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DOSSIER
 
28/06/2006

Pierre-André Bidault (dirigeant de transition)
"Il faut avoir une formidable capacité d'adaptation"

Quel est le quotidien d'un dirigeant de transition ? Quels en sont les bons et les mauvais côtés ? Quelles qualités faut-il pour exercer un tel métier ? Pierre-André Bidault nous éclaire sur cette profession en devenir mais sélective.
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Pour qui, pourquoi,
comment ?


Après plusieurs postes de Directeur des Ressources Humaines (DRH) dans des entreprises françaises et américaines, Pierre-André Bidault, 56 ans, s'est lancé dans le management de transition, il y a une quinzaine d'années. Spécialiste de l'international, des fusions et des secteurs à dominante technologique, il intervient lorsque les entreprises recherchent un expert.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur ce mode ?
Pierre-André Bidault. Je vois deux raisons complémentaires pour lesquelles je fais du management de transition. D'abord, parce que nécessité fait loi. Quand on a besoin de travailler, l'intérim management est une solution, même si on n'aime pas beaucoup le dire. Ensuite, parce qu'on acquiert beaucoup de liberté avec l'expérience. Dans une entreprise, on est l'homme du moment.

Il faut également dire que le fait d'être dirigeant de transition débouche rarement sur un CDI car on est toujours surqualifié par rapport au poste. Comme il faut prendre connaissance du terrain tout de suite et saisir tous les aspects du poste, les clients préfèrent quelqu'un de surdimensionné, qui ne perdra pas de temps à s'adapter.

Enfin, je préfère le management de transition à l'intérim cadre. En intérim, on prend un poste et on doit le rendre dans le même état. Le dirigeant de transition a quant à lui des objectifs clairs qu'il a acceptés avant de commencer sa mission et est en charge de faire évoluer une situation au sein de l'entreprise. C'est une question de choix personnel, il faut intégrer les objectifs du client et les faire siens. C'est un investissement à court terme.

Quelle satisfaction trouvez-vous dans cette façon de travailler ?
La satisfaction provient du fait d'avoir accompli quelque chose. Lors de ma dernière mission, je travaillais pour les transports publics de la région lilloise. Quand je suis parti, les organisations syndicales m'ont dit : "on vous estime". J'avais réussi à instaurer un dialogue et à créer de nouvelles relations avec les syndicats.


Dans ce métier, il faut être opérationnel tout de suite"
C'est également satisfaisant de réussir à intégrer des mondes très différents les uns des autres. La diversité des missions est également très enrichissante. Toutefois, il ne faut pas s'y tromper, tous les dirigeants ne peuvent pas faire de la transition.


Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon dirigeant de transition ?
Tout d'abord, une formidable capacité d'adaptation. Aux hommes, aux secteurs, aux entreprises etc. Ensuite, il faut de bonnes capacités d'analyse, être rapide et aller à l'essentiel. On n'a guère plus de 15 jours à 3 semaines pour évaluer la situation et repérer les enjeux, les alliés et les possibles points de blocage. Ensuite, il y a un aspect commercial. Il faut avoir le sens du client, gérer une relation commerciale avec lui, c'est-à-dire le tenir au courant et le rassurer pour garder sa confiance. C'est capital. Evidemment il faut posséder, en plus, une grande résistance au stress.

Quels sont les difficultés de ce travail ?
Le plus difficile, c'est l'inter-mission. Une fois qu'on a terminé un travail, on repart vers l'inconnu. Il faut reprendre un cheminement commercial. Cela peut durer de quelques semaines à plusieurs mois. Il faut aussi se préparer à repartir dans l'investissement des premiers mois. Dans ce métier, il faut être opérationnel tout de suite, c'est toujours une épreuve. Et puis, on reprend tout depuis le début, il faut réapprendre et séduire un nouveau client.

Et quels en sont les avantages ?
C'est le revers de la médaille. On a une grande liberté de parole car notre avenir dans l'entreprise n'est pas en question. La relation qu'on entretient avec le client est de ce fait beaucoup plus riche et les sympathies plus solides. Certains vous diront aussi que l'aspect rémunération est avantageux. C'est vrai qu'on est surpayé mais comme on ne dispose pas de tous les à-côtés, cela revient à peu près au même. Ensuite, techniquement, le travail est beaucoup plus riche. On ne peut pas s'endormir sur ses lauriers, on découvre des univers très différents. Finalement c'est une autre façon d'envisager son travail.


Tous les dirigeants ne peuvent pas faire de la transition. "
En ce qui me concerne, je suis un "vieux" DRH de 56 ans. Autrement dit, je ne suis plus considéré comme un potentiel, donc je ne serai plus recruté. De plus, j'ai maintenant une étiquette : je suis spécialisé dans l'international, les fusions et je connais bien le monde des ingénieurs. Tout cela représente une expertise dont l'entreprise peut avoir besoin à un moment donné, mais si je rentrais en CDI, cela ne pourrait pas durer plus de 2 à 3 ans. Ce ne serait rien d'autre qu'une mission d'intérim un peu plus longue !

Comment réagissent les gens quand vous arrivez sur un nouveau poste ?
Quand j'arrive dans une nouvelle entreprise, je rencontre tous les membres du comité de direction. Je leur demande de me faire une présentation de leur équipe. Ensuite, je prends le temps de rencontrer tous les membres de mon équipe individuellement au moins une demi-heure. Je vais aussi voir les partenaires syndicaux afin de leur expliquer les termes de mon mandat : pourquoi je suis là et pour combien de temps. Cela permet de lever un certain nombre d'interrogations. Cela me prend au moins une semaine. Evidemment, il y a toujours des inquiétudes. Quelqu'un qui vient de l'extérieur est toujours mal vu, a fortiori un DRH dont on s'imagine qu'il est là pour couper des têtes. Comme on arrive souvent en période de crise, il est important de tout de suite se présenter pour mettre les choses au clair et se faire une idée du terrain.

Avez-vous connu des échecs ou des missions particulièrement difficiles ?
Je n'ai pas connu de missions qui se soient très mal passées, c'est-à-dire où je n'aurais pas atteint l'objectif fixé par le client. Par contre je me suis déjà retrouvé dans des situations délicates. Ainsi, lors du rachat d'une banque sur Internet par un groupe anglais, on m'avait demandé de tenir le directeur général français sous contrôle. Après analyse de la situation, je me suis rendu compte qu'il fallait le mettre dehors. Je lui ai envoyé une copie de mon rapport et il ne m'a plus adressé la parole des trois mois qui ont suivi. Mais je n'avais pas le choix, il fallait aller jusqu'au bout de la démarche. Il y a aussi de bons souvenirs, comme l'exemple récent des transports publics lillois. Même si notre rôle est de savoir partir, c'est agréable de recevoir des compliments !

Sur quelle durée s'étend le travail d'un dirigeant de transition ?
La durée est variable mais s'étend généralement de 6 à 18 mois. Pour un plan social, il y en a pour six mois à un an. Au-delà de 18 mois, vous êtes installé dans l'entreprise et en-dessous, c'est de la gestion opérationnelle, l'entreprise n'a pas besoin d'un dirigeant pour cela.

Comment faites vous pour trouver du travail ?

Le plus difficile, c'est l'inter-mission. Une fois qu'on a terminé un travail, on repart vers l'inconnu."
Dans le monde de l'intérim management, il n'y a pas beaucoup d'acteurs, pas plus de dix à quinze cabinets sérieux avec pignon sur rue. Il faut entretenir des relations régulières avec eux. Comme je travaille aussi à l'international, j'ai un réseau sur Internet. C'est important de rester en contact car lorsqu'on est en mission on n'a pas le temps de faire des démarches commerciales. Je ne contacte jamais les entreprises directement, ce n'est pas approprié.

A votre avis, pourquoi le management de transition s'est développé ces dernières années ?
Le rythme de fonctionnement des entreprises a changé. Aujourd'hui, on travaille par phases et il faut des hommes différents pour les maîtriser. L'explosion a eu lieu dans les années 1999 à 2001. C'est récent et les cadres sont encore frileux. Ils étaient les chouchous de l'entreprise et ils ont découvert tardivement qu'eux aussi pouvaient être licenciés. Ils se sont alors tournés vers l'intérim, mais avec réticence car cela était considéré comme dévalorisant, réservé "au petit personnel". Chez les anglo-saxons, il y a moins d'affect dans les relations de travail. Ils ont donc réagi plus rapidement au changement.

Aujourd'hui, le marché est en croissance mais cela reste une fraction restreinte de l'intérim. Toutefois, il ne faut pas croire que tout le monde peut y rentrer. La transition exige des qualités particulières. Entre 2001 et 2002, beaucoup de cadres ont cru que ce serait la panacée pour retrouver un job, mais ce n'est pas le cas. Ce métier est difficile !


Parcours

Depuis 2002 : Diverses missions de transition au poste de directeur des ressources humaines pour Coca-Cola Services France, Transpole...
1999 : Directeur des ressources humaines et de la communication des systèmes d'information Europe Carrefour-Promodès
1997 : Activité d'intérim management en tant que directeur des ressources humaines de transition
1989 : Consultant senior chez VIP consultants
1986 : Directeur des ressources humaines France et Benelux de General Electrics International
1982 : Directeur des ressources humaines de Beckman Instruments France
1974 : Responsable du recrutement de Aérospatiale.



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