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ENTREPRISE
 
21/09/2005

Jérôme Granboulan (Arcelor)
Orienter vers les marchés la créativité de nos centres de recherche

Le directeur innovation et recherche d'Arcelor expose les enjeux d'une innovation maîtrisée pour ce groupe de l'industrie sidérurgique globale.
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Avec un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros en 2004, Arcelor est un acteur de premier plan de l'industrie sidérurgique globale. Si le groupe a su traverser les diverses crises de la sidérurgie pour s'imposer comme leader mondial, c'est aussi parce que le groupe a su intelligemment se renouveler par le biais de la recherche. Entretien avec le directeur Innovation-Recherche d'Arcelor, Jérôme Granboulan.

Comment définiriez-vous l'innovation de votre groupe ?
Jérôme Granboulan. Pour répondre à cette question je me référerais à notre devise : "Des solutions acier pour un monde meilleur". Cela signifie que la recherche propose des réponses aux besoins fonctionnels des clients, tout en se positionnant résolument dans une perspective de développement durable, "pour un monde meilleur", c'est-à-dire prenant en compte l'environnement et créatrice de valeur. En ce sens, la recherche est au coeur de notre projet.

Quelle est la situation actuelle de la R&D chez Arcelor ?
Bien souvent on entend circuler l'idée que la sidérurgie ne fait pas de recherche, puisque cette activité consiste à faire un produit infiniment recyclable, qui existe depuis longtemps. Or, Arcelor est très actif en termes de recherche. En 2004, le budget consacré à la recherche s'élevait à 135 millions d'euros. Il concerne une population de 1.150 chercheurs répartis à travers toute l'Europe dans nos différents centres de recherche. Arcelor met chaque année sur le marché trente à cinquante produits et solutions acier nouveaux.

Le ratio R&D sur chiffre d'affaires (0,45 %) n'est pourtant pas des plus élevés, comment l'expliquez-vous ?
J'aurais deux remarques à faire à ce propos : tout d'abord, il est très difficile de comparer ces ratios, notamment entre entreprises du Cac 40 qui ont des activités fort différentes. Il est par exemple normal que ces ratios soient très élevés pour des entreprises de la pharmacie ou de l'électronique puisque la recherche conditionne leur existence. Ensuite, il faut préciser que les entreprises n'ont pas toutes la même manière de définir la R&D. Le numérateur de ce ratio connaît de grandes variations, dans les définitions, selon les groupes. Chez Arcelor, nous ne comptons en R&D que le coût de nos centres de recherche, à l'exclusion de nos essais en usine. Dans notre secteur, nous nous situons aux premiers rangs de la sidérurgie en matière de recherche.


Assurer le renouvellement permanent de notre offre

En quoi l'innovation a t-elle pleinement participé à la dynamique du groupe ?
L'innovation est au coeur de notre projet. Le métier de l'acier étant peu concentré, notre part de marché moyenne n'est que de 5 % mais elle est bien plus élevée sur les segments les plus difficiles du marché (pièces de structure pour l'automobile, carrosseries, emballage alimentaire, électroménager). C'est ce qui fonde notre force dans ces marchés très exigeants et c'est l'innovation qui assure le renouvellement permanent de notre offre. Par exemple, les structures des nouvelles voitures contiennent des aciers qui pour moitié n'existaient pas il y a cinq ans. Nous satisfaisons ainsi le besoin du marché pour des véhicules plus légers et plus sûrs.

Avez-vous l'impression que la profession de directeur de la R&D évolue sous l'influence du management ?
Tout d'abord, la transition vers une direction de la recherche proche des opérations n'est pas nouvelle chez Arcelor. Mon prédécesseur, Germain Sanz, arrivé à ce poste en 1986, a été un scientifique pleinement acteur de la transformation de l'entreprise. Je rejette l'idée du directeur de la recherche enfermé dans sa tour d'ivoire, la tête dans les étoiles, tout comme je rejette l'idée d'une recherche asservie aux opérations. Le directeur innovation doit être au fait des orientations stratégiques qui lui permettront de bâtir ses propositions. Il doit aussi capter les perceptions du marché en tant qu'élément du monitoring concurrentiel et rester bien évidemment attentif au quotidien des informations pertinentes pour ce marché.

Pouvez-vous nous expliquer comment émergent les nouvelles initiatives au sein du groupe ?
Les initiatives naissent de concertations très étroites entre les besoins perçus du marché et les propositions issues de la recherche, comme par exemple entre les besoins des automobilistes et les découvertes sur un longeron de voiture plus léger et plus sûr. C'est ce type d'adéquation qui permet de lancer de nouveaux projets. Nous organisons également des événements tels que les "Innovation Awards", pour susciter et encourager l'émulation entre nos équipes de recherche et les "Innovation Days", sorte de foire de l'innovation qui permet de stimuler encore davantage la créativité et le partage entre nos différents centres.


Plus rapides et plus proches de nos clients.
Avez-vous dû faire face à d'importantes inerties culturelles dans votre domaine d'activité auxquelles se sont confrontées des innovations ayant mené à des remises en cause radicales ?
La fusion qui a donné naissance à notre groupe, en 2002, a été l'occasion d'un important choc culturel : celui des cultures nationales comme des cultures d'entreprise. Dans la recherche, nous avons concentré notre activité sur quelques centres orientés marché. De cette façon, nous sommes encore plus rapides et encore plus proches de nos clients. Au final ces transformations ont été bien perçues par les chercheurs comme par les unités de production grâce à la dynamique et aux nouvelles perspectives issues de cet enrichissement commun.

Avez-vous des contacts avec d'autres directeurs innovation ?
Bien entendu. En France, nous nous réunissons régulièrement entre responsables des différents groupes pour faire le point et partager nos expériences. Il existe également une association au niveau européen, l'Eirma [European Industrial Research Management Association, ndlr], qui rassemble différents responsables de la recherche et qui permet une confrontation enrichissante. Et puis dans le cadre des fonds pour la recherche sur l'acier hérités de la Ceca [Communauté européenne du charbon et de l'acier, ndlr], nous avons aussi l'occasion de rencontrer et de travailler avec nos homologues.

Quels sont selon vous les avantages de la délocalisation de la R&D par rapport aux implantations françaises ?
Nous ne croyons pas beaucoup à la délocalisation dans ce domaine, mais tout simplement à l'internationalisation de notre R&D, ce qui est différent. Si nous réalisons aujourd'hui le quart de notre chiffre d'affaires hors Europe, nous envisageons de faire passer ce chiffre à 50 % d'ici peu. Et la R&D suit notre déploiement commercial. Nous sommes déjà bien implantés au Brésil par exemple, où nous avons de nombreux partenariats avec les universités.

Concernant la situation en France, je dirais simplement que je suis favorable au crédit d'impôt recherche (Cir) qui constitue un premier pas visant à encourager la recherche, même s'il est nécessaire d'aller plus loin. D'autre part les initiatives concernant les pôles de compétitivité m'intéressent beaucoup, notre centre de recherche en Lorraine a joué un rôle moteur dans cette région pour la création d'un pôle "matériaux innovants". Le dynamisme de nos chercheurs, notre fusion réussie, le développement de nos partenariats industriels et universitaires contribuent à faire de la R&D d'Arcelor un contributeur majeur de "solutions acier pour un monde meilleur".

Parcours

Né en 1953, marié avec trois enfants, Jérôme Granboulan est diplômé de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Il débute sa carrière professionnelle en tant qu'ingénieur débutant chez Coyne et Bellier. Dans les années 80, il est d'abord Chef du Service maritime et responsable du port de Lorient, puis directeur aménagement du port autonome de Bordeaux. Il rentre chez Usinor en octobre 1990, en tant que chef département ponts et travaux publics chez GTS Industries, avant de passer chez Sollac comme directeur de contrôle de gestion et directeur Aciers pour Emballage et simultanément directeur Plan-Stratégie. En janvier 2000 il devient PDG d'Usinor Packaging, et depuis Décembre 2002, directeur Innovation du Groupe Arcelor et Directeur Innovation Recherche.



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