la représentativité, car à
bien plaire, les femmes sont toujours évincées. Il faut
aussi repenser certains critères de sélection des candidats, ou encore éduquer à ne pas
avoir peur des femmes ou de leurs compétences. En dehors de
l'entreprise, nous devons donner une intelligence sociale
aux enfants afin de rompre le cercle vicieux de la catégorisation
dévalorisante de la fille. Il faut arrêter d'inculquer aux
filles un esprit de résignation, une âme de valet. Brisons
les idées reçues et repensons les rôles sociaux !
Que
conseillez-vous aux femmes qui souhaitent évoluer dans l'entreprise ?
Les femmes doivent oser s'affirmer sur un pied d'égalité.
Il faut penser le travail des femmes pas uniquement du point
de vue de la nécessité financière ou d'une occupation pour
passer le temps, mais comme une condition d'épanouissement personnel.
Les femmes doivent s'organiser pour être disponibles, fixer
des priorités, apprendre à faire des choix. Il faut aussi
admettre que d'avoir des enfants en bas âge et une vie professionnelle
trépidante est relativement incompatible.
Un
témoignage, une question, un commentaire sur ce dossier ?
Réagissez
|