La nouvelle fracture numérique

Le défi de la fin de notre décennie : réduire cette nouvelle fracture numérique qui ne cesse de s'étendre entre grosses entreprises et très petites entreprises...

Il existe, sous nos yeux, en France, aujourd'hui une nouvelle fracture numérique.

Cette fracture béante, tout à la fois ostensible et discrète concerne des centaines de milliers d'agents économiques dans notre pays.

Il ne s'agit plus de la fracture entre les individus (nantis ayant accès à l'informatiques / démunis exclus) à l'heure où tous les enfants savent utiliser les consoles de jeux et les ordinateurs, souvent mieux que leurs parents. De même, il ne s'agit plus de la différence entre zones du territoire connectées à internet et zones sous-équipées.

Il s'agit de la nouvelle facture numérique entre (grosses) entreprises et les innombrables très petites entreprises (TPE).

Les grosses entreprises (PME et les filiales de groupes) bénéficient de moyens financiers importants qui leur permettent d'utiliser une informatique de qualité et efficace.

A l'opposé, les très petites entreprises doivent se débrouiller avec un simple traitement de texte et parfois un tableur en complément. Ce qui fait que leur informatique rudimentaire est contre-productive.

Les premières disposent d'une chaîne informatique de traitement des travaux administratifs efficace car intégrée. C'est à dire, concrètement, qu'une seule phase de saisie (par une secrétaire) permet de réaliser l'ensemble des documents de la chaîne commerciale : devis/pro-forma, enregistrement de la commande, bordereau de livraison, bordereau d'expédition, facture, gestion des stocks, contrôles des règlements...Lorsque le premier document de la chaîne a été « tapé », il suffit simplement d'appuyer sur une touche du clavier pour « éditer » chacun des autres documents de l'opération commerciale, car l'informatique intégrée s'occupe de tout, générant de surcroît statistiques, données financières et commerciales...le tout avec la plus grande fiabilité.

A l'inverse de cette facilité, dans la majorité des TPE, la secrétaire ne dispose, comme seul outil informatique que du traitement de texte. Elle doit réécrire chacun des documents lors de chaque étape de la chaîne commerciale. Chacune de ces phases demande à la secrétaire (ou au responsable de l'entreprise travaillant seul), recherche, concentration, rédaction, saisie, relecture... sans mentionner les risques d'erreurs qu'elle entraîne.

Ce temps consacré aux traitements redondants des nombreux documents commerciaux et administratifs explique l'importance qu'occupent les taches administratives dans un emploi du temps surchargé subi par la plupart des indépendants et autres responsables de TPE. Ceux-là mêmes, qui du fait qu'ils travaillent seuls ou presque seuls, cumulent de nombreuses fonctions dans une journée limitée par le temps. Ces travaux administratifs sont tellement voraces en temps que les TPE se trouvent devant le dilemme suivant : D'un coté, négliger ces travaux génère à la longue des problèmes fiscaux et financiers ! De l'autre coté, passer trop de temps dessus se fait au détriment de l'activité commerciale, engendrant un risque inhérent de réduction du Chiffre d'Affaires et de pérennité de la TPE !

La solution passe inévitablement par une informatisation sérieuse et productive de ces travaux. C'est en priorité à ces hommes et ces femmes surchargés, que l'informatique devrait offrir ses avantages. Il s'avère que nous sommes au début d'une petite révolution informatique : l'évolution des langages web (baptisés web2 par les journalistes) et leur arrivée récente dans les systèmes de gestion d'entreprise permet de transformer les systèmes lourds et complexes d'hier (donc très onéreux tant en conception qu'en maintenance) en systèmes simples, modulables et « skinable ».

Si les grosses entreprises et PME commencent déjà à profiter de cette révolution, c'est au monde des TPE qu'elle serait particulièrement bénéfique. Car elle permet de concevoir des systèmes informatique souples, faciles à maintenir, et surtout très peu onéreux. Quelques nouveaux et rares sites Internet (comme nouvellefracturenumérique.org ) proposent de créer un mouvement en faveur de ces TPE et de sensibiliser les différents acteurs (pouvoirs publics, collectivités locales et territoriales, journalistes, communauté informatique, responsables d'entreprises...)

Une seconde catégorie de TPE, fort heureusement moins nombreuse, est encore plus démunie face à l'informatique : celles qui ne disposent d'aucun ordinateur, souvent en raison d'une totale déconnexion du responsable du monde de l'informatique. Pour cette dernière catégorie, les autorités ont pris conscience de l'ampleur du phénomène. Le gouvernement a réagi en lançant le plan « passeport numérique » qui ne cesse de prendre de l'ampleur et oeuvre fort utilement pour contrer cette fracture numérique.

Le problème est d'autant plus crucial qu'il existe 2.600.000 très petites entreprises en France (employant de 0 à 9 salariés) contre seulement 7000 entreprises de plus de 250 salariés [étude CLAP- INSEE] .

Dominique ASMAR

architecte système web - spécialiste de la gestion de TPE