Compte personnel de prévention (C2P) : la pénibilité en 2018

Compte personnel de prévention (C2P) : la pénibilité en 2018

La loi Travail réforme la pénibilité au travail. Conséquence : depuis le 1er janvier 2018, le compte de pénibilité a pris le nom de compte personnel de prévention (C2P). Moins de critères et nouveau financement sont au menu.

Vivement dénoncé par le patronat, le compte de pénibilité, mis en place en 2016 avec une année de retard sur le calendrier, a été profondément réformé depuis le 1er janvier 2018. C'est une des conséquences de la réforme du code du travail par ordonnances. Ces dernières, ont été signées le vendredi 22 septembre par Emmanuel Macron. 

Une ordonnance traite spécifiquement du compte pénibilité. Elle s'intitule "ordonnance relative au compte personnel de prévention". Elle a été conçue suite aux réclamations du Medef qui considérait ce compte comme une véritable "usine à gaz". 

Le compte pénibilité en 2018

La réforme du Code du travail par ordonnances apporte de nombreux changements au compte de pénibilité qui avait été mis en place sous le quinquennat de François Hollande. Critères, nom et financement : voici ce qui change.

  • 6 critères au lieu de 10 : Le compte comportait à l'origine 10 critères. Le gouvernement a choisi d'en éliminer 4. Il s'agit de l'exposition aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques, aux risques chimiques ainsi que le port de charges lourdes. Seule exception : ces critères seront reconnus si ils génèrent une maladie professionnelle reconnue et un taux d'incapacité permanente de plus de 10%. Au cours de sa conférence de presse du 31 août, Muriel Pénicaud avait considéré que ces quatre critères "étaient inapplicables car il obligent les patrons à chronométrer tous leurs salariés".
  • Un nouveau mode de financement : Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises ne sont plus redevables de la cotisation de base et de la cotisation additionnelle. Le compte sera financé par la branche accidents du travail de la sécurité sociale (qui n'est pas en déficit).
  • Un nouveau nom : Enfin, au niveau sémantique, le compte pénibilité change de nom et s'appelle désormais compte personnel de prévention (C2P).

Du côté du Medef, on se félicite du pragmatisme de la mesure. En revanche, les représentants des salariés ne sont pas du même avis. Ainsi, dans une interview au Parisien en juillet 2017, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez avait tenu les propos suivants : "La pénibilité est une question importante et il y a besoin de renforcer la prévention et la réparation, et non pas d'être au garde-à-vous quand Pierre Gattaz réclame la suppression du compte". 

Compte pénibilité : définition

Le but de ce compte appelé officiellement compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est de prendre en considération la réalité de la vie au travail dans le décompte des cotisations retraite et de l'âge de départ en retraite. Son principe est le suivant : chaque salarié du secteur privé (le public n'est pas concerné) travaillant dans des conditions difficiles peut accumuler des points qui donnent droit à :

  • Un départ à la retraite anticipé
  • Au passage d'un travail à temps plein à un travail à temps partiel (avec le même salaire garanti pendant deux années)
  • Une aide au financement d'une formation visant à se reconvertir professionnellement. 

Cette aide s'additionne au CPF (compte personnel de formation) qui a remplacé le DIF (droit individuel à la formation) le 1er janvier 2015. Il est possible de demander à utiliser ses points de pénibilité pour suivre une formation professionnelle. Pour cela, il faut utiliser un formulaire dont le contenu a été fixé par un arrêté du 20 février 2017. Celui-ci est téléchargeable sur le site compte prévention pénibilité.

Au total, selon les projections du gouvernement, ce sont 3 millions de salariés qui sont potentiellement concernés par un tel dispositif. A date du 31 juin 2016, près de 26 000 entreprises, principalement des TPE qui ont rempli des fiches de pénibilité pour 500 000 salariés. Le secteur du BTP est sur-représenté.

Compte pénibilité : décret

Le compte de pénibilité est un dispositif qui a été voté en 2013. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a voulu faire de cette mesure une avancée sociale au même titre que le compte personnel de formation (CPF), le compte d'engagement citoyen (CEC) ou encore le compte personnel d'activité (CPA). Le décret d'application relatif au compte pénibilité a été publié le 1er juillet 2016.

Compte pénibilité : critères

Avant le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, patronat et syndicats se sont accordés sur 10 risques professionnels ouvrant droit à un compte pénibilité. 

  • Travail de nuit : le travail de nuit est pour le moment le principal critère utilisé par les bénéficiaires du compte pénibilité.
  • Travail répétitif
  • Travail en horaire alternant (notamment le 3x8)
  • Travail en milieu hyperbare, c'est à dire sous la mer
  • Postures pénibles
  • Manutention manuelle de charges
  • Travail au contact d'agents chimiques
  • Travail au contact de vibrations mécaniques
  • Travail en température extrême
  • Travail en milieu bruyant

Attention à partir du 1er janvier 2018, le compte va changer de nom et de fonction. Quatre critères vont être supprimés : exposition aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques, aux risques chimiques ainsi que le port de charges lourdes. Toutefois, s'ils sont la cause d'une maladie professionnelle, ils seront toujours considérés comme un facteur de pénibilité.

Compte pénibilité et travail de nuit

Le travail de nuit fait partie des critères de pénibilité. Cependant, pour qu'il soit éligible au compte pénibilité, deux conditions cumulatives sont à respecter en matière d'intensité et de durée.

  • L'intensité minimale est d'une heure entre minuit et cinq heures du matin
  • La durée minimale est de 120 nuits par an

Compte pénibilité : cotisations

L'employeur est tenu de déclarer les cotisations des salariés au compte pénibilité dans la déclaration annuelle de données sociales (DADS). C'est la caisse d'assurance vieillesse qui communique tous les ans au salarié le nombre de points obtenus. Celui-ci peut à tout moment se tenir au courant de l'évolution de son compte sur le site du compte pénibilité.

Les points du compte pénibilité

Le compte pénibilité est conçu selon un système de points. Les salariés accumulent des points sur une échelle de 0 à 100. Chaque facteur de pénibilité donne droit à un point par trimestre, certains donnent droit à quatre points par an (travail de nuit). Les facteurs sont cumulables. Ainsi, travailler la nuit dans le bruit donne droit à huit points par an. L'âge entre également en ligne de compte pour obtenir des points.

A titre d'exemple, un salarié exposé à un facteur de risque acquiert 4 points par an, sauf s'il est né avant juillet 1956. Dans ce cas, il acquiert 8 points par an.

Un salarié exposé à plusieurs facteurs de risques acquiert 8 points par an. Mais s'il est né avant juillet 1956, il remporte 16 points par an.

Dans le paquet de 100 points, les vingt premiers peuvent être utilisés dans le cas d'une reconversion professionnelle, les 80 autres pour passer à un temps partiel rémunéré à temps plein.

Compte pénibilité : financement

Le financement du compte s'effectue par un fonds (le fonds pénibilité) que l'employeur abonde via deux cotisations. Il existe une cotisation de base et une cotisation additionnelle. Celle-ci est due par les entreprises qui ont des salariés en situation de pénibilité. Mais les entreprises qui n'ont pas de salariés confrontés à la pénibilité doivent également financer le dispositif via une cotisation de base

Compte pénibilité de base

La cotisation de base s'applique à tous les employeurs au titre des salariés qu'ils emploient. Son taux est de 0,01% de la masse salariale. Quelle que soit la durée du contrat de travail du salarié, elle est due par l'employeur. Ainsi, des entreprises du secteur tertiaire peu concernées par la pénibilité participent à l'effort.

Compte pénibilité et retraite

Le compte ayant été mis en place dans le cadre de la réforme des retraites, il accorde le droit à la retraite anticipé. Tous les salariés peuvent utiliser leur compte à partir de 55 ans. A cette date-là, si le compte est suffisamment alimenté, le salarié pourra demander de partir à la retraite (retraite à taux plein) deux ans avant la date prévue.

Compte pénibilité dans la fonction publique

Le Code du Travail indique clairement que le compte pénibilité est ouvert aux salariés des employeurs de droit privé. En revanche, les fonctionnaires (qu'ils soient titulaires ou contractuels) ne sont pas concernés. Dans la fonction publique, la pénibilité est prise en compte via un classement des emplois dans la catégorie active ou sédentaire.

Mise en place du compte pénibilité en 2017

Les employeurs avaient jusqu'au 31 janvier 2017 pour déclarer les facteurs d'exposition auxquels ont été confrontés les salariés en 2016. Cette déclaration doit se faire auprès de la Cnav via la déclaration annuelle des données sociales (DADS). Les entreprises du BTP ont été les premières concernées.

Soulignons que depuis le janvier 2017, le compte de pénibilité est intégré au compte personnel d'activité (CPA) en comagnie du CPF et du Compte d'engagement citoyen (CEC)

Le compte pénibilité est-t-il rétroactif ?

Le compte n'est pas rétroactif. Les points s'accumulent depuis le 1er juillet 2016, date d'entrée en vigueur du dispositif. Lors de la négociation entre le gouvernement et les partenaires sociaux, plusieurs syndicats dont la CGT ont demandé la rétroactivité du dispositif. Devant les difficultés logistiques que cela impliquait, le gouvernement a préféré renoncer.

Report du compte pénibilité

Le compte de pénibilité devait entrer en vigueur en juillet 2015. Finalement, le déploiement a été décalé d'une année, notamment suite à la demande de la FFB (fédération française du bâtiment) qui représente les entreprises du BTP. Celle-ci avait dénoncé un "véritable nœud gordien, inapplicable pour beaucoup d'entreprises, notamment des PME ou des TPE.

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