Air France : Replaçons la fierté au cœur du projet d'entreprise

Alors que le dialogue social peine à reprendre chez Air France, il peut sembler pertinent de s'interroger sur une des causes méconnues de ce mouvement social.

L’image a fait le tour du monde. Le DRH d’un grand groupe, torse nu, escaladant un grillage sous la pression de ses salariés a en effet de quoi susciter un véritable tsunami médiatique. C’est qu’Air France n’est pas une entreprise comme les autres, mais une de nos marques les plus désirables, une empreinte de ce que doit être l’image de la France à l’étranger.

Ce dérapage inexcusable, il faut l’entendre sous un angle, indissociable de l’idée de la place de l’homme au travail, celui de la fierté. La fierté d’appartenance, brisée, quand une partie du corps social détient un pouvoir de pression trop important sur l’ensemble, et pousse vers une distorsion : les pilotes contre le reste du monde (une nouvelle lutte des classes). La fierté de son métier, bousculée par l’idée du déclassement social liée à l’activité du transport elle-même, cette ubérisation poussée par de nouveaux acteurs et l’idée que les consommateurs client se font de ses déplacements. La fierté de soi, enfin,  quand le regard de l’autre change, quand le dialogue social à coup d’effets d’annonces amène le salarié d’Air France à penser qu’il est une variable d’ajustement à la productivité, qu’il est à terme remplaçable par la machine.

Comment restaurer cette fierté, comment replacer le salarié au centre des préoccupations de l’entreprise,  sans oublier les nécessaires évolutions et transformations, mais sans les subir ? C’est à la fois un sujet d’évolution des comportements et de valorisation du potentiel de chacun à être acteur de cette même transformation.

Il n’est pas de gestion sans prise en compte de l’émotion générée par l’ensemble des parties prenantes. La gestion de l’émotion se fait souvent par une prise de parole du locuteur institutionnel de l’entreprise ; il s’agit de faire part des difficultés et de reconnaître que ces difficultés n’ont pas été assez communiquées ou comprises. Ce premier acte peut mener l’entreprise à changer son locuteur ou à trouver un médiateur.

Le second acte est un temps d’écoute et d’organisation de cette écoute, un temps où on réouvre les négociations en mettant en valeur de nouvelles postures, voire de nouveaux engagements. Il est indispensable de faire apparaître un agenda précis des périodes. Il ne s’agit pas de reculer, il s’agit de penser autrement, de décadrer et de trouver les bons interlocuteurs à ce type de négociations.

De façon plus large, en matière de projet d’entreprise, je m’interroge sur le chemin qui a conduit l’entreprise à penser que la seule solution pour retrouver sa compétitivité soit l’augmentation de 100 heures de vol pour les pilotes. Je  ne remets pas en question cette donnée mais elle ne constitue pas un ensemble, une démarche, un effort partagé.