Christophe Roux-Dufort (EM Lyon) Avec les bons réflexes, on peut transformer son incompétence en qualités uniques

Transformer ses limites en talents professionnels avec des réflexes simples, c'est ce que propose Christophe Roux-Dufort, professeur de management à l'EM Lyon, dans son dernier livre, "Vive l'incompétence !". Il explique comment.

A l'heure où il faut être toujours plus efficace et performant dans son travail, vous publiez, avec Sanjy Ramboatiana, un livre sur les bienfaits que l'incompétence. C'est une forme de provocation...

christophe roux-dufort, co-auteur de 'vive l'incompétence !'
Christophe Roux-Dufort, co-auteur de "Vive l'incompétence !" © C. Roux-Dufort

Christophe Roux-Dufort. Pas tant que cela en vérité. Nous partons de l'idée que l'incompétence n'est pas un manque de savoir, de savoir-faire comme de savoir-être. Ce qui est à l'œuvre, c'est un mécanisme de distorsion de la perception des situations par les personnes. Elles ont un sentiment initial sur une situation qui les touche. S'il est erroné, ce sentiment va les inciter à agir de telle sorte qu'au final, elles seront en décalage par rapport à la réalité et feront objectivement preuve d'incompétence. Dans le livre, nous citons l'exemple d'un cadre qui s'était persuadé qu'il était le "fusible" de sa direction face aux médias. Convaincu qu'on l'envoyait au front pour le sacrifier, il faisait mal son travail face aux journalistes et réglait ses comptes avec ses chefs devant la caméra. Son incompétence provenait d'une conception erronée de son rôle. Notre objectif est de montrer qu'avec les bons réflexes, on peut transformer ces mécanismes de l'incompétence en qualités uniques.

Toutes les formes d'incompétences ne se prêtent pas à ce retournement : lorsqu'on ne sait pas faire, on ne sait pas faire...

En fait, si. Face à une manifestation d'incompétence d'un collaborateur, une entreprise doit se demander s'il s'agit d'une carence de savoir - dans ce cas, il suffit de le former - ou si ce sont ces mécanismes d'incompétence qui sont à l'œuvre. Le manager pourra alors l'aider à corriger ce décalage.

"Un sentiment d'incompétence peut conduire une personne à faire objectivement preuve d'incompétence au final"

Au quotidien, quels sont les réflexes pour éviter de tomber dans ces pièges ?

En premier lieu, il faut apprendre à s'arrêter pour réfléchir quand on commence à ne pas se sentir bien. Prenons l'exemple de David, qui rentre de trois semaines intensives de travail à l'étranger. Dans le taxi qui le ramène de l'aéroport, son patron l'appelle et commence une liste interminable des dossiers en suspens du fait de son absence. David commence à ressentir un certain malaise, il culpabilise d'être parti si longtemps, stresse pour le retour et finit par en vouloir à son patron d'être si peu reconnaissant du travail qu'il a accompli là-bas. Mais il a le réflexe de prendre du recul et de mettre des mots sur ses sentiments.

Il comprend que le responsable de ce malaise, c'est lui-même, par la culpabilité qu'il ressent. Au lieu de se jeter sur tous ses dossiers professionnels en rentrant chez lui, il décide de passer la soirée avec sa famille, puis, avant de se coucher, il règle seulement les quelques points dont son patron lui a explicitement parlé dans le taxi. Le reste attendra. Au final, tout le monde est gagnant, David, son patron, qui a vu les problèmes principaux résolus, et sa famille, qui a profité de la soirée. S'il avait suivi son scénario d'incompétence, il aurait tout traité tout de suite et à contrecœur, avec d'importants risques d'erreur, et aurait pu en arriver à une situation de rupture.