Il y a autant de façons de mettre sa carrière entre parenthèses pour un temps
que de personnes. Mais le motif reste à chaque fois le même : se réaliser
et s'épanouir en dehors de sa vie professionnelle. Pour Charlotte Trétel,
c'était l'humanitaire. Après quatre années comme auditrice
dans un grand cabinet, elle est partie à 27 ans pour une mission de deux
ans en Thaïlande avec Médecins sans frontières. Pour Bernard
Michat, cadre du secteur bancaire, c'était réaliser une formation sans lien
avec son métier mais utile pour des activités extraprofessionnelles. A 48
ans, il est parti un an à Rome suivre un master de théologie.
Partir pour revenir
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Charlotte Tétrel et Bernard Michat
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Ni pour l'un ni pour l'autre, il ne s'agissait de rompre avec sa carrière.
Choisir le bon moment pour partir était donc essentiel. La démarche était délicate
pour Bernard car il ne souhaitait pas démissionner. Convaincre son manager s'imposait.
"Cette formation était un projet vieux de deux ou trois ans mais j'ai attendu
un moment en cohérence avec ma carrière pour partir et j'ai prévenu mon employeur
un an à l'avance. Il a paru très intéressé et y a tout de suite vu la preuve d'une
ouverture d'esprit", se rappelle-t-il.
Le projet de Charlotte n'a pas reçu le même accueil. "J'en ai parlé
cinq mois avant à mon manager mais il n'a pas du tout compris mes motivations.
Cela ne rentrait pas ses plans il faut dire, car c'était à un moment où les jeunes
auditeurs étaient très recherchés." Mais pour partir deux ans, la consultante
devait de toutes façons démissionner : l'avis de son employeur comptait peu, d'autant
qu'elle ne doutait pas de pouvoir retrouver facilement un emploi ensuite. "Si
c'était à refaire, je serais plus diplomate, concède-t-elle. Mon manager était
très éloigné de mes problématiques. Je le sensibiliserais de manière plus progressive."
Utiliser son expérience pour rebondir dans sa carrière
"Avec le profil atypique que j'avais, on n'aurait
jamais sélectionné mon CV pour un entretien sans la recommandation de quelqu'un" |
Les bonnes conditions du départ de Bernard se sont logiquement traduites par
une facilité à revenir. "J'ai gardé contact avec l'actualité de mon métier, avec
mes collègues et je suis revenu une fois voir mon chef pour lui confirmer mon
retour. J'ai retrouvé d'autant plus facilement mon poste que ma formation très
internationale m'avait permis de développer mon ouverture aux autres cultures
et ma capacité d'adaptation, ce qui était très appréciable puisque j'étais amené
à travailler avec les filiales de la banque de détail à travers le monde." Quelques
années après son retour, Bernard montait dans la hiérarchie.
Le retour de Charlotte fut moins direct. Comme beaucoup de volontaires d'ONG,
revenir après des expériences humaines aussi denses est très difficile. Elle est
donc restée quelques années supplémentaires dans les secteurs social et associatif,
comme chef de projet au Samu Social tout d'abord puis en créant et dirigeant une
association s'occupant de la prise en charge des malades du Sida en Afrique. "Mais
après ces cinq années de break, j'avais envie de revenir vers le privé. Le fil
conducteur de toutes mes expériences était le travail sur le contact humain. J'ai
donc cherché un poste du côté des ressources humaines." Plutôt que de déposer
des CV et répondre à des annonces, Charlotte a fait fonctionner son réseau. "Avec
le profil atypique que j'avais, on n'aurait jamais sélectionné mon CV pour un
entretien sans la recommandation de quelqu'un." Elle est aujourd'hui responsable
des ressources humaines d'un éditeur de logiciels mais a pour cela dû mettre
de l'eau dans son vin. "Il a fallu être moins exigeante et accepter les CDD. Mais
c'était le moyen de pouvoir prouver ma crédibilité pour obtenir ensuite
un CDI. C'était rassurant pour l'employeur."