Une image beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît
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Bernard Roullet, Université Paris 1
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Ce qu'un individu pense voir consciemment n'est qu'une infime partie de ce que son il voit réellement. "On a l'impression que notre regard est fixe mais c'est faux", souligne Eric Singler co-fondateur d'In Vivo, institut d'études comportementales. L'il bouge quatre à cinq fois par seconde pour rafraîchir l'image dans la rétine sinon elle disparaît.
De plus, "si l'on a l'impression d'avoir une vision instantanée et unifiée, celle-ci est en fait composée de nombreux éléments tels que la profondeur, le contraste, la couleur, la texture, le mouvement ou encore le relief", explique Bernard Roullet, maître de conférence à l'Université de Paris 1 et co-auteur du livre Le marketing sensoriel du point de vente (Dunod, 2006). Le cerveau traite parallèlement mais distinctement chaque élément, avec parfois quelques décalages temporels.
Les circuits de traitement de l'information chez l'homme
Tout stimulus influence inconsciemment un individu. "Ce qui parvient
à la conscience n'est en fait qu'une infime partie de ce qui vient
au cerveau", note l'universitaire. Concrètement, il existe deux
grands circuits de traitement visuel. Le premier est conscient, plus précis
mais plus lent que le second. Il va de la rétine jusqu'au cortex occipital,
l'information circulant en une demie seconde. Le second circuit est inconscient
et plus court que le premier. Allant de la rétine, il rejoint directement
le système limbique en charge de la réaction émotionnelle,
l'information atteignant son but en 60 à 80 millisecondes, contre
400 à 500 précédemment. "Ce que l'on gagne en temps
ici, on le perd en acuité, précise Bernard Roullet. Cela vaut
surtout pour la perception des contrastes lumineux et l'appréciation
des formes globales ou encore ce qui bouge à l'extrême périphérie
du regard."
Concrètement, dans un magasin, ce qui semble unifié - on a l'impression de tout voir en même temps -, comporte en fait des parties traitées différemment, certaines couleurs pouvant activer des réactions affectives. On n'a pas forcément conscience des légères fluctuations émotionnelles qui influent sur nos choix.
Une attention sélective qui guide le regard
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Eric Singler, fondateur d'In Vivo
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Trois points guident le regard du consommateur. Tout d'abord, "ce
qu'un individu voit, c'est ce qui l'intéresse", souligne Eric
Singler. Par exemple, en ce qui concerne le packaging, une personne qui a
des enfants voit mieux les mentions spécifiques concernant le produit
qu'une autre qui n'en a pas. L'attention est sélective.
En grande consommation, "le consommateur ne consacre que quelques
dixièmes de seconde par produit, prévient l'expert. La prise
de décision est ultra rapide. L'individu ne peut alors voir que les
signifiants importants à savoir trois ou quatre informations présentes
sur le pack suivant la place qu'on leur donne." Il s'agit souvent de
la couleur et des informations écrites en gros caractères.
Ce sont justement ces informations qui vont capter l'attention du consommateur
et le pousser à l'achat. "Dans l'ordre, la couleur est ce que
l'individu voit en premier d'un produit car elle ne demande pas d'effort
pour être perçue, vient ensuite la forme et enfin le signifiant,
c'est-à-dire le plus souvent le nom du produit, notamment s'il est
porteur de sens et du bénéfice du produit (par exemple Velouté
de Danone et Activia)." Le visuel du produit, s'il est beau, est rapidement
reconnu et le client sait tout de suite ce qu'il achète. Cela développe
l'appétence. Les mentions secondaires - zéro matière
grasse, fort en calcium
- ne sont pas lues lors de l'acte d'achat,
mais elles permettent de verrouiller l'intérêt de l'acheteur.
Ce sont des mentions spécifiques qui ne sont vues que si le consommateur
manifeste un intérêt pour le produit. C'est pourquoi il faut
faire en sorte que le bénéfice proposé soit perçu
au premier coup d'il avec des signes visuellement très forts.