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Interview
 
10/03/2005

Christophe Falcoz (RCF Management) : "La plupart du temps, le manager ne sait pas qu'il a été choisi"

De plus en plus d'entreprises françaises mettent en place des programmes pour les cadres à hauts potentiels. Mais elles restent encore très discrètes sur le sujet.
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Pour devenir un haut potentiel, encore faut-il savoir comment les entreprises les détectent et quelle évolution elles leur proposent. Chercheur et directeur du cabinet RCF Management, Christophe Falcoz s'intéresse aux hauts potentiels depuis plusieurs années. Il a rédigé sa thèse sur le sujet en 1999, ainsi qu'une étude publié en 2004 et intitulée "Gérer les cadres à haut potentiel". Il décrypte les pratiques des sociétés françaises.

 

 
Christophe Falcoz
 

Comment le management des entreprises détecte-t-ils les hauts potentiels ?

Le plus souvent, la première phase de la détection est décentralisée. Elle intervient au niveau des opérationnels, du n+1 ou du n+2. Ensuite, cette détection est consolidée de manière centralisée, au cours d'une phase d'attribution du label. En général, la liste est déterminée par un comité de carrière, réunissant les ressources humaines, la direction générale et les grandes directions fonctionnelles.

 

Les cadres concernés savent-ils qu'ils appartiennent à ce club fermé ?

"En général, la liste des cadres à haut potentiel est déterminée par un comité de carrière, réunissant les RH, la direction générale et les grandes directions fonctionnelles"

La plupart du temps, ils ne sont pas au courant. Aux Etats-Unis, cela fait dix ans que le système est transparent. En France, il s'agit souvent d'un secret de polichinelle. Lorsque l'on vous propose un MBA à l'Insead ou des stock-options, vous comprenez vite pourquoi... Mais tout le monde ne le sait pas. Les entreprises cherchent à rester discrètes car elles craignent que les managers ne prennent la "grosse tête". De plus, ils pourraient avoir très vite envie de prendre la place du dirigeant alors qu'il faudra pour cela attendre plusieurs années. Elles craignent aussi de décourager ceux qui ne sont pas détectés. A mon avis, il vaut mieux prévenir les hauts potentiels au moment de leur intégration dans la liste.

 

Quel est le calendrier classique après l'intégration ?

Au bout de trois à cinq ans, on peut sortir par le bas - être rayé de la liste - ou par le haut. Lorsque l'on ne fait plus partie du programme, on s'en rend généralement compte car les choses vont moins vite. Pour ceux qui en bénéficient, les changements de poste sont plus ou moins fréquents selon les secteurs d'activité. Dans la pharmacie, le rythme n'est pas le même que dans la mode et le luxe.

 

Quels sont les programmes spécifiques aux hauts potentiels ?

Principalement, il s'agit d'une gestion de carrière minutieuse et individualisée. Les changements de postes sont plus fréquents et interviennent sous forme de mobilité internationale, fonctionnelle ou promotionnelle. De manière secondaire, la moitié des entreprises environ propose un dispositif de formation en externe, par exemple à l'Insead ou HEC, ou dans une université d'entreprise comme chez Accor ou Bouygues. C'est loin d'être systématique. Les formations sont en général peu académiques. L'objectif consiste surtout à faire rencontrer les hauts potentiels entre eux, à leur faire connaître des dirigeants et à impliquer ces derniers.

 

De quels avantages financiers ou en nature bénéficient les hauts potentiels ?

"L'objectif des formations pour les hauts potentiels consiste surtout à les faire se rencontrer entre eux, à leur faire connaître des dirigeants et à impliquer ces derniers"

Dans un tiers des entreprises, ils profitent de plans de stock-options et de parts variables supérieures. Dans un tiers des cas, le salaire de base est supérieur. Cela reste limité car les entreprises veulent se faire discrètes. Pour les fidéliser, elles peuvent leur proposer des avantages en nature, comme une voiture de fonction, ou de petits coups de pouce sous forme de primes, qui peuvent passer inaperçus.

 

Quels sont les risques de ces programmes pour le salarié ?

Il risque de se prendre pour une star ! Il peut connaître une forte désillusion si sa carrière ralentit. Par ailleurs, ces programmes sont très exigeants et stressants, il peut s'épuiser. L'envahissement de la sphère privée pourrait poser de plus en plus de problème avec la génération montante, soucieuse de cet aspect.

 

Et pour l'entreprise ?

Le groupe peut rapidement devenir très élitiste. Par ailleurs, le programme pour hauts potentiels peut décourager les autres cadres. Si les carrières avancent trop vite, les hauts potentiels pensent à leur avenir mais moins à la performance. Ils n'assurent pas de continuité dans le management.

 

Les assessment center permettent-ils de rendre le processus de sélection plus équitable et transparent ?

"Si les carrières avancent trop vite, les hauts potentiels pensent à leur avenir mais moins à la performance"

Dans les pays anglo-saxons, en Allemagne, en Suède, on les utilise très souvent avec des simulations individuelles et collectives, des tests de personnalité ou psychotechniques. Cela peut durer de trois jours à trois semaines. Je ne crois pas pour ma part que l'assessment center permette vraiment d'éviter les luttes de pouvoir. On peut toujours imposer quelqu'un, même dans une sélection en apparence "scientifique". Quoique l'on fasse, le risque existe. Il faut donc que le DRH soit sensible aux questions de pouvoir et il vaut mieux mettre le sujet sur la table.

 

Quelles autres évolutions vous semblent marquantes sur la constitution de ces viviers ?

Depuis quelques temps déjà, les systèmes élitistes sont montrés du doigt, à mesure que la pénurie de cadres se fait ressentir. Il faudra détecter plus souvent et plus tard les hauts potentiels, au moins jusqu'à 50 ans. Il faudra aussi intégrer les femmes, encore peu présentes dans ces programmes. Au-delà, il faut gérer le potentiel non seulement des cadres mais aussi des salariés en général, en s'intéressant à leur orientation professionnelle.




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