Taxe sur les contrats courts : pas avant 2020

Taxe sur les contrats courts : pas avant 2020 Emmanuel Macron avait promis la mise en place un bonus-malus pour sanctionner les entreprises qui abusent des contrats courts. Mais la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel votée le 19 juin est muette sur le sujet.

C'est un chiffre révélateur : d'après une étude menée par l'Insee en 2017, 85,3% des salariés de l'Hexagone sont en CDI alors que plus de 80% des embauches s'effectuent en CDD. Du fait de cette situation, nombreux travailleurs peinent à sortir de la précarité. Il faut parfois plusieurs années pour décrocher un CDI. Ce qui peut poser des problèmes, notamment pour trouver un logement, contracter un crédit, bref s'installer dans la vie. Et certains secteurs usent et abusent des contrats courts. Une situation à laquelle l'exécutif compte remédier via un système de bonus-malus pour sanctionner les entreprises les moins vertueuses. Voici où en est la situation.

Taxe sur les contrats courts : ce que proposait Macron

Durant la campagne électorale de 2017, Emmanuel Macron s'était positionné comme le candidat du "en même temps". Ainsi, il avait promis de mettre en place certaines mesures demandées de longue date par le patronat (par exemple le plafonnement des indemnités aux prud'hommes ou encore la création du dispositif de rupture conventionnelle collective). Mais, il s'était également positionné sur des mesures favorables aux salariés. C'était notamment le cas de l'extension de l'assurance chômage aux salariés démissionnaires ou encore de la mise en place d'un système de bonus-malus sur les contrats courts.

Cette proposition figurait noir sur blanc dans le programme du candidat En Marche : "Nous instaurerons un système de bonus-malus sur les cotisations d'assurance chômage. Les employeurs qui entretiennent la précarité par un recours excessif aux contrats courts paieront plus, ceux qui créent des emplois stables et pérennes paieront moins". En outre, lors d'une interview accordée à LCP le 28 mars 2018, l'ancien ministre des Finances avait déclaré : "concernant la taxation des contrats courts, entendons-nous bien, l'idée est de responsabiliser. Je suis pour donner plus de flexibilité (…). Mais la liberté va avec des responsabilités. Dans un même secteur, dans un même environnement macro-économique, il est normal que l'on récompense ceux qui agissent bien. On le définit par branche. Quand vous avez une entreprise qui forme les gens, qui innove, qui prend en CDI et que vous avez une entreprise qui est dans le même secteur et qui ne prend que des contrats courts, je trouve normal que la première obtienne un bonus et la seconde un malus".

Taxe sur les contrats courts et réforme de l'assurance chômage

C'est la réforme de l'assurance chômage qui devait légiférer en la matière. Le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 19 juin en fin d'après-midi. Et comme le laissait présager l'avant-projet de loi, les mesures concrètes ne sont pas au rendez 

Pourtant, le 22 février 2018, les partenaires sociaux ont signé un accord national interprofessionnel devant servir de base au projet de réforme de l'assurance chômage. S'il proposait des pistes concrètes en matière d'extension de l'assurance chômage aux indépendants ou aux salariés démissionnaires, il demeurait très flou concernant le système de bonus-malus. L'accord se contentait de promettre que les branches professionnelles négocieront pour "prendre des mesures permettant de modérer le recours aux contrats courts et d'allonger la durée d'emploi". En revanche, il reste vague puisqu'il écrit simplement que les partenaires sociaux devront "fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs contrôlés par des groupes de suivis paritaires", mais uniquement "lorsque cela est possible". Est également mentionnée la "création d'un outil de suivi statistique pour mieux caractériser et comprendre les causes des fins de contrats courts". Le résultat des négociations dans les branches sera apprécié au plus tard le 31 décembre 2018. Qu'elles aient abouti ou non, un bilan d'étape sera réalisé avant le 31 juillet 2018.

L'enjeu est simple : aux partenaires sociaux de faire des propositions concrètes. Sinon, le gouvernement reprendra la main via un projet de loi classique. C'est ce qu'a affirmé Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, lors d'une conférence de presse du 6 avril : "Le patronat et les syndicats ont demandé de négocier entre eux jusque fin décembre, ce que l'on a accepté et s'ils n'aboutissent pas alors il est possible que l'Etat intervienne". Les députés de la majorité restent pour leurs parts vigilants. Le 9 avril, sur LCI, le député LREM du Val d'Oise Aurélien Taché, rapporteur de la réforme de l'assurance chômage, a déclaré "notre détermination reste intacte pour nos prochaines réformes lorsque, par exemple, nous pénaliserons les entreprises qui abusent des contrats courts".

Même si la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, risque d'être promulguée sans disposition pour sanctionner l'abus de contrats courts, le gouvernement reste impliqué sur le sujet. C'est ce qu'a déclaré Muriel Pénicaud dans une interview accordée au journal Le Parisien le 20 juin : "Il existe des usines où la moitié des employés sont des intérimaires. On marche sur la tête. Je rappelle que l'assurance chômage est un système mutualisé. Les entreprises qui embauchent en CDI paient pour celles qui ont fait des contrats courts un mode de gestion (…). Les partenaires sociaux ont jusqu'à la fin de l'année pour aboutir sur ce sujet. S'ils n'y arrivent pas, le gouvernement prendra un décret dès janvier 2019".

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