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ENTREPRISE
 
26/07/2006

Fabien Prévost (Crédit Agricole Private Equity)
"Ne pas être coté pour ne pas affronter les feux de la rampe"

Le choix d'entrer ou non en bourse est le résultat d'un arbitrage : confidentialité et maîtrise de sa gestion d'un côté, accès aux capitaux bon marché de l'autre. Fabien Prévost revient sur ces différentes stratégies.
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Auchan

La très grande majorité des grandes entreprises françaises est cotée en bourse. La question finit toujours par se poser aux PME à une étape de leur développement. Pourtant, la réponse n'est pas donnée d'avance. Il s'agit alors de faire la part des choses entre maîtrise de son destin et accès facilité au financement de sa croissance. Fabien Prévost, président du directoire de Crédit Agricole Private Equity, une filiale de la banque verte dédiée aux prises de participations directes dans des entreprises non cotées, détaille les avantages et les inconvénients de la non cotation.


Qu'est-ce qui pousse une entreprise à ne pas être cotée ?
Fabien Prévost. Je vois deux raisons essentielles. La première est le souhait de certaines entreprise de ne pas affronter les feux de la rampe. Etre coté, c'est exposer ses chiffres de manière régulière, c'est communiquer sa stratégie et donc permettre à la concurrence de se benchmarker. La deuxième raison est liée aux coûts élevés qui en découlent. L'introduction, tout d'abord, nécessite la mobilisation de beaucoup de ressources, financières et humaines, et coûte entre 5 à 10 % des capitaux levés. La vie de la cotation revient également cher, avec entre autres la publication régulière d'informations financières et la cotisation à Alternext. Il faut ajouter à cela les coûts de structuration en interne, rendue obligatoire par l'introduction. L'entreprise doit notamment apprendre à publier ses comptes rapidement et doit mettre en place un certain nombre de procédures obligatoires dès qu'il y a appel public à l'épargne.


Les parts du capital des entreprises non cotées sont vendues avec une décote de 20 à 40 %."
De plus, et particulièrement pour les actionnariats familiaux, l'entrée en bourse est une porte ouverte qui ne peut pas se refermer. Il suffit de perdre une petite partie du capital, 5 %, pour voir émerger un actionnaire minoritaire qui a le pouvoir de bloquer des opérations importantes comme la vente de l'entreprise. La cotation a donc un réel potentiel de nuisance pour le pouvoir des actionnaires en place. Enfin, être coté, c'est être soumis aux aléas de la bourse et risquer de voir la valorisation de sa société déconnectée de sa valeur économique.

Quels sont alors les inconvénients de la non cotation ?
Etre coté permet d'accéder aux capitaux plus facilement. La bourse offre aux investisseurs la liquidité. Pour une même quote-part de son capital, l'entreprise cotée peut espérer obtenir une meilleure valorisation que celle qui ne l'est pas. Une fois en bourse, les augmentations de capital, ou même les émissions de titres comme les obligations convertibles, se font également bien plus vite car le marché connaît et suit l'activité de la société. Le travail d'explication n'est plus à faire.

Quelles sont les sources de financement des entreprises non cotées ?
Les entreprises non cotées se financent essentiellement par le private equity. Ceci leur coûte le plus souvent plus cher, les parts du capital étant vendues avec une décote de 20 à 40 % en moyenne pour compenser l'illiquidité de la participation. Cependant, ce mode de financement permet à l'entreprise de connaître et de choisir son actionnariat.
L'autofinancement est également facilité car la société peut choisir de ne pas verser de dividendes à ses actionnaires. Sur les marchés financiers, l'entreprise subit la pression de l'actionnaire pour la distribution des résultats, au risque sinon de voir chuter le prix de son action. La non cotation facilite donc bien l'allocation des bénéfices au développement de l'entreprise. Cependant, sur les secteurs en forte croissance, il semble difficile d'éviter la cotation : on ne peut enregistrer une croissance supérieure au rendement des fonds propres que dans le cas d'un financement extérieur. C'est également le cas des secteurs comme la grande distribution ou l'industrie qui demandent des investissements importants (bien que le cas d'Auchan demeure un contre exemple bien connu).


Ne pas être coté peut par exemple donner plus de marges de manœuvre dans les négociations."

Quelles conséquences la non cotation a-t-elle sur la stratégie de l'entreprise ?
Ne pas être coté peut par exemple donner plus de marges de manœuvre dans les négociations. Par exemple, une SSII cotée qui enregistre d'excellents résultats aura des difficultés à ne pas accorder de remise à ses clients qui connaissent très bien sa situation financière. De même, un distributeur spécialisé présent en centres commerciaux, s'il affiche d'excellents résultats, ne sera pas en position de force dans les négociations de loyer lors du renouvellement de ses baux commerciaux. L'absence d'informations publiques empêche ainsi de donner involontairement des armes à ses concurrents ou à ses clients.

Ne pas pouvoir faire appel aux marchés implique également d'avoir une vision claire de ses objectifs de développement, et permet de moins facilement changer de cap, notamment pour saisir une opportunité de croissance externe. Ne pas être présent sur les marchés prive l'entreprise de la possibilité de régler ses acquisitions avec ses actions.

Pourquoi certaines entreprises préfèrent-elles se retirer de la cote ?
Tout d'abord, pour maîtriser son destin et gagner en souplesse. Avoir un actionnariat public, c'est avoir des analystes qui observent si la réalité de l'entreprise suit le discours de son dirigeant et qui sont toujours susceptibles de vendre l'action. De plus, les analystes ne partagent pas toujours la vision du dirigeant sur la gestion de l'entreprise. Lorsqu'elle n'est plus cotée, le dirigeant n'a plus besoin de faire ce type de contorsion.

Le retrait de la bourse peut également être une opération purement financière. Si la valorisation du marché est en décalage avec la perception du dirigeant, l'entreprise peut décider de se racheter elle-même. Cette opération peut également être menée par un acteur extérieur, qui revend ensuite sa participation en enregistrant une plus-value.

Auchan


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