Carrière
RUBRIQUES
dossier
(juin 2004)
Pierre
Lacombe (Dassault Aviation)
|
Chargé de mission et cadre supérieur chez Dassault Aviation, syndiqué CFE-CGC et secrétaire du Comité central d'entreprise, Pierre Lacombe analyse cette double activité. |
Envoyer | Imprimer |
|
Quand avez-vous décidé de vous syndiquer
et pour quelles raisons ?
Pierre Lacombe. J'ai adhéré à la CFE-CGC en 1976, à la suite
d'un conflit chez Dassault Aviation. La grille des salaires avait
été revue en 1975, ce qui avait provoqué un conflit de
six semaines. Grâce à la CGT, les salaires avaient augmenté de façon
très significative pour les "mensuels" (Ndlr : les non cadres),
mais pas pour les cadres. J'ai réalisé que nous devions nous rassembler
pour nous défendre.
Quelles
sont aujourd'hui vos responsabilités au sein de Dassault Aviation
?
J'ai été embauché par Dassault Aviation en 1969, en tant qu'ingénieur
dans le bureau d'étude Falcon. Je l'ai quitté en 1986 pour coordonner
la production. Je suis devenu chef de service en 1990 pour le support
client civil puis militaire. Je suis aujourd'hui chargé de mission
auprès du directeur du support. Je n'ai donc plus un poste opérationnel,
ce qui me laisse plus de liberté pour les activités syndicales.
Votre activité syndicale a-t-elle freiné
votre carrière professionnelle ?
Je ne le saurai jamais. Mais je n'en ai pas le sentiment. Les responsabilités
syndicales sont difficiles à admettre pour son n+1, mais pas pour
le n+2, ni le n+3. Le supérieur direct peut déplorer un manque de
disponibilité. Culturellement, c'est également difficile à comprendre.
Dassault n'est pas connu comme une entreprise où des cadres syndiqués
font carrière.
Les équipes que vous avez dirigées
acceptaient-elles vos activités syndicales ?
J'ai toujours réussi à éviter les problèmes. Il y a plusieurs années,
un important conflit a divisé les syndicats de l'entreprise. Je
dirigeais alors quelques cégétistes. Mais le conflit n'a pas eu
de répercussion sur mon mode de management. Cela s'est bien passé.
Il faut vivre les problèmes de l'entreprise" |
Quelles principales actions avez-vous
menées ?
J'ai commencé par négocier des accords annuels, ce qui permet d'apprendre
la négociation. L'action la plus difficile que j'ai eu à mener concernait
la restructuration de 1987 à 1993. J'étais au départ président de
la commission économique. J'ai donc rédigé les droits d'alerte,
qui permettaient de mettre en évidence si l'argument économique d'un
licenciement s'avérait pertinent ou non. En 1991, j'ai été élu secrétaire
du Comité central d'entreprise. Cinq plans sociaux se sont succédés.
De 1989 à 1993, les effectifs de Dassault Aviation sont passés de
16 000 à 9 000 salariés. J'ai obtenu que l'entreprise
finance les départs pour toutes les catégories.
Quels postes avez-vous ensuite occupés
au sein du syndicat ?
J'ai quitté le mandat de secrétaire du Comité central d'entreprise
en 1994 (Ndlr : les mandats durent deux ans), mais j'ai ensuite
été élu en 2001 et réélu en 2003.
Comment le syndicalisme cadre évolue-t-il
?
Chez Dassault Aviation, il est difficile de trouver des cadres qui
s'engagent. Les jeunes acceptent rarement d'avoir des responsabilités,
du fait des pressions de l'entreprise. Mais la CFE-CGC a un poids
important. Nous avons obtenu 33 % de voix lors des dernières
élections, contre 32 % pour la CFDT. Dans le milieu aéronautique, le nombre de syndiqués
se maintient. Mais il s'agit d'un secteur où les cadres syndiqués
sont plus nombreux que la moyenne en France.
Pour un cadre, est-ce bien vu de se
syndiquer ?
Cela dépend des entreprises. Certains directeurs, notamment chez
Dassault Aviation, estiment que l'entreprise a besoin des syndicats.
Cela peut être bien vu, mais pendant quatre ans, pas plus. Certains
cadres supérieurs ont eu de très belles carrières tout en étant
syndiqués, mais pendant une courte durée. Ce qui est difficile,
c'est de mener une action syndicale pendant 25 ans. En ce qui me
concerne, je n'ai jamais eu de problème, mais je ne sors pas d'une
grande école. Je ne peux donc briguer un poste de directeur.
Nous craignons l'harmonisation du statut au niveau européen" |
Quelles sont aujourd'hui vos revendications ?
Nous militons pour que les avantages spécifiques aux cadres ne disparaissent
pas complètement, c'est-à-dire pour éviter un nivellement entre
les statuts. Nous avons accepté la réforme des retraites avec pragmatisme.
Nous savons regarder les problèmes en face. Notre condition était
que le régime par répartition perdure. Nous sommes vigilants pour
les travailleurs seniors. Chez Dassault Aviation, nous avons obtenu
que 60 % des 50-60 ans soient augmentés tous les ans, pour
éviter que les salariés n'aient envie de partir dès 50 ans.
Mais nous sommes très inquiets pour la génération des papy-boomers.
Nous craignons par exemple qu'ils n'aient plus les compétences requises
compte tenu de l'évolution des métiers. Par ailleurs, nous insistons
pour que les postes qu'ils libéreront soient remplacés en temps
et en heure. Lors des négociations annuelles, nous avons obtenu
les meilleures augmentations possibles. Nous défendons aussi notre
accord de participation, très intéressant chez nous puisqu'un tiers
des bénéfices est redistribué. Nous sommes en conflit avec la CFDT
qui souhaite réduire les plafonds de la participation, alors que
nous tenons à la proportionnalité par rapport aux salaires.
|
Quels seront les prochains défis
?
Le statut de cadre est spécifique en France. Il est plus large que
dans d'autres pays. Nous craignons que ce statut soit harmonisé
au niveau européen. Par ailleurs, nous luttons pour conserver l'autonomie
de gestion de notre caisse de retraite.
Parcours
|
Diplômé de l'Estaca, Pierre Lacombe a été embauché chez Dassault Aviation en septembre 1969 en tant qu'ingénieur dans le bureau d'étude Falcon. De 1986 à 1990, il a travaillé à la coordination de la production Falcon. Au sein du service après-vente Falcon, il a été chef du service rechanges de 1990 à 1997, puis chef du service réparations pour l'après-vente militaire jusqu'en 2002. Il est aujourd'hui chargé de mission auprès du directeur du support pour le Falcon. Parallèlement à sa carrière professionnelle, il a rempli différentes responsabilités syndicales à la CFE-CGC, à partir de 1976. Il est élu du Comité d'entreprise de Mérignac et du Comité central d'entreprise depuis 1981. Il a été président de la commission économique du CCE de 1983 à 1991 et de 1994 à 2001. Enfin, il a occupé la fonction de secrétaire du CCE de 1991 à 1994 et de 2002 à 2003. Il a été réélu secrétaire à l'unanimité en 2003. |
Un
témoignage, une question, un commentaire sur ce dossier ?
Réagissez |
JDN Management | Envoyer | Imprimer | Haut de page |
Découvrez le nouveau classement Forbes des milliardaires du monde. Lire