Méfiez-vous du syndrome du « winner-looser »

Une fusion est un processus complexe: sa réussite ne se décrète pas. L’échec vient rarement de la mise en œuvre technique mais de l’incapacité à atteindre les objectifs de création de valeur et à intégrer le syndrome "winner-loser". Empêchant la création d’une culture commune.

Une fusion s’apparente à une épreuve de vérité où la sincérité du repreneur sera mise à l’épreuve au regard de la stratégie du nouvel ensemble, appréhendé à partir des valeurs affectives associées à chacune des sociétés.
Les opérations de fusion sont souvent longues, elles font naître des pressions sur les salariés, les rumeurs les plus folles coexistent, s’agglomèrent ou s’annihilent. Enfin le jour de l’annonce arrive avec  sa feuille de route et son calendrier. A ce moment précis les deux collectifs humains qui sont censés créer la synergie attendue, prennent une posture ambiguë, chargée d’émotions, provoquée par la crainte et les incertitudes.
Les salariés, comme le chef d’entreprise, se demandent alors si le risque de fusion n’est pas démesuré et une question devient répétitive : "qu’allons-nous devenir ? ".
Deux points de vue sont alors à prendre en compte :

  •  Le  salarié de celui qui intègre : c’est la victoire du plus fort
  • Le  salarié de l’entreprise reprise : il vit cela comme une défaite, le choc est subi, c’est le temps des regrets et de la rancœur.

La situation est aggravée si, sur un même poste, il faut faire un choix entre les deux. Choix de l’appartenance ou choix de la compétence ?
Le choc des cultures, l’alibi pour ne pas s’approprier la nouvelle culture.
C’est le résultat d’un choc des cultures qui sert aussi d’alibi pour ne pas avancer et regretter sans fin le bon vieux temps. Encore faut-il se mettre d’accord sur le terme culture : la culture d’une entreprise c’est l’ensemble des convictions, réflexes et règles qui permettent de répondre à la question « comment cela marche ici ? ». Dans cette acceptation, celui qui rachète, peut penser que cela fonctionne mieux chez lui que chez l’autre.

 Dans les faits, nous sommes dans un contexte de perte de repères:

  • Perte de repères métiers : les domaines de responsabilité et les fonctions de certains collaborateurs vont changer
  • Perte des talents : parce que ce n’est plus leur histoire, des talents quittent le navire, sûr de leurs compétences et de leur employabilité
  • Perte de repères managériaux : les évolutions de  l’organisation vont mettre l’accent sur la responsabilité managériale,  ce qui entraîne des ruptures de styles de management. On constate alors une perte d’autonomie pour les uns et un élargissement du périmètre pour les autres
  • Perte de pouvoir : les managers peuvent appréhender une perte de pouvoir ou d’influence.  Les luttes de pouvoir nourrissent la confusion
  •  Perte de repères de communication : chacun doit apprendre à communiquer au sein de la nouvelle organisation, du nouveau périmètre avec de nouveaux rites
  • Confusion entre l'activité « quotidienne » et la mise en place des changements : nouvelles gammes, nouvelles procédures,…

 Il existe un processus à suivre et des réflexes RH et managériaux à adopter pour donner des bases solides à une fusion :
1.
Les collaborateurs n’achètent pas des argumentaires étayés, chiffrés : les gens veulent du sens, une histoire, des émotions à travers un projet d’avenir clair et un chemin simple pour y parvenir. Ils doivent pouvoir se projeter. « Passer de l’émoi à Et Moi ? ».
2.
Il faut prendre le temps d’écouter les salariés et surtout leur montrer que vous les avez compris. Ensuite c’est une stratégie :

  • Imposer une culture à l’autre : il faut des motifs clairs pour démontrer qu’elle est plus adaptée à la conjoncture
  • Laisser les deux cultures séparées, si les deux entreprises sont sur des marchés différents
  • Faire naître une nouvelle culture composite en prenant des éléments de chacune des deux cultures d’origine, qui dégageront rapidement de la valeur synonyme de performance 
3. Ouvrir la boîte à secrets, certes cette boîte est dangereuse mais ce que vous voulez cacher à la concurrence, vous le dissimulez aussi aux salariés :  il faut apprendre à faire confiance.
4.
Ne passer pas en force sous peine de décourager. Une étude du cabinet Hewitt a montré que le découragement coûte 8000 € environ par an par salarié découragé.
5.
Il faut croire en la vitesse, mais ne pas la confondre avec la précipitation qui empêche de détecter les indices du danger appelés signaux faibles.
6.
L’attention apportée à ces signaux faibles permet de réévaluer les priorités au cours du temps et vérifier en permanence la compatibilité des moyens et des actions à entreprendre.
7.
Communiquer en continu sur les succès après s’être assuré de leur légitimité.
8.
« Garder l’œil sur la balle » car les défauts ont tendance à s’accentuer par auto-protection ou attentisme.
9.
Partager les bonnes pratiques par une  mise en œuvre immédiate sans oublier de remercier l’auteur et les réalisateurs
10.
Afficher des objectifs et des attentes ambitieux.
11. 
L’entreprise nouvelle doit «se sentir dirigée» : il est impératif que l’ensemble de la ligne managériale soit issue des deux entreprises. Cela vaut pour l’équipe de direction également.
12.
Se contraindre le plus vite possible à distribuer les rôles et les pouvoirs.
13. 
Prendre une position affirmée d’encouragement et de reconnaissance.
14. 
Donner aux salariés un drapeau « à faire flotter au vent » :

  • Surtout ne pas tuer l’histoire de chaque société fusionnée, mais lui donner un sens dans la nouvelle aventure
  • Le choix d’un nouveau nom est facteur de réussite