Le Chief Happiness Officer, un catalyseur pour les organisations ?

Pour les entreprises, attirer les meilleurs talents, les retenir et de les placer dans les meilleures conditions pour qu’ils expriment tout leur potentiel sera l’enjeu crucial des années à venir. Mais comment développer et entretenir une culture partagée dans les organisations ?

Apparue dans les start-up californiennes, la fonction de Chief Happiness Officer (CHO) gagne peu à peu tous types d’entreprises qui constatent en leur sein un même manque de liant, de cohésion et de qualité de vie. Les cabinets de conseil sont un exemple de ces organisations où le nomadisme, la pluridisciplinarité et le fonctionnement par projets ont pour contrepartie l’affaiblissement de la culture commune. Or, le sentiment d’appartenance né de l’expérience collective est le fondement de la loyauté et de l’engagement des collaborateurs. Ne pas leur offrir un environnement épanouissant, c’est risquer la démotivation, voire la désinvolture et, finalement, la fuite des cerveaux et de ce qu’ils contiennent. Face à des turnovers à deux chiffres, le bien-être au travail, loin d’une question accessoire, constitue un véritable levier de performance. 


La mission du CHO est par conséquent de créer au sein de l’organisation des liens qui la renforceront. Son action se déploie sur trois axes principaux : créer de la cohésion entre les collaborateurs, développer et promouvoir la marque employeur, et faciliter la communication verticale. 


Disposant de toute latitude dès lors que ses initiatives respectent la stratégie et les valeurs de l’entreprise, il dispose de deux outils principaux, efficaces et peu coûteux : l’événementiel et le digital. Grâce à des événements thématiques, des rendez-vous réguliers, des incitations à se rencontrer, il va à la fois créer de l’animation, et favoriser les rencontres et les échanges. Son maître-mot doit être la créativité car il lui faut parvenir à renouveler sans cesse l’intérêt et à toucher de nouvelles populations. Il peut par exemple prolonger de manière plus conviviale ou inspirante des événements existants, ou activer le ressort puissant de la gamification pour stimuler la participation. La création et l’animation de communautés digitales internes répondront aux mêmes logiques, sans toutefois pouvoir se substituer aux rencontres réelles. 


À l’occasion de ces événements et de ses rencontres individuelles, le CHO va glaner énormément d’informations. Cela lui fournira une précieuse matière première pour communiquer et valoriser la marque employeur, mais ces informations lui permettront aussi de déceler toutes sortes de besoins collectifs ou individuels. Il doit aussitôt rebondir, soit en se proposant de résoudre lui-même le problème, soit en usant de ses contacts privilégiés au sein de l’organisation pour transmettre l’information à la bonne personne, y compris jusqu’à la direction générale qu’il rencontre régulièrement. Dans beaucoup d’entreprises, les collaborateurs déplorent en effet l’éloignement de la direction et sa méconnaissance de la réalité du terrain. En complément des voies hiérarchiques, le CHO offre un canal de communication informel qui permet à la direction de prendre le pouls de l’entreprise et, par exemple, de prendre conscience de l’importance de certaines préoccupations quotidiennes. 


C’est en jouant ce rôle de médiateur et de facilitateur, en étant toujours disposé à apporter son aide, mais aussi en expliquant inlassablement son rôle et en tissant lui-même des liens personnels avec les collaborateurs que le CHO démontre son utilité et gagne sa légitimité. Il est confiant dans son importance et respecté de tous car chacun, quel que soit son rang, sait qu’il pourra faire appel à lui. Pour autant, aucune tâche ne lui paraît ni trop minime ni trop ingrate si elle contribue à éliminer les grains de sable qui finissent par gripper les rouages de l’entreprise. Factotum au service de tous mais ne dépendant de personne, le CHO est un électron libre qui navigue entre les lignes de l’organisation, au croisement de la communication interne, de la communication externe, des ressources humaines et des services généraux. Cette indépendance et cette transversalité justifient d’ailleurs que son rôle ne puisse être rempli par l’une de ces fonctions traditionnelles. En revanche, pour créer une culture d’entreprise forte, il a besoin dans son action de l’étroite coopération de ces fonctions support. 


Autonome, dynamique, constructif, bienveillant, le CHO se distingue avant tout par son savoir-être au service des autres qui lui permet non seulement de consolider jour après jour la culture de l’entreprise mais aussi, très vite, de l’incarner. Fonction créée pour combler le déficit humain des organisations modernes, le CHO ne peut dès lors exister que dans la durée car, sans son inépuisable activité, tout ce qu’il aura créé risque de se dissiper.