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(mai 2004)

Parité : ce que dit la loi
Par Me Marie Sylvie Vatier

Le droit français et le droit communautaire rappellent le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais dans ce domaine, rien n'est possible sans une évolution des tempéraments.
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Le législateur français comme le législateur communautaire, relayés activement par les tribunaux, mènent depuis plusieurs années une lutte contre les discriminations frappant les femmes. On constate cependant qu'aucune disposition particulière n'existe pour les femmes cadres. Or, dans la pratique, il apparaît que l'inégalité des femmes cadres par rapport à leurs homologues masculins est encore plus forte que dans le reste de la population active.

L'arsenal législatif
Dans l'ordre interne, le principe d'égalité entre les hommes et les femmes a valeur constitutionnelle depuis 1946, et de nombreuses lois ont rappelé ce principe de façon spécifique notamment dans le code du travail et le code pénal qui érigent en principe l'interdiction de toute distinction opérée entre personnes physiques en raison notamment du critère du sexe.

En droit communautaire, le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes figure dans l'article 119 du traité de Rome et plusieurs directives ont été adoptées pour confirmer ce principe. Il est possible de se prévaloir devant les juridictions nationales des dispositions des directives communautaires lorsque la transposition d'une directive en droit interne n'est pas respectée.

Une directive du 15 décembre 1997 fait une distinction entre la discrimination directe et la discrimination indirecte, cette dernière étant définie comme "la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires".

Constituer une preuve
En ce qui concerne la charge de la preuve, cette directive prévoit que lorsque des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte sont établis, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.


Différents articles du code du travail interdisent de prendre en considération le sexe"

Ceci est applicable notamment en matière d'accès à l'emploi : sont condamnées les offres d'emploi faisant apparaître le sexe du candidat recherché. Il est également interdit de fonder les refus d'embauche en raison de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe, le code pénal prohibe le même comportement.

Ainsi, un employeur qui avait proposé aux candidats au recrutement deux questionnaires, un pour les hommes et un pour les femmes tombe sous le coup de la loi pénale. S'agissant des cadres, les offres de recrutement doivent indiquer que l'emploi est offert aux candidats des deux sexes (ex. cadre H/F. ou ingénieur H/F). De même, différents articles du code du travail interdisent de prendre en considération le sexe en matière de rémunération, d'affectation, de qualification, de promotion professionnelle et naturellement de licenciement.

La question de la rémunération
En ce qui concerne l'égalité de rémunération, ce principe aboutit parfois à des situations inattendues : la Cour de cassation a énoncé qu'une disposition conventionnelle comportant pour un, ou deux, ou des travailleurs de l'un des deux sexes, une rémunération inférieure à celle des travailleurs de l'autre sexe, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale est nulle de plein droit. Ainsi en est-il de l'attribution de prime de crèche aux mères de famille, une telle disposition étant nulle car les pères de famille doivent pareillement pouvoir y prétendre. Ainsi en est-il également des dispositions françaises relatives à l'interdiction du travail de nuit des femmes qui ont été considérées comme discriminatoires, bien que la France ait tenté de justifier ces différences de traitement en les présentant comme des actions positives.

L'examen de l'arsenal législatif général fait apparaître qu'il est malheureusement insuffisant pour régler des comportements traditionnellement inégalitaires. Ce sont les actions positives qui permettront probablement d'accélérer le processus. Ces actions positives - et donc discriminatoires envers les hommes - peuvent contribuer sans doute à une véritable égalité dans la vie de l'entreprise.

La discrimination positive
Qui dit égalité de traitement ne veut pas nécessairement dire égalité réelle. Il existe en effet des inégalités de fait nécessitant des mesures correctrices propres à les combattre ou à les réduire. Ainsi, une directive du 23 septembre 2002 a donné la possibilité aux Etats membres de prévoir des actions dites positives en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la formation. Ces actions positives ne se confondent pas avec les mesures protectrices en faveur des femmes liées notamment à la protection de la grossesse et de la maternité.


La jurisprudence communautaire adopte une conception de plus en plus large de la notion d'action positive"

Cependant, les actions positives en faveur des femmes qui sont destinées à gommer le poids du passé, aboutissent le plus souvent à des mesures inégalitaires prises au profit des femmes. Mais la jurisprudence communautaire adopte une conception de plus en plus large de la notion d'action positive. Un exemple en a été donné par un arrêt Marschall prononcé le 11 novembre 1997 par la Cour de justice des communautés européennes.

Dans cette affaire qui se déroulait en Allemagne, un homme candidat à un poste de responsabilité avait été évincé au profit d'une femme sur la base d'une disposition législative particulière au terme de laquelle "si dans le secteur de l'autorité compétente de la promotion, les femmes sont en nombre inférieur aux hommes au niveau de poste concerné de la carrière, les femmes sont à promouvoir par priorité à égalité d'aptitude, de compétence et de prestation professionnelle…" La CJCE (Ndlr : Cour de justice des communautés européennes) a posé pour principe que la directive européenne ne s'oppose pas à une règle nationale qui oblige dans de telles conditions à promouvoir prioritairement les candidats féminins dans les secteurs d'activité où les femmes sont moins nombreuses que les hommes au niveau de postes considérés.

Formation et nomination
En France, une circulaire ministérielle datant du 2 mai 1984 a évoqué certaines actions pouvant être mises en œuvre, concernant l'embauche pour certains postes de travail, pouvant être réservés aux femmes. Le code du travail, en ce qui concerne les actions de formation, admet à titre transitoire des mesures au seul bénéfice des femmes pouvant être organisées par voie réglementaire ou par voie conventionnelle dans le cadre d'un plan pour l'égalité professionnelle négocié dans l'entreprise.

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Les objectifs de nomination de femmes à tel ou tel poste peuvent être fixés, mais il n'existe pas à proprement parler, à l'heure actuelle, de quotas réservés aux femmes cadres. Et l'on voit mal comment, de l'extérieur, il serait possible d'imposer des règles alors que le niveau de responsabilité des cadres repose sur une relation de confiance avec l'employeur et dépend du libre choix de ce dernier.

L'évangile dit "aide toi et le ciel t'aidera". En l'espèce, l'inertie socioculturelle est telle que les initiatives prises en matière de discrimination positive ne constituent qu'une force dynamique mais ne peuvent avoir d'effet et disparaître à terme - ce qui serait souhaitable - qu'à la condition que les tempéraments changent.


Parcours

Marie Sylvie Vatier, lauréate des facultés de droit, est titulaire d'un DES de droit privé et d'un DES de sciences criminelles. Avocat au barreau de Paris depuis 1973, associée de Vatier & Associés, elle est spécialisée en droit social.


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