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DOSSIER
 
07/06/2006

Vivre en bonne intelligence avec les syndicats
Quand le dialogue profite à tous

Pour les représentants des syndicats, plutôt que de créer des problèmes, le dialogue social en entreprise sert de baromètre et peut permettre de désamorcer bien des conflits latents. Comment plutôt prévenir que guérir ? Réponses.
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Dialogue social en PME : ce qui pourrait changer
Experts du dialogue social, Jean-Louis Chauchard (FO) et Maeva Sandeau (CFDT) reviennent sur leurs expériences respectives. Conscients des impératifs de l'entreprise et de ses dirigeants, comme de la mission des syndicats, ils défendent un dialogue social constructif entre les deux parties, synonyme d'intérêts partagés et loin des clichés d'un antagonisme irréductible. Comme ils le rappellent avec bon sens, plus le dialogue est banalisé, moins il relève de la confrontation.


Des a priori à faire tomber
Le dogmatisme et les préjugés sont sans doute les principaux obstacles à surmonter pour faire fructifier les relations entre dirigeants et syndicats dans l'entreprise. Tous les ingrédients semblent en effet réunis : dirigeants convaincus d'avoir en main toutes les solutions, syndicalistes arc-boutés sur des positions idéologiques d'un autre temps et pour couronner le tout, une méfiance réciproque et séculaire.

Jean-Louis Chauchard s'insurge : "toutes ces attitudes pourrissent le dialogue social". Un exemple typique, les négociations salariales. "Les syndicats sont historiquement très attachés aux augmentations générales parce que c'est ainsi qu'ils gagnent leur crédibilité auprès des salariés. Face à eux, les directions des ressources humaines tendent à exclure ces augmentations au nom du principe de l'augmentation individuelle". Entre ces deux positions rigides, le syndicaliste déplore le manque d'ouverture dans les discussions, "alors que ce sont les solutions issues de la conciliation qui sont souvent les meilleures, par exemple, les panachages entre hausses collectives et primes individuelles".


Un dialogue mal préparé
Il existe bien sûr d'autres entraves. Les dirigeants ont une formation au dialogue social souvent insuffisante "On leur parle un peu des syndicats à l'école, mais une fois sur le terrain, ils voient rouge". De leur coté, les syndicats ont du mal à s'adapter à la nouvelle donne des relations sociales. Trop peu de cadres sont engagés dans les sections et une logique de revendications collectives prévaut, héritée de la défense du monde ouvrier. Or, ces derniers se font rares et les professions intermédiaires, plus nombreuses, fonctionnent davantage dans une logique individualiste, avec une attention aiguë à la gestion de leur carrière. Enfin, la direction est souvent en position de force en raison de la faible présence syndicale et donc assez encline à négliger un interlocuteur un peu encombrant.

Les solutions issues de la conciliation sont souvent les meilleures"

Jean-Louis Chauchard, Force Ouvrière
Pourtant, pour Jean-Louis Chauchard, quand le dialogue social est réduit à la portion congrue et "que le comité d'entreprise, se résume à un comité des fêtes, en charge de décider de la prochaine destination des vacances", tout le monde y perd. Dans son livre "Réussir le dialogue social", il s'adresse aux syndicats comme aux directions. Et cherche à démontrer les risques de détérioration sociale que court une entreprise obsédée par la recherche de la seule productivité ou qui serait tentée par une conception trop individualiste de sa relation avec ses employés. Il veut aussi rappeler avec force que le travail de proximité avec les salariés est un véritable investissement et non une perte de temps.

Beaucoup de collaborateurs se sentent négligés aujourd'hui dans les entreprises. "Parce que les primes valorisent ceux qui brillent rapidement, les employés fidèles ont le sentiment que leur travail, accompli discrètement et consciencieusement, n'est pas reconnu". Evidemment, les RH ne peuvent avoir les yeux partout et ne sont pas exempts d'une certaine myopie. "Alors beaucoup s'écrasent et s'en vont quand ils le peuvent, tandis que les seniors se battent pour se maintenir en poste". Et la situation peut vite devenir délétère. Autre risque, voir apparaître dans l'entreprise des organisations, plus politisées et moins occupées à défendre les salariés qu'à "instrumentaliser ce qui se passe à l'intérieur de l'entreprise pour en faire une tribune à l'extérieur". Une agressivité qui est la conséquence directe du déséquilibre des rapports de force et du sentiment d'impuissance coté syndical.


Une nécessaire reconnaissance
Un dialogue social constructif repose sur l'équilibre et la reconnaissance. Et il n'en faut parfois pas beaucoup. Jean-Louis Chauchard se souvient d'une négociation houleuse avec sa direction concernant un plan d'épargne entreprise. Après avoir refusé plusieurs fois une augmentation de l'abondement, la direction l'a finalement acceptée, une mesure fiscale l'ayant rendue intéressante. Avec un peu de communication, le syndicat a alors réussi à faire passer auprès des salariés la décision pour une victoire. "Et tout le monde y a gagné". Au-delà de l'anecdote, l'auteur estime que la direction a plutôt intérêt, d'une manière générale, à présenter "des projets souples offrant des espaces de négociation, quitte à être moins généreux au départ, plutôt qu'une copie finale, déjà ficelée, et qui ne demande qu'à être validée". Il doit y avoir négociation authentique et non simplement explication entre les dirigeants et les syndicats. Et il ne s'agit pas que d'une affaire d'honneur. "En négociant, le patron connaîtra plus précisément l'opinion et les attentes de ses salariés. S'il s'est laissé suffisamment de marges de manœuvre, ce retour enrichira au fur et à mesure sa proposition. Au final, elle sera sans doute meilleure et peut-être même moins coûteuse".


Des bénéfices concrets pour les PME
Dans les PME, où la présence syndicale est presque nulle, tout est à faire. Pour Maeva Sandeau chargée de mission à la CFDT, et auteur d'un ouvrage à l'intention des acteurs du dialogue social en PME, "PME et dialogue social, savoir négocier", le bénéfice de relations sociales de qualité peut-être envisagé à trois niveaux.

Le premier est le rétablissement de relations de confiance dans l'entreprise. "Dans les petites structures, les patrons ont souvent l'illusion d'une entreprise fusionnelle et ils sous-estiment la distance qui peut exister entre eux et les salariés. Les syndicats peuvent les aider à décoder les attentes des salariés. En renforçant une relation de confiance, ils favorisent notamment une bonne remontée de l'information et une transparence dans le travail quotidien".

Les patrons sous-estiment souvent la distance qui peut exister entre eux et les salariés"

Maeva Sandeau, CFDT
Les partenaires syndicaux peuvent aussi avoir une fonction de sécurisation juridique. "Même s'ils sont rarement des experts, les représentants syndicaux peuvent apporter une connaissance du droit dans certains domaines, notamment dans les cas de licenciements". Plus encore, ils peuvent contribuer au lancement de négociations pour formaliser certaines démarches, particulièrement dans le cas d'activités nouvelles posant des problèmes juridiques inédits. Maeva Sandeau cite ainsi le cas d'une PME spécialisée dans la réalisation d'inventaires et dont les effectifs pouvaient être multipliés par cinq ou six pendant de brèves périodes. Cette entreprise se trouvait confrontée à d'insolubles problèmes avec l'inspection du travail. Le dialogue avec les syndicats au niveau régional a permis l'ouverture de négociations avec un comité paritaire et l'établissement de conventions collectives relatives à cette activité, qui ont finalement permis de combler un vide juridique dangereux.

Enfin, les syndicats peuvent s'avérer des partenaires décisifs pour accompagner une société dans son développement. "Certaines PME, notamment celles qui connaissent une rapide croissance de leurs effectifs, peuvent compter plusieurs centaines d'employés et continuer à fonctionner comme de petites structures, sans véritable département RH, avec parfois des chefs d'entreprises au caractère très fort ou tout simplement peu préparés à gérer des équipes élargies". Le climat peut alors devenir tendu et en travaillant sur des questions même très basiques, comme les primes, la pause-déjeuner ou la nomination d'un DRH, les syndicats peuvent contribuer à une pacification des mœurs dans l'entreprise. Si les résultats sont difficiles à mesurer, la professionnalisation de la fonction de représentation conduit à une baisse certaine du turnover et à une plus forte fidélisation des employés.

Parcours

Jean-Louis Chauchard
1996-2006 : Responsable qualité chez Bouygues
1999-2006 : Secrétaire général Force Ouvrière du groupe Bouygues 1978-1996 : Formateur indépendant en ressources humaines et management social
1969-1978 : responsable ressources humaines (chef du personnel) dans l'industrie du téléphone

Maeva Sandeau
Depuis 1998 : Chargée de mission de l'Union départementale CFDT du Rhône
1998-2003 : Fondatrice et présidente de Réseau Assistance Négociation (RAN), une association plurisyndicale et partenariale, associant des reseaux d'employeurs et visant à former employeurs et salariés des PME à la négociation sociale.
1995-1998 : Responsable régionale de la CFDT Rhône-Alpes et Vice-présidente du Conseil Economique et Social Régional (CESR)
1982-1994 : Responsable de la section CFDT du centre lyonnais d'ingénierie d'EDF
1979-1982 : Ingénieure génie civil




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