L'urbanisme vert, où la réconciliation de l'écologie et de l'hédonisme

Si la seconde moitié du XXe siècle restera gravée dans les mémoires comme celle de tous les excès industriels, la première partie du XXIe siècle est incontestablement celle d'une prise de conscience écologique.

Cela se traduit par un certain nombre d'initiatives englobées sous l'étendard du développement durable. Un des aspects les plus saillants de ce bouleversement des schèmes, mais aussi les moins compris par le grand public, est celui de la performance énergétique et écologique des bâtiments.

L'écologie comme grande confiscation ?

Dans Le fanatisme de l'Apocalypse. Sauver la Terre, punir l'Homme, Pascal Bruckner démonte à grand renfort de flèches vénéneuses la position écologiste, accusée d'organiser une "grande régression ascétique". La charge est violente. Elle s'articule autour de l'idée que pour expier une domestication sauvage de la nature ayant entraîné la destruction partielle de la planète, l'homme (capitaliste) s'est engagé dans une forme d'auto flagellation passant par plusieurs biais : consommer moins et mieux, près de chez lui (locavorisme), freiner la recherche scientifique, rester à la maison (radiateurs et lumières éteintes si possible), réhabiliter ses déchets...
Bruckner tourne ainsi en ridicule ce quasi retour à l'état de nature, apanage des riches - les habitants des pays pauvres, eux, cherchant non sans ironie à obtenir les biens que nous souhaitons éliminer.
Bruckner force le trait, mais n'en dénonce pas moins une réalité solidement ancrée dans l'inconscient collectif. Le biais écologiste est avant tout perçu comme une grande confiscation. Il prive l'homme d'un certain nombre d'avancées technologiques. Pourtant, il existe des terrains sur lesquels le développement durable, bien loin du retour à l'âge de pierre que brocarde ad nauseam l'essayiste, prône une qualité de vie supérieure, une réalité augmentée plutôt que diminuée. L'urbanisme écologique est de ceux-là.

Le pari un peu fou d'une urbanité verte

L'urbanisme écologique, ou durable, c'est le souhait de ménager une plus grande place à la naturalité, notion dérivée de l'anglais wilderness, plongeant ses racines dans le Wilderness Act, loi fédérale américaine sur la protection de la nature votée en 1964, qualifiant de wilderness un milieu “où l'homme lui-même n'est qu'un visiteur de passage". Bref, une belle chimère, surtout quand on se souvient du refus des États-Unis de signer le protocole de Kyoto. Pourtant, sans verser dans le fantasme d'un monde où l'Homme s'effacerait au profit d'une nature redevenue luxuriante, il n'est pas interdit de croire que ville et nature peuvent davantage se concilier.
Plusieurs indicateurs permettent de déterminer la "valeur verte" d'un bâtiment, c'est à dire la plus-value financière d'un bien immobilier en raison du soin apporté à sa construction ou a sa rénovation au regard des thématiques énergétiques et environnementales. Aux Etats-Unis et au Canada, ces écolabels portent le nom de LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) ou Energy Star. Ils récompensent des bâtiments faisant la part belle aux matériaux non polluants, aux éclairages et ventilations passifs, à une utilisation rationnelle de l'énergie (isolation, cogénération, bilans énergétiques...), à la multiplication des espaces verts (mur végétalisé, toiture végétale...), etc. Loin d'aller à l'encontre de la notion de productivité, ces mises en pratique de l'urbanisme durable encouragent l'emploi en générant nombre de nouveaux métiers, mais offrent aussi un gain de productivité certain aux entreprises qui y ont recours.
Comment ? En favorisant la diminution du nombre d'arrêts de travail, mais aussi le stress au boulot ou les risques santé.
En France, la valeur verte d'un bâtiment est pour l'instant surtout abordée par le prisme énergétique. L'installation en cours de 35 millions de compteurs communicants Linky, usinés par ERDF, dont l'un des intérêts principaux réside dans le recours accru aux énergies renouvelables  qu'ils proposent, et l'encouragement à la réalisation de travaux d'isolation via la mise en place de l'éco-prêt à taux zéro et du crédit d'impôt développement durable (CIDD) en témoignent. Ces mécanismes sont bénéfiques et nécessaires, mais encore insuffisants. En se focalisant sur la dimension utilitaire, ils ne suffisent pas à rendre la cause de l'urbanisme écologique sexy.
Aux États-Unis, dans les années 50, on a développé une méthode permettant de mesurer la valeur des biens immobiliers. Appelée méthode hédoniste, elle se propose d'estimer la valeur d'un bien en prenant en compte l'ensemble de ses composantes objectives (surface, situation géographique...). Outre-Atlantique, cette méthode incorpore de plus en plus souvent les caractéristiques environnementales (consommation, image de marque, qualité du paysage...). Pas en France. Pas encore. Ce serait pourtant un joli pied de nez aux mauvaises langues qui prétendent que l'écologie n'est synonyme que de contrition. Une preuve de plus qu'elle peut aussi rimer avec augmentation de la qualité de vie, tout en ne se télescopant pas avec la valeur travail