dossier
(janvier 2005)
Les
garde-fous juridiques du télétravail
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Le télétravail pose de nombreuses questions concernant les dispositions relatives aux accidents du travail, au contrôle du temps de travail, à la fourniture et à l'utilisation de l'équipement. |
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Avantages- inconvénients |
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Parmi les différentes formes de télétravail existantes, le télétravail à domicile et le télétravail nomade connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt. Un accord cadre européen (l'Accord Cadre) négocié et signé le 16 juillet 2002 par les partenaires sociaux à l'initiative du Conseil européen a défini le télétravail comme "une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information, dans le cadre d'un contrat ou d'une relation d'emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière".
En dépit de l'intérêt que suscite le télétravail en France, il reste aujourd'hui extrêmement marginal (7% de la population active contre 6% en 2003 et 5,6% en 2001). La lenteur de cette progression traduit la frilosité des entreprises à recourir à ce nouveau type d'emploi en l'absence d'un cadre juridique clair. En effet, le télétravailleur doit être considéré, soit comme un travailleur à domicile si l'employeur a opté pour l'application de ce statut, soit comme un salarié de droit commun.
Toutefois, en raison des spécificités de ce type d'emploi, le télétravail pose de nombreuses questions concernant l'application des dispositions relatives aux accidents du travail, au contrôle du temps de travail, à la fourniture et à l'utilisation de l'équipement.
Dispositions relatives aux accidents
du travail
L'article 8 de l'Accord Cadre stipule que l'employeur est responsable
de la protection de la santé et de la sécurité professionnelle du
télétravailleur conformément à la directive 89/391, ainsi qu'aux
directives particulières, législations nationales et conventions
collectives applicables. Des questions se posent donc en matière
de prévention des accidents du travail et en cas de réalisation
d'un accident du travail.
Prévention des accidents
L'employeur est tenu de consulter le CHSCT
avant toute mise en uvre du télétravail. Il a également une obligation
d'identifier les risques qui pèsent sur le salarié et de les combattre
notamment par l'adaptation du poste de travail du salarié et par
la formation des salariés sur les questions de santé et de sécurité
concernant leur poste de travail. Une visite préventive effectuée
par un spécialiste pour vérifier la fiabilité des circuits électriques,
leur conformité aux normes de sécurité et l'équipement du poste
de travail permettrait de répondre à l'exigence d'identification
des risques.
Toutefois, la mise en uvre pratique de cette prévention semble difficile dans le cas d'un télétravail nomade (absence d'un poste de travail fixe) ou d'un télétravail à domicile, l'accès au domicile du télétravailleur par l'employeur étant soumis à une notification et à l'accord préalable du salarié. Reste alors ouverte la question de l'exonération de responsabilité en cas de refus du salarié de laisser l'employeur entrer à son domicile.
Réalisation des accidents
Un accident du travail est un accident survenu par le fait ou à
l'occasion du travail, à toute personne travaillant à quelque titre
et en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs.
En ce qui concerne le télétravail nomade, en application de la jurisprudence
de la Cour de Cassation relative aux accidents de mission, l'accident
sera présumé avoir un caractère professionnel sauf pour l'employeur
à prouver que le salarié s'était délibérément soustrait à son autorité.
En revanche, l'incertitude reste entière quant à la qualification des accidents en cas de télétravail à domicile, l'identification du lieu de travail et des horaires de travail étant alors rendue difficile. La solution semble devoir passer par l'instauration d'une présomption d'accident du travail en cas de réalisation d'un accident au domicile d'un télétravailleur à domicile.
Le contrôle du temps de travail
La détermination et le contrôle du temps de travail
est une problématique importante du télétravail, qui se pose tant
pour l'employeur (risque en cas de dépassement des durées maximales
autorisées), que pour le télétravailleur (risque de devoir être
en permanence joignable par son entreprise). En ce qui concerne
les télétravailleurs à domicile ou nomades, les nouvelles technologies
de l'information et de la communication (NTIC) offrent de nombreuses
possibilités de contrôle de la durée du travail.
Toutefois, il convient de rappeler que si les télétravailleurs pourront toujours utiliser ces outils pour faire la preuve du dépassement de la durée légale ou contractuelle du travail, l'employeur est tenu, pour pouvoir utiliser ces mêmes outils à des fins probatoires, de se conformer à la législation relative à la protection des libertés dans l'entreprise. L'utilisation d'outils de surveillance du salarié devra rester strictement nécessaire, proportionnée au but recherché et devra en outre avoir fait l'objet d'une information préalable des instances représentatives, des salariés et de la CNIL.
Fourniture et utilisation de
l'équipement
En ce qui concerne la fourniture de l'équipement, l'Accord
Cadre prévoit qu'en principe, l'employeur est chargé de fournir,
d'installer et d'entretenir les équipements nécessaires au télétravail
régulier, sauf si le télétravailleur utilise son propre équipement
en accord avec son employeur.
Sous réserve d'une formalisation de l'accord intervenu entre le télétravailleur et son employeur, cette question ne semble donc pas poser de difficulté particulière. Toutefois, reste la question de l'utilisation de cet équipement par le télétravailleur notamment en ce qui concerne les coûts liés à l'utilisation de cet équipement et l'usage illicite pouvant en être fait par le salarié.
L'Accord Cadre devra être complété par des accords nationaux ou d'entreprise" |
En ce qui concerne la répartition des coûts liés à l'équipement, il sera nécessaire pour pallier à toute difficulté future, de prévoir par contrat, avant même le début du télétravail, les modalités de répartition de ces coûts (assurance, maintenance, frais de déplacement ). Rien ne semble interdire par ailleurs, lorsque l'employeur fournit l'équipement, de réserver l'utilisation de cet équipement à un usage strictement professionnel. Se posera alors le problème du contrôle de cet usage, soit pour s'assurer de son caractère strictement professionnel, soit, en tout état de cause, pour s'assurer que cette utilisation est conforme à la loi.
Ce contrôle rendu possible par les NTIC devra faire l'objet des mêmes précautions et information préalable que décrites précédemment en ce qui concerne le contrôle du temps de travail. L'exemple donné par les pays d'Europe du Nord dans lequel il est plus répandu laisse présager que le télétravail connaîtra en France un développement important au cours des prochaines années.
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Si l'Accord Cadre pose déjà les bases d'un tel développement, il est évident, au regard des questions qui se posent encore aujourd'hui, que cet accord devra être complété par des accords nationaux ou d'entreprise pour permettre aux salariés et à leurs employeurs de profiter pleinement des avantages offerts par le télétravail.
Parcours
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Marie Sylvie Vatier, lauréate des facultés de droit, est titulaire d'un DES de droit privé et d'un DES de sciences criminelles. Avocat au barreau de Paris depuis 1973, associée de Vatier & Associés, elle est spécialisée en droit social. |
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