Fait religieux en entreprise : osons résister

Pas une semaine sans tomber sur un article lié à la volonté de groupuscules d’introduire la religion en entreprise. Il est temps de dire stop à cette dérive inquiétante.


La complicité des syndicats et le manque de courage des politiques et des dirigeants sont deux éléments qui laissent l’entreprise en prise avec un phénomène sociétal qui la dépasse. La rue est entrée dans l'entreprise.

L’entreprise est un espace collectif, laïc, portée par une ambition de performance. Elle doit être animée par des valeurs et une culture qui s’appliquent sans discrimination à tous. Et voilà que le fait religieux, porté par des courants pilotés est en passe de créer la discrimination inversée. Un comble.

Espace ouvert et tolérant, l’entreprise moderne ne peut être victime de rites importés contre son gré qui viendraient semer le trouble dans son équilibre humain fondé encore une fois sur une culture et un modèle de management.

Dans la plupart des entreprises médiatisées sur le sujet, ce sont les "petits managers" qui trinquent et qui doivent vivre dans la crainte permanente de menaces, y compris physiques ! Ou sont les grands discours des leaders ? Où est la force du droit ? Où est le courage ? Nulle part !

L’entreprise est une composante essentielle de la société civile  privée ou publique, le droit s’applique, mais au-delà, les usages du vivre ensemble républicain et les règles civiques guident une concorde dans un univers business.

L’entreprise elle-même porte une spiritualité à l’image de toute communauté sportive ou autre. Elle a des couleurs à défendre, un maillot à porter, une identité à défendre. Imagine-t-on le jour d’un grand match, une équipe déclarant forfait pour cause de prière ?

La culture d’entreprise a-t-elle une portée spirituelle face à des salariés qui revendiquent leur spiritualité privée ? La question choque, dérange, interpelle : pour la plupart, elle sera sûrement incongrue et un non sujet et pourtant, ne pas se la poser peut nous faire passer à côté de l'essentiel.

Avant toute chose, il faut se débarrasser des oripeaux religieux et de tous dogmes pour revenir à un périmètre humain naturel : valeurs, croyance, engagement, dépassement, culture, fierté d’appartenance, rites… Pour le moins, les mots d’usages quotidien en entreprise ne sont pas aseptisés et ont une profondeur surprenante. Le problème pour quiconque qui passe sa vie dans les entreprises, est que ces mots sonnent souvent creux et sont insipides pour la plupart des salariés.

Le vivre ensemble en entreprise est souvent La priorité du dirigeant responsable. En tant que chef d’équipe, il est le garant du sens commun. Sa politique de recrutement est par essence culturellement discriminante pour attirer des équipiers en phase avec la culture de sa boîte, son système d’évaluation et de sanction repose sur le respect des règles de vie…

En 200 ans, l’entreprise est devenue un lieu d’intégration, d’émancipation unique et ce aux quatre coins du globe. L’esprit de compétition qui la gère révèle les personnes et les libère aussi.

L’entreprise est un trait d’union entre les différences et jette souvent des ponts là où la géopolitique a bâti des murs. Même si ses intérêts sont économiques avant tout, elle doit assumer une responsabilité morale inédite. Loin d’être toujours un espace de Lumières, elle ne doit pas reculer face à l’obscurantisme drapé dans la vertu du droit à la différence !

Politiques, dirigeants d'entreprises, partenaires sociaux, salariés, citoyens, il y a urgence à dire stop au fait religieux en entreprise qui est, avec l’école, l’une des dernières citadelles de la libre pensée dans le respect de l’autre.

L’entreprise n’est pas neutre, elle est culturellement engagée de par son histoire, sa vision, son futur. Dieu avec ses églises, mosquées, synagogues et autres temples, n’a pas pour vocation de gérer des comptes d’exploitation ! Laissons-LE à ses affaires.