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DOSSIER 
 
19/01/2005

Télétravail
Un concept en quête de formalisme

Sans statut officiel, la population des télétravailleurs devrait suivre l'essor de l'Internet et se développer en conséquence. De grands chantiers s'annoncent pour le législateur et les entreprises.
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Le télétravail est un concept dont il est encore difficile de mesurer les limites réelles. Une seule certitude : l'idée est apparue il y a une quinzaine d'années, dans le sillage des premiers développements de l'Internet. En France, après un premier rapport rédigé en 1994 par Thierry Breton, l'actuel PDG de France Télécom, puis l'Accord Cadre européen de juillet 2002 définissant le télétravail (voir l'analyse de l'avocat), le Forum des droits sur l'Internet (FDI) vient d'apporter sa pierre à l'édifice.

Le FDI a publié en décembre dernier sa recommandation pour le télétravail en France. Ce rapport a été demandé par le gouvernement pour permettre de formaliser la situation de plus de 1,5 million de personnes salariées. Ce chiffre est à la fois important et faible. D'un côté, il démontre que le télétravail n'est plus un concept fumeux, mais une réalité quotidienne pour des centaines de milliers de salariés. D'un autre côté, alors que le télétravail était présenté il y a encore peu comme la future grande révolution du monde de l'entreprise, il ne représente aujourd'hui en France que 7,4 % de la population active, dont 5,4 % en nomade et 2 % à domicile. Un début.

Sur le plan formel, la notion de télétravail englobe différentes formes de travail : à temps complet au domicile, en alternance entre l'entreprise et le domicile ou encore le nomadisme. Dans tous les cas il s'effectue à distance, au moyen des technologies de l'information et de la communication. Son développement épouse donc intimement celui du Web. Suivant ce principe, l'essor actuel du haut débit et des technologies sans fil devrait permettre de catalyser le phénomène. En 2003, près de 3 millions de personnes étaient connectées au haut débit. L'année dernière, on en comptait deux fois plus, soit 6 millions, tandis que 95 % des entreprises étaient reliées à Internet. Dans ces conditions, le télétravail ne peut que mécaniquement se développer.

En savoir +
  La Recommandation du Forum des droits de l'Internet
  L'accord cadre sur le télétravail

Malgré tout, au sein des entreprises, le sujet demeure presque confidentiel, mis à part chez quelques grands comptes qui ont initié pas à pas la méthode du travail à distance : France Télécom, EDF-GDF ou IBM (lire le témoignage). Certaines entreprises, plus petites et plus jeunes, comme Mayetic (lire le témoignage), ont elles été entièrement conçues pour fonctionner avec le télétravail. Des entreprises pionnières qui défrichent de nouvelles méthodes d'organisation.

Dans ce domaine, les entreprises du secteur high-tech, culturellement en prise avec les NTIC, apparaissent les plus en pointe. C'est le cas de Cisco, le groupe spécialisé dans les infrastructures réseaux et télécoms. L'entreprise américaine cultive même le travail à distance avec une conviction tout particulière : l'explosion du concept représenterait pour elle autant de futurs clients à équiper en outils télécoms. "Le télétravail fait partie intégrante de la culture de l'entreprise au point de rendre tous les salariés potentiellement télétravailleurs selon leurs propres besoins ou ceux de l'entreprise", explique-t-on ainsi chez Cisco France.

Les caractéristiques des télétravailleurs par rapport aux travailleurs
(part des salariés concernés, sources : Insee, enquêtes PCV 1999-2003, calculs DARES)
Caractéristique
Pour les télétravailleurs
Pour l'ensemble des salariés
Fixes à domicile
Alternant
à domicile
Nomades
Maîtrise des horaires
53 %
61 %
33 %
10 %
Travail de nuit (occasionnel ou régulier)
39 %
69 %
42 %
30 %
Travail le week-end (occasionnel ou régulier)
73 %
79 %
61 %
56 %
Contrat précaire
10 %
10 %
7 %
13 %
Possibilité de promotion
45 %
56 %
56 %
39 %
Formation au cours des 12 mois
43 %
40 %
47 %
28 %
Rencontre collègues hors du travail
51 %
63 %
54 %
52 %

Reste que pour chaque entreprise l'expérience télétravail est foncièrement différente et s'accompagne davantages divers et variés : gain de productivité et de motivation, allègement des charges fixes, souplesse et flexibilité... Des gains indéniables donc, mais parfois des inconvénients à la clef pour les salariés et, par rebond, pour les entreprises. "Beaucoup de salariés font du télétravail et ne le savent pas, ou tout du moins ne connaissent-ils pas les risques juridiques exacts, explique Jean Gonié, juriste au Forum des droits sur l'Internet et auteur du rapport sur le télétravail. Le principal constat que nous ayons fait est l'absence de formalisme juridique, véritable danger pour le salarié et l'entreprise. C'est notamment la raison pour laquelle nous avons rédigé notre recommandation. Les télétravailleurs sont des salariés comme les autres et doivent être considérés comme tels."

Le risque vient de ce qui n'est pas dit"

Jean Gonié, FDI

Pour combler ce vide, plusieurs moyens d'action ont été proposés dans cette recommandation. En premier lieu, le contrat de travail du télétravailleur doit contenir une mention spécifique concernant les horaires d'accessibilité ou la présomption d'accident. "Dans le cas contraire, prévient Jean Gonié, un salarié qui travaillerait le samedi soir à minuit pourrait par exemple revendiquer une rémunération pour heures supplémentaires. Dans ce domaine, le risque vient de ce qui n'est pas dit."

Le Forum des droits sur l'Internet propose sur ce point que les négociations collectives définissent un nombre limite d'heures de travail pour éviter le débordement de la vie professionnelle sur la vie privée, en établissant une convention de forfait en heure, tout comme les cadres ont un forfait jour. "Des propositions devraient être faites pour modifier la loi dans le but d'établir un cadre de confiance pour la mise en télétravail", note Jean Gonié.

Où et qui sont les télétravailleurs français
(Pourcentage de télétravailleurs par rapport à la population salariée totale
- sources : Insee, Enquêtes PCV 1999-2003, calculs DARES)
Industrie manufacturière 
  8,4 %
Banques et assurances 
  13,7 %
Service aux entreprises 
  20,5 %
Ingénieurs et cadres 
  29,8 %
Employés 
  3,6 %
Hommes 
  10,2 %
Femmes 
  4,1 %
Ensemble 
  7,4 %

Le FDI propose également que le contrat de travail précise la répartition des coûts d'équipement ou encore l'utilisation possible du matériel professionnel notamment à des fins personnelles. "Selon l'article 1384 alinéa 5 du code civil, précise Jean Gonié, l'employeur en tant que commettant de ses salariés est responsable de la manière dont ils utilisent le matériel professionnel. Ces dispositions juridiques visent aussi à protéger l'employeur en indiquant noir sur blanc les possibilités et les interdictions".

Mayetic, PME 100 % virtuelle
IBM, le culte de la mobilité
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Enfin le rapport du Forum des droits sur l'Internet lève le voile sur la population des télétravailleurs, majoritairement masculine et active dans le secteur des services aux entreprises. Dernier point : le télétravail, qui peut se pratiquer en alternance, est envisagé par les jeunes diplômés dès leur premier emploi. De quoi faire réfléchir sur la mutation à venir du monde du travail.

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