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(juin 2004)
Jean-Paul Robbe (Ferma)
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Pour saisir de nouvelles opportunités économiques en Chine, il faut impérativement parler chinois et s'imprégner de la culture locale. C'est l'analyse du directeur commercial Asie-Pacifique de Ferma, une filiale de Zodiac. |
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N. O'Shea (CCIP) |
L'émergence du chinois agite l'Occident, ce n'est rien de le dire. Au fur et à mesure du développement économique de la Chine, le chinois fait même figure de "langue à valeur ajoutée" dans l'univers professionnel. Une langue qu'il vaut mieux maîtriser si l'on veut avoir un atout de plus que les autres dans certains secteurs d'activité. Le constat est également valable pour les entreprises : s'adapter à la culture chinoise, notamment par le biais de la langue, reste un gage de réussite pour se positionner dans le pays. Jean-Paul Robbe, directeur commercial Asie-Pacifique pour la société Ferma, une filiale du groupe Zodiac spécialisée dans la téléphonie, livre son analyse sur l'essor du chinois.
Comment expliquez-vous l'intérêt
actuel pour la langue chinoise ?
Jean-Paul Robbe. La Chine représente une nouvelle
donne économique pour les marchés mondiaux, et les Européens
sont actuellement en retrait face à ce phénomène,
comme endormis. Du coup, la dynamique s'installe essentiellement
entre les Etats-Unis et la Chine, qui est un pays amené à
devenir l'un des acteurs majeurs de ce siècle, notamment au travers
de son arrivée sur les marchés européens. La Chine effectue des
investissements importants en Europe, comme dans le cas de la branche
télévisions de Thomson, qui a été rachetée par les
Chinois et non l'inverse. La Chine est actuellement en phase offensive,
et on pourrait la comparer au Japon des années 1960 / 1970.
Les investissements chinois en France se comptent par dizaines.
Récemment, des Chinois ont par exemple investi quelques vingt millions
d'euros dans une usine de retraitement de déchets plastiques dans
le Lot. La concurrence chinoise commence à être prise réellement
au sérieux par les acteurs du marché français. On peut citer l'exemple
de Huawei, le géant des télécoms en Chine, qui s'installe en France,
avec des bureaux à Paris et se pose en challenger du constructeur
national.
Pour
travailler avec la Chine ou en Chine, l'anglais suffit-il ?
La langue chinoise, le mandarin, est un outil crucial de négociation,
et non une curiosité intellectuelle ou artistique. La maîtrise de
cette langue représente de véritables enjeux économiques et professionnels.
Pour parler franchement, lorsqu'on négocie le bout de gras, on le
fait dans la langue de son interlocuteur et en direct. Evidemment,
certains cadres chinois parlent parfaitement anglais, mais ils n'ont
pas de pouvoir de décision. Il faut s'adresser directement aux patrons
qui, eux, ne voyagent pas beaucoup, ne parlent pas anglais et sont
quelque peu nationalistes. La négociation se fait donc avec le décideur,
en évitant de passer par un quelconque intermédiaire ou interprète
pour éviter la déperdition d'informations essentielles. Le but du
jeu, notamment en négociation, est de trouver l'information, ce
qui devient difficile en passant par le biais de l'anglais. En plus,
la négociation se fait toujours en direct sur le terrain, par téléphone,
avec des visites impromptues ou non, et surtout pas par courrier
électronique.
Apprendre le chinois suffit-il pour
une bonne négociation ?
Non. La négociation avec les entreprises chinoises est une affaire
de langue et de culture. Une relation professionnelle se construit
sur le long terme, après plusieurs réunions, déplacements formels
ou informels, et plusieurs mois de patience. Une affaire trop rapidement
menée est quasiment systématiquement vouée à l'échec. C'est délicat
de dire et de faire sentir à son interlocuteur ce que l'on pense.
Ce genre de négociation est une sorte de relation de force. Politesse
asiatique et flatteries font place à plus de considération après
une période plus ou moins importante. Là se dévoilent alors les
personnalités, les idées, de manière plus directe et plus franche.
Il faut toujours garder à l'esprit que cultures occidentales
et orientales n'ont rien à voir, l'une comparée à
l'autre.
Est-ce une langue facile d'accès
pour un Français ?
Tout d'abord, maîtriser le chinois demande un investissement personnel
et individuel important, surtout en termes de temps et d'implication.
Mais c'est également un investissement que devrait faire l'éducation
nationale en France. Actuellement, le chinois est enseigné en deuxième
ou troisième langue, et je pense que l'on devrait la faire passer
en première langue et ce dès la sixième. D'ailleurs
je m'étonne qu'il n'y ait qu'un seul lycée qui le fasse, et ce dans
le 16ème arrondissement de Paris. Si l'on compare le chinois et
l'espagnol par exemple, ce dernier a certainement une place trop
importante dans l'enseignement vis-à-vis des applications professionnelles
actuelles. Le chinois représente des enjeux importants dans diverses
activités : juridiques, commerciales, culturelles, artistiques
Les fonds audiovisuels chinois, par exemple, sont d'une richesse
conséquente, et ne trouvent pas d'application et de développement
hors de Chine à cause de la barrière de la langue.
Les PME françaises ont-elles
également intérêt à se mettre au chinois ?
Pour les entreprises françaises qui ont des contacts quotidiens
avec la Chine, soit en tant que fournisseurs, soit en tant que clients,
le chinois est un facteur clé de succès. Pour les PME, éviter de
passer par des intermédiaires présente un gain de temps et d'efficacité,
donc un gain d'argent. Pour des pays comme la Chine et la Corée,
où la culture est radicalement différente de la nôtre, il
faut faire un effort pour s'adapter. Car lorsque l'on est une PME
comme Ferma, on ne pèse rien face à une entreprise de 50.000 personnes.
Personnellement, en tant qu'interlocuteur privilégié avec le marché
asiatique, je passe beaucoup plus de temps à écouter qu'à parler,
et ainsi j'ai un temps d'avance sur les réponses.
Parcours
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Directeur commercial Asie Pacifique de la société Ferma, filiale du groupe Zodiac, Jean-Paul Robbe a 20 ans d'expérience dans l'export de solutions informatiques et de télécommunications. Il a notamment développé une expertise des marchés asiatiques et latino-américains, parlant couramment l'anglais, l'espagnol et le chinois. Jean-Paul Robbe a entre autres occupé les postes de représentant général pour Bull Beijing Representative Office (1982-1991), puis directeur de Bull Chile Informatica LTDA. De 1994 à 1997, il a été directeur marketing et ventes pour l'Asie, chez Nipson, le poste étant basé à Hong Kong puis à Kuala Lumpur. |
N. O'Shea (CCIP) |
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