Le Moulin Rouge voit rouge pour défendre son image

Le célèbre cabaret parisien se bat depuis des années contre les commerçants qui utilisent son image et même son nom, notamment pour vendre leurs produits de souvenirs divers et variés.

C'est dans ce cadre que la société Bal du Moulin Rouge, qui exploite le fameux cabaret et qui dispose d'une licence sur la marque "MOULIN ROUGE", avait assigné en contrefaçon et concurrence déloyale une société qui commercialisait des produits dérivés tels qu'une trousse d'écolier, un tapis de souris et des dessous de verre accompagnés d'une reproduction d'un moulin de couleur rouge ou même d'une photographie de la façade du Moulin Rouge du boulevard de Clichy, avec la dénomination "MOULIN ROUGE".
En première instance, le Bal du Moulin Rouge s'était vu débouter de ses demandes et, en appel, la Cour a confirmé la solution par un arrêt du 17 mai 2013. Schématiquement, les juges ont considéré que l'usage de la dénomination "MOULIN ROUGE" sur les produits dérivés commercialisés par des tiers constituait bien un usage dans la vie des affaires, mais qu'il ne s'agissait pas d'un usage à titre de marque. Dès lors, le public ne peut pas être conduit à penser qu'il s'agirait d'une indication de la provenance des produits.
L'exigence d'un "usage à titre de marque" n'est pas nouvelle et constitue une constante en droit des marques depuis une dizaine d'années, sous l'influence du droit communautaire (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal). Désormais, pour qu'un cas de contrefaçon de marque soit retenu, il faut que le signe en cause serve à désigner un produit ou un service.
Or, dans cette affaire, les juges ont considéré que le signe "MOULIN ROUGE" servait uniquement à identifier un site touristique et non à remplir la "fonction distinctive" de la marque. Cette décision heurte de plein fouet la conception traditionaliste française de la contrefaçon de marque, selon laquelle doit être systématiquement sanctionné l'usage sans autorisation d'un signe protégé, cette protection étant "absolue". Cette interprétation n'a plus cours à l'heure actuelle.
N'obtenant pas gain de cause sur le terrain de la contrefaçon, le Bal du Moulin Rouge pouvait espérer remporter la mise sur le terrain de la concurrence déloyale. Toutefois, ici également, les juges ont estimé que l'usage de l'image du Moulin Rouge n'était pas constitutif d'une faute. Selon l'arrêt, la société intimée ne faisait jamais référence à l'activité commerciale de l'établissement et se contentait de reproduire un lieu touristique sur ses produits. Ce faisant, "il ne peut exister aucune confusion entre les activités respectivement exercées par les parties et il n'est démontré aucun acte contraire à l'exercice loyal du commerce."
Voici une décision d'une grande sévérité, qui prive donc un établissement comme le Moulin Rouge de la possibilité de lutter contre des tiers qui se servent, directement ou non, de son image, de sa notoriété, pour commercialiser des produits souvent bas de gamme (comme cela est d'ailleurs relevé dans l'arrêt commenté).
Il est même assez surprenant que les juges aient considéré qu'aucun élément ne venait corroborer l'idée selon laquelle la société intimée aurait tiré profit de l'image du Moulin Rouge, alors qu'il est à peu près évident qu'elle n'aurait pas réussi à vendre (aussi facilement) son tapis de souris et ses dessous de verre s'ils n'étaient pas revêtus de cet emblème parisien.
Dans cette affaire, le Bal du Moulin Rouge invoquait des actes de concurrence déloyale.
Les agissements en cause pourraient peut-être davantage se rattacher au parasitisme, même si la distinction entre les deux notions est devenue de plus en plus ténue.
Finalement, les défenseurs d'une ligne plus libérale en matière de propriété intellectuelle doivent se réjouir de cette décision qui apporte de l'eau à leur moulin.