La génétique territoriale au secours des villes connectées

Comment rendre concret le concept de smart cities? Face à un véritable foisonnement  d’idées, d’applications, de produits ou de technologies, on pourrait croire que la ville  connectée progresse mais les réalisations se multiplient, sans pour autant que de vrais  projets globaux en soient le support.

Le concept de smart cities ou villes  connectées n’est pas si récent, bien que devenu très médiatique.  Appelées aussi "villes intelligentes",  ce sont des villes qui exploitent les  vertus des nouvelles technologies  afin de servir un nouveau type de  développement urbain, répondant à  la fois aux besoins de croissance, aux  aspirations citoyennes et sociales, et  aux nécessités écologiques.

Sur le  papier, c’est alléchant. Sur le terrain,  les choses avancent assez peu, malgré le foisonnement d’idées,  d’applications, de produits et de  technologies. Au final, peu de vrais  projets globaux de smart cities voient le jour. La raison ? Une pensée  "par le  bas" qui privilégie l’innovation  purement technologique et  immédiate  au détriment de la  stratégie. Une solution ? Créer des  projets compatibles avec la  génétique territoriale et revenir à la  notion de service.  

Un ancrage local et dans  la durée pour les projets  smart cities 

Un exemple me vient à l’esprit en  guise d’illustration. Il y a quelques  dizaines d'années, la pâtisserie s'est  transformée. De nombreux professionnels se sont lancés dans la  création de nouveaux produits, et ce  foisonnement a engendré un nouvel  enjeu : se différencier. Une ville a  décidé d'utiliser ces ingrédients de manière différente, de créer un  projet : le nougat. Cette ville, c’est  Montélimar. Aujourd'hui,  l'association entre les deux ne fait  plus aucun doute.

Avec ce type de projet, un profond  ancrage s'est inscrit dans la durée. Il  véhicule une image, une expertise et représente ‐au‐delà même du  territoire ‐un savoir‐faire précis,  l'idée d'une ville qui sait bouleverser  ses habitudes et proposer des  innovations. Voilà le modèle sur  lequel les futures villes connectées  devraient prendre exemple. En  s’appuyant sur de vrais projets  durables, elles devraient percevoir,  au‐delà du changement, que les  nouvelles technologies sont plus que de la technique. 

De la même façon, les smart cities n’avanceront vraiment que si elles  sont arrimées à un projet naturel et  indiscutable au sein d'un territoire. Il est essentiel de réanimer dans les  smart cities la notion, pourtant  basique, d'utilisateur  "centric" et  d'éviter le mirage technologique. De  même, garder la maîtrise du développement économique est  essentiel. Nous voyons beaucoup  d'idées, d'innovations, d'initiatives,  mais passer à une échelle  industrielle est extrêmement  compliqué, voire parfois impossible.

C'est pourquoi le concept de  "génétique territoriale" est, selon  moi, la meilleure proposition qui  permettrait de faire avancer la  situation des smart cities. L'idée de  la "génétique des territoires"est  alors d'accompagner les différents  acteurs en respectant leur histoire  et ce qu'ils ont déjà construit. Le tout en développant un projet  centré sur un savoir‐faire unique,  innovant et personnalisé. 

Une approche basée sur  la transformation digitale  et la co‐innovation

Tout d’abord, il s’agit de mettre en  évidence un projet rassembleur et  porteur de valeurs pour orchestrer  toutes ces réalisations diffuses et  créer ainsi l’empreinte digitale du  territoire. Le point critique de cette  démarche est la création d'un  modèle adapté, tant d'un point de  vue économique que technique.  Cela peut sembler aller de soi,  pourtant rares sont les villes qui  appliquent ce principe.

Puis il faut, en pratique, dérouler  une approche dont la première  étape consiste à s'imprégner de ce  qui a été fait sur le territoire. Ainsi, à  l’exemple d’une ville du Sud‐Est de  la France que j’ai récemment  visitée, on pourra penser à solliciter  un historien dans une approche  diachronique, ce qui nous mènera  alors à proposer des idées  structurantes, en cohérence avec la  culture du territoire.

Cet ancrage offrira alors une  projection de différentes idées dans  une même organisation, en lien  étroit avec la gouvernance de la  ville. Après cette étape, il  conviendra de concevoir et  d'expérimenter des services locaux.  L'ambition est à la fois de créer de la  valeur et des emplois.

Je conseille aussi de travailler en  équipe réduite, formée de personne  venant de plusieurs horizons ; ce qui  dégage une certaine agilité au point  même de pouvoir parfois innover en  séance.  

Un projet en rupture avec  les coutumes du marché

Enfin, n’hésitons pas à mettre fin  aux expériences diverses, au POC  (proof of concept), aux technologies  providentielles en tous genres pour  passer en mode  "stone 1" :  travaillons ensemble sur les  fondations de ce que sera la smart  city en termes de relations sociales,  de modèles économiques et de sa  pérennité digitale ! C’est ainsi que  des projets majeurs et ambitieux  dans plusieurs métropoles  européennes ont déjà été lancés  dans les domaines suivants : la  transformation des transports  publics confrontés aux besoins de  mobilité d’une entreprise  supraprésentedans une  agglomération (sujet similaire pour  les GAFA* à San Francisco), la  structuration de la gestion  territoriale complètement  dématérialisée et déployée auprès  du plus grand nombre ou encore la  création d’un port numérique avec  un rayonnement méditerranéen.

Ce sujet est au cœur des  préoccupations des initiatives  numériques qui trouvent, sans  difficulté, une trajectoire technique  mais très difficilement, un business model adapté. Ces efforts doivent  permettre d’harmoniser toutes les  dimensions d’un projet smart city :  technologie, citizen‐centrisme et économie. Une démarche qui  permettra à la transformation  digitale de changer les villes, mais  également ses instances  décisionnaires ; qui facilitera les  partenariats entre collectivités et secteur privé, et garantira la  possibilité de "co‐innover".

Les collectivités étant de bons  terrains d'échanges et  d'expérimentation, au‐delà de la coinnovation, elles faciliteront la mise  en œuvre de business models. Il faut  croire ainsi à la transformation par  l’ouverture sur d’autres horizons et  à l’apport de visions issues d’autres  modèles, de nouvelles approches  tout en se mettant à l’écoute  d’acteurs inhabituels.