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INTERVIEW
01/12/2004
Lionel Bellenger (Nuages Blancs Centor Idep)
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L'atout
n°1 des managers |
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Lionel Bellenger est directeur général adjoint du groupe de communication et de formation Nuages Blancs Centor Idep. A ce titre, c'est l'un des experts français en matière de formation en communication, une composante essentielle du charisme. Pour Le Journal du Management, il décrypte la notion de charisme.
Selon vous, comment peut-on définir
le charisme ?
Lionel Bellenger. L'origine religieuse du terme se traduit
sans aucun doute aujourd'hui par la passion, l'investissement et
l'aspect émotionnel que diffuse un individu charismatique.
Mais avant tout, je pense que ce genre de personne est dotée
d'une puissance d'attraction et d'entraînement qui mobilise
les gens. C'est comme un leader possédant un véritable
ascendant sur son entourage. On peut dire que le charisme se met
en place dès la cour de récréation. Il suffit
d'observer l'enfant qui prend des risques, fait valoir des projets
et qui, par dessus tout, possède déjà une puissance
d'expression et de communication, du magnétisme.
Qu'est-ce
qui caractérise un individu charismatique ?
Tout d'abord, c'est une personne qui a un sentiment de puissance
très fort au sens psychologique. Mais il a aussi les pieds
sur terre : on sent très bien que c'est quelqu'un de solide
et de lucide. Il dégage une impression très forte
de maîtrise de lui-même, de contrôle et de calme
notamment quand la situation se dégrade. C'est également
une personne qui se donne vraiment et dont la générosité
fait oeuvre d'exemplarité. Une personne charismatique se
distingue forcément, parce qu'elle a de l'influence. Ce n'est
pas une personne qui reste terrée dans son bureau, mais qui
cultive une certaine puissance en étant mesuré.
Le charisme dépend-il du contexte
ou de la personnalité ?
En charisme, il n'y a pas d'auto-proclamation. Cela tient davantage
à la rencontre entre quelqu'un qui prend une initiative et
un groupe qui y répond favorablement. De ce point de vue,
le charisme est très lié au contexte. C'est un processus
interactif qui se développe en fonction des situations. Mais
le charisme appartient tout autant à l'histoire de la personne.
Le terrain de développement du charisme est un contexte de
difficulté, de danger ou de crise qui en général
affaiblit la grande majorité des gens. C'est dans ce contexte
que l'on voit émerger des figures fortes et charismatiques,
alors que les individus en ont besoin. Cette mécanique implique
une autre remarque : une personne qui joue un rôle normal
dans un cadre professionnel donné peut tout à fait
trouver ailleurs un terrain d'excellence ou d'expression favorable
au charisme.
Un processus irrationnel de séduction" |
Quel avantage tirons-nous à
être charismatique ?
C'est un élément de différenciation et un caractère profondément humain. Il permet de déclencher des mouvements à diverses échelles. Rappelez-vous l'appel du Général de Gaulle le 18 juin 1940. Il a osé prendre un risque, provoquant la fascination générale. Déjà en 1895, la théorie de Gustave Le Bon sur la psychologie des foules mettait en évidence la stimulation générée par le charisme, le recul de la rationalité coïncidant avec l'augmentation de la charge relationnelle. Un personnage charismatique et son aura ouvrent sur un processus fusionnel contagieux pour les gens qui s'en nourrissent.
Le charisme peut-il avoir des effets
pervers ?
Oui. Le danger du charisme est qu'il agit comme un processus irrationnel
de séduction. Corollaire du processus, la perte de l'aspect
rationnel conditionne des problèmes d'intentionnalité,
qui au final peuvent se retourner contre notre individu charismatique.
Le charisme est une forme assez aliénante qui ne prend pas
avec certaines personnes. En outre, à court terme, il peut
s'agir d'une dépendance immédiate au détriment
d'une mobilisation créative, alors que la personne charismatique
a besoin de résultats pour être reconnue. Et à
long terme, le charisme pose le problème de la succession.
C'est ce qui se passe, par exemple, dans les entreprises familiales,
les PME ou les associations, où la seule aura d'une personne
donne de la force au groupe.
Un leader charismatique est capable de prendre des risques" |
Leadership, charisme : quelle
est la différence ?
On peut être un leader sans être charismatique. Une
société a besoin de leaders si possible charismatiques.
Dans le charisme il y a une notion de cur, une dimension humaine
prépondérante, contrairement au leadership ou les
notions de compétitivité et d'égocentrisme
sont plus importantes. En revanche, dire d'un leader qu'il est charismatique
n'est pas un pléonasme. L'avantage de l'un par rapport à
l'autre se mesure en termes de cohésion et de proximité
avec un groupe.
Du point de vue professionnel, vaut-il
mieux être expert ou charismatique ?
Sincèrement, pour durer, l'un ne va sans l'autre. L'expertise
et les compétences techniques donnent de la crédibilité
aux personnes charismatiques. Elles ont besoin de connaître
et de savoir.
Comment peut-on devenir un personnage
ou un leader charismatique ?
Devenir charismatique relève d'une prise de conscience et
d'un désir d'inscrire cette évolution dans la durée.
Il faut commencer par se poser la question : suis-je capable de
m'engager et de prendre des risques ? Personnellement je ne crois
pas aux séminaires de deux jours sur le charisme. Mais une
formation ou un accompagnement peuvent être efficaces pour
ouvrir les yeux.
Une forme d'excellence dans la communication" |
Vous êtes l'auteur de "L'excellence
à l'oral, développer son charisme". Pourquoi
avoir mis en parallèle ces deux notions ?
On trouve tous les talents de l'oral dans tous les personnages charismatiques.
Il y a toujours une forme d'excellence dans leur communication.
Ils parlent comme il faut, où et quand il le faut. En fait,
on pourrait dire qu'ils chantent juste. Par exemple, j'anime un
atelier de prise de parole en public à Polytechnique pour
des groupes d'une douzaine de personnes dont quatre ou cinq personnes
sortent du lot et se distinguent par un potentiel charismatique.
Et ils le savent. Désir d'entreprendre et destinée
se rejoignent.
Pour vous, quelles sont les grandes
figures charismatiques aujourd'hui dans le monde de l'entreprise ?
Je n'en citerai qu'une seule : Jean-François Dehecq, le PDG de Sanofi-Aventis.
Il suffit de voir quel effet il produit sur ses salariés
et notamment l'encadrement. Tout les cadres en parlent. Je dirais
même qu'ils l'adorent. En vingt ans, cet homme a effectué
deux cent fusions pour réussir à créer un grand
groupe. C'est colossal. Je pense que le charisme se reconnaît
dans l'uvre de quelqu'un qui a fait son choix et qui sait
ce qu'il fait.
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Quelle est la place du charisme dans
notre société actuellement ?
Aujourd'hui on observe sur le marché plus de compétiteurs,
voire des killers, mais pas vraiment de leaders charismatiques.
Le monde actuel est assez dur et ne laisse pas de place aux sentiments.
Mais la dimension éthique et la mise en avant des valeurs
de l'entreprise au travers de ses responsables poussent les gens
de forte conviction sur le devant de la scène. Le charisme
pourrait bien rejaillir par cette porte là.
Parcours
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Lionel Bellenger est directeur général adjoint du groupe Nuages Blancs Centor Idep, après avoir été dirigé Centor Idep de 1987 à 2002. Maître de conférence à HEC et Paris III, il donne des cours à l'Ecole Polytechnique. Auteur d'une trentaine de livres chez ESF et aux PUF, il dirige la plus importante collection française d'ouvrages destinés à la formation (collection formation permanente). |
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