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05/03/2008

Loi Chatel : le dernier acte avant la libre négociation des prix ?

Cette loi du 3 janvier 2008 introduit la notion de triple net, réformant un peu plus encore la loi Galland. C'est désormais la libre négociation des prix entre fournisseurs et distributeurs qui est à l'étude. Explications.
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Dans ses grandes lignes, la loi Chatel du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, est un pas en avant dans la réforme de la loi Galland au travers de l'abaissement du seuil de revente à perte. Le prix de vente au consommateur inclura désormais l'ensemble les ristournes accordés par les fournisseurs, notamment la totalité des marges arrière. Et, bientôt, la libre négociation des prix pourrait devenir réalité. Explications.

 

Nouvelle baisse du seuil de revente à perte

La revente à perte est interdite en France. La loi Galland, qui instaure un seuil de revente à perte (SRP) en dessous duquel il est interdit de vendre, a été modifiée par la loi Dutreil de 2005 permettant de réintégrer une partie des marges arrière (lire l'article Réforme de la loi Galland : ce qui va changer) et donc de faire baisser le prix de vente au consommateur.

Pour aller plus loin, la récente loi Chatel permet de réintégrer la totalité des marges arrière dans le prix de vente au consommateur introduisant la notion de triple net : prix d'achat déduit de tout rabais, remises et ristournes, même celles relevant de la coopération commerciale. "Les distributeurs pourront pratiquer des prix de revente au consommateur inférieurs au prix figurant sur les factures des fournisseurs", insiste-t-on au sein du cabinet d'avocats Yves Lévy. De plus, le contrat de coopération commerciale, rendu obligatoire en 2005, et qui devait être établi avant la fourniture de services, disparaît. Il est remplacé par une convention unique fixant l'ensemble des conditions de vente et services négociés entre fournisseurs et distributeurs.

 

Vers la libre négociation des prix

"La véritable question que pose la réforme de la loi Galland est : maintient-on le seuil de revente à perte ?"

Pour Nicole Ferry-Maccario, professeur à HEC et auteur du livre Droit du Marketing (Pearson, 2008), la véritable question que pose la réforme de la loi Galland est : maintient-on le seuil de revente à perte ? "La loi Chatel modifie cette modalité sans répondre véritablement à cette question de fond." Pourtant la libre négociation des prix - abolissant le principe de non-discrimination - est bien une problématique d'actualité.

En effet le rapport Attali sur la libération de la croissance, remis au Président de la République le 23 janvier, propose de restaurer la liberté des prix, idée déjà évoquée dans le rapport d'étape du 12 octobre 2007. De plus, à peine plus d'une semaine après la publication de la loi Chatel, Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, a remis à Christine Lagarde, Ministre de l'Economie, et à Luc Chatel, Secrétaire d'Etat chargé de la Consommation, un rapport sur "la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente" allant dans le même sens. En outre, "Christine Lagarde voudrait supprimer la notion de soldes, la seule exception où l'on peut revendre à perte en France, et laisser la liberté aux magasins d'avoir par exemple un rayon 'soldes' permanent", ajoute Nicole Ferry-Maccario.

 

Quelques conséquences possibles

"Nous pensons que la libre négociation des prix obligera les fournisseurs à avoir une politique de prix commune"

La libre négociation des prix devrait accroître la concurrence et les relations de force dans les négociations. "Il est possible que cela ait également pour conséquence une plus forte segmentation et spécialisation dans la grande distribution, ajoute Nicole Ferry-Maccario, ou bien la disparition des petits acteurs." Reste un garde fou essentiel : le droit de la concurrence est très fort en France et interdit les pratiques d'entente collective ou les abus de position dominante.

La possibilité pour les distributeurs de revendre à perte pourrait se traduire aussi par des prix d'appel sur des produits de grandes marques nationales. Certains pourraient d'ailleurs s'inquiéter de l'impact sur leur image de marque. Mais pour Nicole Ferry-Maccario il n'en est rien : "Je pense que l'image du distributeur prime sur celui du produit. Lorsque Leclerc baisse ses prix, le produit n'en est pas pour autant perçu comme de mauvaise qualité. L'information de plus en plus importante fournie au consommateur - notamment sur la production, l'origine, la composition, etc. - influence le choix pour tel ou tel produit et prend le pas sur le critère 'prix' en décorrélant celui-ci et la qualité." C'est une sorte de prime au marketing : plus l'image est forte, moins le positionnement prix sera inquiétant. Ce n'est plus l'unique élément de décision pour le consommateur.

Chez Yves Lévy & Associés, on estime que cette baisse des prix aurait probablement pour conséquence une diminution des marges pour les fournisseurs. "Espérons que cela ne provoque pas une baisse des coûts de production et donc de la qualité. Mais les normes nationales sont assez drastiques et les risques sont peu élevés. De plus, nous pensons que la libre négociation des prix obligera les fournisseurs à avoir une politique de prix commune pour qu'il n'y ait pas de diminution trop importante des prix par les distributeurs. Le cadre légal, très strict pour les distributeurs, aura une influence déterminante sur la fixation des prix."

 

2008 : une année déterminante

L'objectif de la loi Chatel est de favoriser la concurrence pour faire baisser les prix et développer la consommation. Elle devrait prendre effet mi-2008. De son côté, la libre négociation des prix pourrait bien s'inscrire dans la loi de modernisation de l'économie qui doit être examinée au Parlement au printemps 2008. Selon Yves Lévy & Associés, si elle est mise en application par voie d'ordonnance, la libre négociation des prix pourrait intervenir également mi-2008.


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