Les pratiques anticoncurrentielles enfin vraiment sanctionnées

Les auteurs de pratiques anticoncurrentielles vont connaître un alourdissement significatif de leurs sanctions pécuniaires. En effet, la directive 2014/104 améliore considérablement l’action en dommages et intérêts.

Les citoyens européens disposent enfin de recours effectifs pour l’indemnisation de leurs préjudices subis du fait de violations du droit de la concurrence.

 La directive 2014/104 est rédigée selon 3 axes majeurs qui rendent effective l’action en dommages et intérêts en droit de la concurrence ;

ü     Faciliter la preuve des pratiques anticoncurrentielles

ü     Encourager et améliorer l’initiative de l’action par les particuliers (voie contentieuse ou règlement amiable)

ü     Garantir la réparation intégrale du préjudice subi

   

I/ La preuve des pratiques anticoncurrentielles facilitée

 

En droit de la concurrence, l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux, conditions indispensables à toute action en dommages et intérêts, est extrêmement difficile à prouver pour la victime.

La directive de 2014 a pris en compte cette difficulté et a mis en place des principes procéduraux de base afin de faciliter l’action :

 

·        Les décisions définitives des autorités nationales de concurrence qui constatent une infraction constituent une preuve irréfutable de l’existence de cette infraction.

 

Ainsi, il est possible de profiter de toutes les conséquences des résultats d’une décision définitive.

Pour qu’une décision devienne définitive, il faut que toutes les voies de recours aient été épuisées (appel, pourvoi en cassation).

Conséquences : une réduction des coûts, un gain de temps et une simplification de la procédure.

   

·        Le juge saisi de l’action en dommages et intérêt peut ordonner la production d’élément de preuve détenue par la partie mise en cause ou des tiers. Cette injonction est possible seulement si elle est justifiée, proportionnée et limitée aux informations pertinentes.

 

Néanmoins, les juridictions doivent avoir à leur disposition des mesures efficaces afin de protéger toutes informations confidentielles qui pourraient être dévoilées lors de l’action.

Conséquence : En donnant une telle prérogative au juge, le demandeur à l’action peut plus facilement prouver son préjudice.

   

II/ L’initiative de l’action par les particuliers encouragée et favorisée

 

Les victimes qui peuvent intenter une action en dommages et intérêts sont toutes celles qui ont subi un préjudice du fait d’une pratique anticoncurrentielle. La directive protège à la fois les victimes directes et indirectes. Elle envisage cette action pour toutes les personnes de la chaîne de distribution.

Attention, la victime directe qui a la possibilité de reporter sur ses propres clients (victimes indirectes) une partie ou la totalité de son préjudice ne pourra pas prétendre à son indemnisation ! Ce préjudice reporté n’est plus considéré comme un dommage ouvrant droit à une indemnisation (passing-on).

 

Une recommandation a été ajoutée à la directive pour inciter les États membres à légiférer en faveur des recours collectifs. Le recours collectif est une action de groupe qui facilite l’accès à la réparation pour les particuliers.

La France consacre cette action en matière de pratiques anticoncurrentielles (loi Hamon). Elle est limitée à la réparation de préjudices matériels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique. Les entreprises ne peuvent y accéder.

Seuls ceux qui manifestent leur volonté de participer à l’action pourront obtenir réparation (opt-in). La publicité de la procédure doit donc être faite largement afin atteindre le maximum de personnes intéressées.

 

Le délai de mise en œuvre de l’action en dommages et intérêts et allongé. La victime a 5 ans à compter du moment où l’infraction a cessé et où la victime en a eu connaissance.

 

Les règlements amiables des litiges sont encouragés et permettent d’éviter le surcoût de la justice. Ainsi, si les victimes choisissent l’arbitrage, la médiation ou la conciliation, une suspension des délais de prescription est prévue pendant toute la durée de leur procédure. Les juges nationaux pourront suspendre les procès en cours pendant une période maximale de deux ans.

 

III/ Une réparation intégrale des préjudices liés aux pratiques anticoncurrentielles

 

Le préjudice, en droit de la concurrence, est une perte financière. 

Cette somme prend en compte à la fois le dommage réel et le manque à gagner.

 

En droit français, on répare intégralement le préjudice, c'est-à-dire « tout le préjudice, rien que le préjudice ». La victime est replacée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’infraction n’avait pas eu lieu.

A contrario, aux États-Unis les dommages et intérêts sont punitifs (en plus de réparer le dommage, ils sanctionnent également la faute).

 

La directive affirme le droit à une réparation intégrale, aucuns dommages et intérêts punitifs ne peuvent être octroyés en droit de la concurrence. Afin d’aider les juridictions et les parties à évaluer le préjudice, un guide pratique sur la quantification du préjudice accompagne la directive.

 

Enfin, pour que la réparation soit la plus effective et intégrale possible, la directive consacre le principe de la responsabilité solidaire des responsables du préjudice. Dès lors que plusieurs acteurs participent à une pratique anticoncurrentielle, ils sont tous responsables proportionnellement à leur participation à l’infraction. Celui qui répare entièrement le dommage pourra demander la contribution des autres responsables. Seules les entreprises ayant participé à un programme de clémence ne sont pas solidairement responsable.

 

SOURCES :
-Recommandation de la Commission du 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les états membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’union (2013/396/UE).
-LASSERRE-KIESOW Valérie, « La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles » Recueil Dalloz 2007

-http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32014L0104