21/09/2005
Anne Darcourt-Lezat
(Nap'tural) La
dynamique R&D doit être insufflée par la direction
D'un simple stage à la création d'une
filiale, l'aventure de la nappe de plumes a emmené le groupe Triton bien plus
loin qu'il ne l'imaginait. Entretien avec sa responsable R&D.
Créée
en 1983, le groupe Triton, 30 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2004,
est spécialisé dans la collecte et le traitement des plumes. Il
emploie quelque 160 salariés répartis en différentes entités
situées principalement dans l'Ouest de la France. A la suite d'une innovation
réalisée en 2000, il a fondé une filiale, Nap'tural, spécialisée
dans la fabrication de nappes de plumes, par exemple utilisées pour l'isolation.
Aujourd'hui, Nap'tural dispose d'une unité de production capable de fabriquer
3 millions de m² par an de nappes de plumes. Toujours en quête
d'innovation, Nap'tural reste très active dans le domaine de la recherche
et du développement. Entretien avec la responsable R&D de la société.
Comment a été
créée Nap'tural ? Anne Darcout-Lezat.
La décision de la création de cette filiale découle d'une
idée de notre PDG : parvenir à faire une nappe de plumes pour
concurrencer le garnissage synthétique. Cette idée lui était
venue d'une discussion avec un responsable d'un équipementier automobile.
Celui-ci s'était plaint que la plume soit en vrac et que, de fait, il ne
soit pas possible d'en garnir les sièges des automobiles. De là
a découlé l'idée de la plume en nappe. Au départ,
en 2000, c'est par le biais d'un stage que le projet a été traité.
A deux, nous sommes parvenus à trouver une solution pendant notre stage
d'une durée de six mois. Puis entre septembre 2000 et octobre 2001, nous
avons rédigé le brevet et réalisé des études
de marché pour voir quelles applications étaient possibles. Enfin,
en 2002, le groupe a créé l'entreprise Nap'tural, pour pouvoir investir
dans une ligne de fabrication dédiée à cette nouvelle activité.
| Une
nappe de plumes | Comment
s'organise aujourd'hui le pôle recherche et développement ?
Nap'tural compte une dizaine de salariés. Je suis la seule personne affectée
exclusivement à la recherche pure mais chacun dans la société
peut être amené à collaborer sans que cela soit formalisé.
Nous faisons appel ponctuellement à l'un ou l'autre de l'équipe
en fonction de ses connaissances. Notre politique est d'utiliser les compétences
internes et d'aller chercher les qualifications qui nous manquent à l'extérieur,
par le biais de stages d'étudiants ou en passant des accords avec des écoles.
Par ailleurs, nous montons des équipes de recherche inter-groupe sur certains
projets. Dans ce cas, nous utilisons le savoir-faire des salariés des différences
entités du groupe. Utiliser des équipes multidisciplianaires fait
gagner du temps sur la mise au point des produits car le partage d'expériences
permet de déceler en amont les éventuels lacunes et problèmes.
Qui coordonne ces projets ?
C'est la direction qui donne l'impulsion sur les projets et assure la bonne communication
entre chacun. Plus globalement, nous organisons au moins une fois par mois une
réunion en présence de notre PDG, du responsable industriel et du
responsable qualité du groupe. Nous discutons à la fois de l'avancement
des projets et de leur financement. Le groupe consacre en effet une part importante
de son budget à la R&D. Ces entrevues régulières permettent
de conserver une bonne cohésion dans les projets d'innovation. De mon côté,
je m'assure au quotidien du rôle de chacun, je gère l'interface entre
l'interne et l'externe et m'occupe des relations avec les différents organismes
comme l'Anvar ou la Drir (Direction régionale de l'industrie et de la recherche).
Nous avons déposé trois brevets en
cinq ans." |
Combien de brevets avez-vous déposé
à ce jour ? Nous avons déposé un
premier brevet pour la nappe de plumes en 2000 que nous avons complété
par deux autres brevets. Il s'agit d'extensions par applications métier.
L'un est destiné au secteur du bâtiment tandis que l'autre concerne
le marché automobile. Désormais, nous nous efforçons de stabiliser
la gamme de produits. Nous continuons à explorer de nouveaux domaines mais
notre priorité est de connaître le mieux possible les produits que
nous avons déjà fabriqués. Très
concrètement, quel est le quotidien de la cellule R&D ?
Nous avons nos propres locaux, même si nous restons très proches
des lignes de production. Nous ne travaillons pas avec du matériel dédié
pour des raisons de coût. Lorsqu'il nous faut du matériel spécifique,
nous nous tournons vers l'extérieur. Dès que nos recherches s'eloignent
de notre métier de base, nous travaillons avec des écoles, comme
l'Insa (Institut national des sciences appliquées) de Rennes, qui
a par exemple réalisé pour notre compte
des travaux en chimie et génie civil. Aujourd'hui, concernant les patentes,
nous finalisons nos connaissances sur le brevet initial et travaillons sur sa
déclinaison et son amélioration. Par exemple, nous étudions
le comportement de la nappe de plumes face au feu. L'objectif, par ce biais, est
de protéger au mieux la matière. Et
quels sont les produits déjà mis au point ?
Pour le domaine du bâtiment, où nous sommes le plus avancé,
nous avons déjà identifié huit produits, dont deux qui ont
reçu l'agrément technique et ont été validés
par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment).
Qu'a changé cette innovation de la nappe
de plumes pour le groupe Triton ? C'est une véritable
rupture dans l'activité du groupe dans la mesure où, pour la première
fois, nous nous adressons directement au consommateur. Avec la nappe de plumes,
nous passons de quelques centaines de clients à travers le monde à
un très large public. En effet, nous avons mis au point deux applications
concrètes pour cette innovation : le garnissage des chaussures de
ski et l'isolation pour le bâtiment. Nous venons d'ailleurs de signer un
accord avec Isover-Saint-Gobain pour la commercialisation de cette dernière
application. Mais nous en sommes encore au démarrage du développement
de ces nouveaux marchés. Il est difficile de dire ce que cela va apporter
précisément au groupe comme chiffre d'affaires supplémentaire.
On estime qu'il faut sept ans pour rentabiliser un brevet. Il nous reste donc
encore du temps.
Le
groupe Triton en dates |
1983 : Création d'Interplume par Christophe
et Nathalie Gaignard 1992 : Création de la filiale Palmiplume
en association avec Procanar SA (Morbihan) 1997 : Fusion et absorption
de la SAE Gaignard, négoce de peaux et plumes (Vienne) 1999 :
Création de BBPlume SA (Saône et Loire) 2002 : Création de Nap'Tural
SAS (Vendée) 2003 : Naissance de la holding Triton qui regroupe
l'ensemble des filiales |
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