Qui sont les opportunistes de la formation professionnelle ?

Les réformes de la formation professionnelle successives ont progressivement mis fin à l'activité de consultants ou d'organismes sans scrupules. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité des des formations.

En mars 2013, François Hollande a posé clairement la question : "Est-ce raisonnable d’avoir 55.000 organismes de formation ? Nous devons recentrer le système sur moins d’organismes et exiger plus de qualité". Quatre ans plus tard, en octobre 2017, Emmanuel Macron estime "ridicule d'avoir près de 75 000 organismes de formation". Il y en a eu donc 20 000 en plus. Qui sont ces opportunistes qui viennent grossir les rangs des organismes de formation en dépit des réformes et du "sens commun" ?

Entre 15 et 55 000 formateurs indépendants sans numéro de déclaration d’activité

Pour pouvoir effectuer de la formation subventionnée via le compte personnel de formation (CPF) ou par un OPCA par exemple, il faut avoir un numéro de déclaration d’activité de formation. 90 000 organismes en détiennent un. Les 75 000 sont ceux qui déclarent avoir effectué des prestations de formation, l’année précédente, via un Bilan Pédagogique et Financier. 

Ces organismes sont des "structures" ou des "indépendants". La "structure" a, en théorie, la capacité d’assurer les processus essentiels et constitutifs de la formation à savoir la détermination du besoin, la conception, la réalisation, le suivi et l’évaluation. L’indépendant est une personne physique qui réalise la prestation, le formateur au sens large. Selon les chiffres de l’ICPF & PSI, il y aurait, en sus des 90 000, entre 15 000 et 55 000 formateurs indépendants sans numéro de déclaration d’activité, pourtant obligatoire. Ils accèdent au marché et aux subventions via la sous-traitance, des CDD d’usage ou le portage. Ils ne sont réellement managés que par eux-mêmes.

Les petits OF : des structures sans formateurs !

Les principales certifications qualité en formation professionnelle existent depuis 1995. Et pourtant, l'on parle de certification qualité, obligatoire, à chaque réforme. Ce sujet est notamment abordé dans le projet de big bang de la formation professionnelle souhaité par Muriel Pénicaud, il est question de rendre obligatoire la certification qualité des OF obligatoire. Certaines voix s’élèvent contre ce qui serait une "mise à mort des petits". Il s’agirait des professionnels indépendants présentés implicitement comme dévoués, modestes, compétents et sincères. Ils sont à la formation ce que sont les petits producteurs à l’agriculture.Ils ne peuvent pas assumer financièrement le coût de la certification. En réalité, les petits organismes de formation sont une partie des structures. Celles qui n’ont aucun formateur salarié, voire même de collaborateur dédié. Elles se mettaient hier en conformité administrative en déclarant leur activité. Aujourd’hui, elles arrivent progressivement sur les catalogues de référence des financeurs pour continuer à percevoir les subventions. Elles sont environ 30 à 40 000. On trouve des associations, des entreprises d’autres secteurs… Les chiffres d’affaires annuels ne sont parfois que de quelques milliers d’euros. Ce sont des rémunérations d’appoint ou d’opportunité voire des tentatives d’obtenir des financements. Elles n’ont généralement aucune présence sur internet et aucun collaborateur sur les réseaux sociaux.

Des prestataires de formation qui ne savent pas !

Il n’y a quasiment plus d’escrocs qui détournent l’ "argent de la formation". Les deux précédentes réformes, les reportages, les contrôles de la Direccte et les redressements sévères ont fait que les détournements sont de plus en plus rares. La formation est maintenant conforme, mais généralement médiocre. 

Des prestataires qui sous-traitent à outrance à des débutants

S’il y a des exceptions, la tendance générale, qui s’accentue, est de faire intervenir des sous-traitants indépendants. La compétition est féroce et se fait sur une qualité perçue qui ne correspond pas à la qualité réelle. Ces opportunistes profitent du fait, d’une part, qu’ils maîtrisent un flux de financement et, d’autre part, que certains stagiaires ou commanditaires privilégient la marque, le financement voire l’accès en ligne. Pour maximiser son profit, l’organisme va sous-traiter à des formateurs acceptant des tarifs de plus en plus bas. Les professionnels indépendants expérimentés finissent par refuser d’intervenir. Ils laissent la place à ces formateurs débutants ou dans la nécessité qui veulent accéder à la profession et pratiquer.

Certains datadockés

Les réformes élèvent le niveau d’exigence qualité permettant d’obtenir le financement. Depuis 2016, lorsqu’on parle de qualité, on parle de Datadock. Le nouveau "Sésame". Le problème apparent de Datadock est qu’il permet, pour le moment, au système de continuer comme avant. N’importe quel opportuniste peut être référencé en quelques jours en se faisant aider. Il suffit de saisir les preuves documentaires qui conviennent sans rapport avec l’activité réelle et le tour est joué... Datadock met au même niveau des organismes certifiés qualité et des organismes dont la capacité à respecter les critères du décret n’a pas été complètement contrôlée. Bien sûr, l’organisation est en marche et il va y avoir des contrôles. Mais pour l’instant, un espace est créé où s’engouffrent les opportunistes partisans de l’effort qualité cosmétique minimal.

Toutes les parties intéressées à la formation, à de rares exceptions, sont de bonne volonté. La réussite de la réforme se mesurera au fait que les parties sauront mettre en place un système qui permettent aux professionnels qui font de la qualité d’émerger et de faire leur travail. En d’autres termes, la préoccupation de la maîtrise du flux financier doit être accessoire en regard de la maîtrise de la qualité. Cela permettra de réduire le chômage, de développer la compétitivité des entreprises et de faire que les salariés s’épanouissent. C’est le but. Pour gagner un match de football, il faut des bons joueurs expérimentés qui maîtrisent la technique et qui accordent de la valeur à la qualité du jeu collectif. C’est pareil pour la formation.