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Dossier
 
15/05/2007

J-E. Derny. Profession : détective pour entreprises

Après une longue carrière dans l'industrie, Jean-Emmanuel Derny se lance dans l'investigation à titre professionnel. Il raconte son métier, au coeur de l'espionnage industriel.
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Dénigrement, espionnage industriel ou commercial, contrefaçon, vol, escroquerie... les risques sont nombreux pour les entreprises et ces dernières souvent mal averties. Jean-Emmanuel Derny, enquêteur de droit privé (plus connu sous le nom de détective privé), fondateur de Roche Investigations, est un recours pour ces sociétés.

 

En quoi consiste votre métier ?

Jean-Emmanuel Derny. Je travaille aussi bien pour des PME, que pour des multinationales très connues. On fait appel à moi dans différentes situations : espionnage industriel, médisance, lorsqu'un salarié est parti avec des informations confidentielles… Par exemple, je travaille actuellement sur le cas d'une société qui a conçu un logiciel très pointu. Quelqu'un est parti avec le code source et cette personne est allée travailler chez un concurrent qui a développé le logiciel sous un autre nom. L'entreprise s'est rendu compte qu'elle perdait du chiffre d'affaires mais elle a des doutes sur l'identité du coupable et me demande de lui fournir des renseignements pour confirmer ou infirmer ces soupçons. Dans des cas comme celui-ci, il faut étudier les suspects potentiels : si je découvre qu'un ancien salarié a connu par le passé le dirigeant de cette entreprise concurrente, qu'en plus de cela il a des problèmes d'argent et qu'il a frôlé une condamnation pour escroquerie il y a 15 ans dans une société similaire... mon client n'aura plus de doutes. Et c'est du vécu.

 

"Six mois après son coup, le coupable redevient moins discret : on trouve alors plus d’indices"

Pour mener à bien ce genre de mission, on fait des filatures, on rencontre des gens à droite et à gauche afin de récolter des informations et, au mieux, de trouver des preuves. Je connais toutes sortes de personnes dans le métier qui peuvent jouer les acheteurs, les techniciens… Je travaillé dans l'industrie et c'est un atout car je connais bien le milieu, ce qui permet d'avoir un discours adapté lorsqu'il faut approcher des gens sans éveiller les soupçons.

 

Une fois les certitudes acquises, il faut amener des éléments tangibles. Pour cela on utilise toute l'information publique disponible auprès du Greffe et si cela ne suffit pas, on peut témoigner soi-même, ou bien convaincre des tiers de produire une attestation. Un dossier suffisamment solide peut conduire un juge à autoriser une perquisition.

 

 

Combien de temps dure une enquête ?

Cela va de plusieurs mois à une année. J'ai par exemple commencé à travailler sur une affaire d'escroquerie au début du mois de janvier et c'est seulement aujourd'hui que j'ai réussi à localiser la bande que je suspecte et à obtenir quelques informations supplémentaires. C'est également cela qui différencie les grosses entreprises des petites. Lorsqu'un commerçant a un problème avec un concurrent, l'affaire va assez vite. L'ennemi est ici moins solide et lorsqu'il est démasqué, cela suffit souvent à lui faire cesser ses manœuvres. Alors que dans une grosse entreprise, les enjeux financiers peuvent être très importants et les personnes en face n'ont généralement pas peur. Les moyens financiers ne sont pas non plus les mêmes.

 

 

Comment facturez-vous vos prestations ?

Les détectives privés ont une obligation de moyens, pas de résultat. Lorsqu'il s'agit d'une grosse affaire, je vais privilégier une facturation au forfait. Sinon, cela se fait sur une base horaire à laquelle on ajoute le paiement des moyens mis en œuvre, tels qu'un billet d'avion ou une nuit d'hôtel. Ainsi, un devis peut comprendre 3.000 euros de travail et 2.000 euros de frais. Je tiens au courant les clients au fur et à mesure de l'évolution de la mission. Ils savent ainsi que je ne suis pas en train de les flouer.

 

"Dans notre métier on devient très vite paranoïaque"

Lorsqu'une affaire est complexe, cela peut demander beaucoup de temps, il faut donc que le client ait les moyens de poursuivre. Aujourd'hui par exemple, j'ai quelqu'un qui attend toute la journée qu'on vienne déposer un courrier. Si cela ne se fait pas dans la journée, il sera encore là demain. Une telle mobilisation demande des moyens financiers importants, c'est pourquoi on en discute avant avec le client.

 

Et parfois il vaut mieux abandonner. Il m'arrive de proposer au client de garder un œil sur l'affaire : si je retrouve un début de piste alors je reprends l'enquête. Surtout que lorsqu'un mauvais coup a été réalisé, le coupable se tient généralement à carreau. Six mois plus tard, il ressort et devient moins discret, on a alors plus de chances de trouver des indices.

 

 

Comment assurez-vous la confidentialité à vos clients ?

Mes clients sont protégés par l'article 226-13 du Code pénal, qui dit que toute personne qui obtient des informations confidentielles dans le cadre de sa fonction - donc le détective - est tenue au secret. La relation de confiance est évidemment le point de départ des enquêtes ; cela permet en outre de fidéliser la clientèle.

 

La déontologie interdit en outre un certains nombre de pratiques, telles que travailler pour deux clients qui s'opposent. C'est la même chose que pour les agences de publicité. J'ai également le cas d'un collègue qui m'a demandé de prendre l'affaire d'un client car celui-ci voulait des renseignements sur une entreprise dont il connaissait très bien le dirigeant. Il a préféré ne pas faire ce travail et, ensuite, ne pas être informé de mes résultats.

 

 

Vous réalisez également des audits de prévention : en quoi cela consiste-t-il et quelles sont les failles les plus fréquentes des entreprises ?

 
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Alain Juillet (haut responsable chargé de l'intelligence économique au Secréteriat général de la défense national, ndlr) s'est inquiété du fait que les entreprises, et en particulier les PME, ne se rendent pas compte que leur savoir-faire a de la valeur et qu'il faut le protéger. Les systèmes informatiques sont mal sécurisés, elles ne sont pas non plus assez attentives à l'information à laquelle ont accès les stagiaires et intérimaires. Certains renseignements qui peuvent ne pas paraître stratégiques doivent être protégés quand même. Imaginez un produit high tech très cher. Mon concurrent est capable de produire la même technologie et il arrive à obtenir mon boîtier, ce qui représente malgré tout 10 à 15 % du prix final. A priori, tout le monde se moque de ce boîtier, sauf que mon concurrent sera, au final, plus compétitif. Si en plus de ça il obtient d'autres informations du même acabit, il peut arriver à vendre le même produit deux fois moins cher.

 

Dans notre métier on devient très vite paranoïaque. Certes, il ne faut pas tomber dans les extrêmes, mais les entreprises doivent rester prudentes. Il m'est déjà arrivé de réaliser un audit dans une entreprise avec des documents financiers confidentiels qui traînaient sur les bureaux de la direction. Le B.A-Ba d'un audit consiste à préconiser de mettre des mots de passe, ranger les documents confidentiels et crypter les envois par mail de données sensibles. Et lorsque les informations à échanger sont très confidentielles, préférer se voir en direct.

 

 

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Parcours
 
 

Ingénieur de formation, Jean-Emmanuel Derny a fait sa carrière dans l'industrie, à différents postes dont celui de directeur marketing. Il fonde Roche Investigations en 2004 et devient "enquêteur de droit privé". En 2006, il obtient le diplôme d'Etat "Sécurité des biens et des personnes", option "Enquêtes privées", de la faculté de droit Panthéon Assas Paris II.

 

 


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