Le mérite est-il une valeur républicaine ?

Jusqu’à peu, un lycéen boursier qui décrochait une mention « très bien » au baccalauréat pouvait obtenir une bourse au mérite, de 1 800 euros/an. Une circulaire de juillet a supprimé cette aide complémentaire. Cette suppression nous fait nous interroger sur la place du mérite dans le système éducatif actuel.

Rappel des faits

Cette somme de 1800 euros par an était renouvelée chaque année à condition que l’étudiant ne redouble pas et reste assidu en cours. En 2013, environ 30 000 jeunes ont bénéficié de ces bourses créées en 2001 et élargies lors du quinquennat précédent, sous l’autorité de Valérie Pécresse, alors ministre de l’enseignement supérieur.
Une circulaire publiée fin juillet a supprimé cette aide, dans le cadre de la refonte globale des bourses sur critères sociaux.
Les réactions ont bien sûr été vives face à cette annonce. Valérie Pécresse signait ce tweet dans la foulée de l’annonce « Effort, mérite, des mots qui dérangent ? #Assistanat », suivie par des milliers d’internautes qui ont rejoint la page Facebook « Touche pas à ma bourse, je la mérite ».

La République et le Mérite, une longue marche vers l’éducation

Les premières bourses sont créées en France le 5 novembre 1877, afin d’aider à la transformation du public fréquentant les facultés françaises. En effet, celles-ci avaient jusqu’alors principalement des auditeurs. Grâce aux bourses attribuées aux élèves les plus méritants, les bancs des amphithéâtres se peuplèrent d’élèves nombreux.
Leur vocation est claire, « aider les enfants d’origine modeste qui manifesteraient des dons scolaires exceptionnels » à rejoindre les meilleures écoles du pays. Cette mesure était par ailleurs l’héritière directe d’une loi de l’ancien régime qui permettait à certains enfants sans ressources de devenir « écoliers du roi » - ce qui fut le cas de Napoléon Bonaparte. Citons également Georges Pompidou, Henri Bergson, Alain Juppé ou encore Henri Guaino, qui ont tous bénéficié des bourses de la République.

« Liberté, Egalité, Fraternité »

Les principes fondamentaux de notre république sont énoncés dans cette devise, qui rappelle et constitue des droits intangibles, politiques et sociaux. L’article 1er de la Constitution s’inscrit dans ce cadre puisqu’il proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». C’est ce caractère social de la République qui est aujourd’hui questionné par la suppression des bourses au mérite. Celui-ci résulte en effet de l’affirmation du principe d’égalité, qui contribue à créer une cohésion nationale et favorise l’amélioration de la condition des plus démunis.

Une autre voie possible ?

Lorsqu’il présente sa révolutionnaire école « 42 » en 2013, Xavier Niel explique que la révolution du système éducatif ne peut venir que de l’initiative privée. Et il met cette philosophie en pratique en accueillant chaque année gratuitement des centaines d’étudiants non bacheliers dans son école qui vise à délivrer un métier à ces jeunes, plutôt qu’un diplôme. L’incursion de l’entreprise privée et ultra-libérale est une vraie révolution sur notre territoire. La conjugaison Privé / Public fait beaucoup moins tiquer dans d’autres pays, comme aux États-Unis où un élève très brillant obtiendra une bourse au mérite, fut-il uniquement un génie du basket.
Bien qu’il ne s’agisse pas de copier le système éducatif américain, il convient que la France s’interroge sur l’avenir de cette institution qui en fait sa grandeur. En plus d’être une valeur républicaine, le mérite est en effet un moteur social qui participe à la bonne santé d’une société. De nombreuses possibilités existent pour que le privé et le public œuvrent ensemble pour l’avenir de notre jeunesse. Et elles passent toutes par l’excellence, par le travail et par le mérite.