L'année 2006 a vu Jonathan Littell éclipser la rentrée
littéraire avec ses goncourisées Bienveillantes. Mais la
saison a également été marquée par un hommage à
la francophonie des autres prix littéraires. Qui sont ces auteurs, nouveaux
ou établis
et de quoi parlent leurs romans ?
Les Bienveillantes, de Jonathan Littell : Goncourt
et grand prix du roman de l'Académie française 2006
L'auteur franco-américain de 39 ans choisit d'aborder la Seconde Guerre
mondiale du côté des bourreaux. Il prête sa voix à un
officier supérieur nazi, Maximilien Aue. Membre de la Einsatzgruppen SS,
celui-ci est chargé de liquider juifs et communistes au fur et à
mesure que l'armée allemande avance sur le front de l'Est. "Je ne
regrette rien : j'ai fait mon travail, voilà tout", justifie
Aue de ses actions passées. C'est cette révoltante "irresponsabilité"
que Jonathan Littell s'attache à décrire afin d'interroger ce qu'il
peut y avoir d'inhumain dans l'Homme. Quant aux fameuses bienveillantes, ce sont
en réalité les furies, ces personnages de l'Antiquité qui
poursuivaient les criminels. Elles n'apparaissent qu'à la dernière
ligne du roman, lorsque l'ancien officier constate : "Les Bienveillantes
ont retrouvé ma trace".
Issu
d'une famille polonaise émigrée de Pologne aux Etats-Unis à
la fin du XIXe siècle, Jonathan Littell passe son enfance en France. Après
avoir passé son bac au Lycée Fénelon en 1985, il entre à
l'Université de Yale. Il part ensuite trois ans dans les Balkans alors
en conflit. Il s'investit dans l'action humanitaire au sein de l'ONG Action contre
la faim, pour laquelle il travaille sept ans, parcourant la Bosnie-Herzégovine,
la Tchétchénie, l'Afghanistan, le Congo et Moscou. En 2001, il quitte
l'ONG et entreprend l'écriture de son premier roman. L'ouvrage, que seules
les éditions Gallimard acceptent de publier, reçoit le Goncourt
haut la main, au premier tour, à sept voix contre trois. Quelques jours
plus tôt, il convainquait le jury du grand prix de l'Académie française.
Si ce pavé de 900 pages est déjà un immense succès
en librairie et a enthousiasmé la quasi-totalité de la critique,
des voix s'élèvent toutefois pour s'interroger sur le danger de
faire d'un officier SS le héro d'un roman.
A titre d'anecdote, Les Bienveillantes permettront aussi à Jonathan
Littell, qui vit à Barcelone avec son épouse belge et ses deux filles,
d'obtenir en mars dernier la nationalité française pour "contribution
au rayonnement de la France"
après deux tentatives infructueuses
en 2006.
Lignes de faille, de Nancy Huston : Fémina
2006
Deuxième écrivain nord-américain récompensé
par un grand prix littéraire en 2006, Nancy Huston obtient le Fémina
pour Lignes de faille. Les regards de quatre enfants, appartenant à
quatre générations successives d'une famille, se tissent et éclairent
quatre périodes cruciales de l'histoire contemporaine. Les thèmes
fétiches de la Franco-canadienne y sont repris : enfance, transmission
et liens du sang.
Mémoires de porc-épic, d'Alain Mabanckou
: Renaudot 2006
Un an après avoir raté de peu ce prix pour Verre cassé,
Alain Mabanckou est récompensé par le Renaudot en 2006 pour son
cinquième roman, Mémoires de porc-épic. Parodiant
une légende africaine selon laquelle chaque humain possède un double
animal dans la nature, il rapporte les confessions jubilatoires de cet alter ego
d'un tourmenteur des villages africains. Un prétexte de l'auteur franco-congolais
pour dénoncer avec humour un Homme qui se considère trop souvent,
au détriment des autres, comme l'occupant légitime du monde.
Marilyn, dernières séances, de Michel
Schneider : Interallié 2006
Michel Schneider, à la fois énarque, psychanalyste et essayiste,
réinvente dans Marilyn, dernières séances la relation
entre l'actrice et son psychiatre Ralph Greenson, les trente derniers mois de
sa vie. Faits réels et imaginés s'enchevêtrent sous la plume
de celui qui se décrit comme un faussaire, "mais un faussaire qui
dit les vérités de chacun". Le prix Interallié vient
couronner ce roman qu'on avait un temps pressenti pour le Goncourt.
Une promesse, de Sorj Chalandon : Médicis
2006
C'est un conte mythologique que choisit de raconter Sorj Chalandon, grand reporter
à Libération et lauréat du prix Albert-Londres en 1988 pour
ses reportages en Irlande du Nord. Dans son deuxième roman, récompensé
par le prix Médicis, sept amis d'enfance se relaient dans la maison de
Etienne et Fauvette pour, jour après jour, faire vivre les disparus. Très
intimiste, Une promesse submerge le lecteur de l'amitié qui unit
ces sept personnes et de la douleur de Lucien, frère d'Etienne, qui met
tout en uvre pour garder intacte l'âme des disparus.
Contours du jour qui vient, de Léonora Miano
: Goncourt des lycéens 2006
La
francophonie est encore récompensée, cette fois-ci par les lycéens,
en la personne de Léonora Miano pour Contours du jour qui vient.
Un an après le très remarqué L'intérieur de la
nuit, la jeune femme de 33 ans suit la quête de Musango, fillette d'une
dizaine d'années née dans un pays africain imaginaire, en proie
à la violence et aux sectes. Son histoire se mêle avec celle d'une
société inapte à envisager son futur et qui, comme elle,
doit se construire sans références.
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