Et si vous recrutiez quelqu'un qui ne vous ressemble pas ?

Et si vous recrutiez quelqu'un qui ne vous ressemble pas ? Les employeurs recherchent des candidats capables de s'adapter à la culture de l'entreprise. Mais ils ne s'attachent pas aux aspects les plus pertinents.

La logique est implacable. Les responsables RH essaient de recruter des candidats dont la personnalité sera naturellement en adéquation avec la mission à accomplir et les valeurs de l'entreprise. Axer le processus de recrutement dans cette direction est également une bonne chose pour les candidats. Travailler dans une entreprise où vous ne vous sentez pas à votre place n'est pas l'idéal.

Comme le montre une étude citée par le New York Times, plus de 80% des responsables RH affirment que la compatibilité culturelle est leur préoccupation principale. Cette compatibilité comme critère prioritaire d'évaluation des candidats pose un nouveau problème. Les services RH qui estiment représenter l'âme et les valeurs de l'entreprise tombent dans un écueil. Ils recrutent les personnes avec lesquelles ils ont le plus d'affinités, ce qui peut avoir pour conséquence une homogénéité dangereuse des employés.

Selon Lauren A. Rivera, professeur associé de management des organisations à la Kellogg School of Management de l'université Northwestern, accorder de l'importance à la compatibilité culturelle n'est pas forcément une mauvaise chose.

Dans le New York Times, elle affirme la chose suivante: "lorsque la notion de compatibilité est définie rigoureusement dès le départ, la sélection des candidats peut augmenter la productivité et la rentabilité de l'entreprise". Pour illustrer ces propos, elle cite comme exemple la Southwest Airlines qui cherche dans les candidats "une volonté de proposer une expérience unique" et Bridgewater Associates qui cherche des candidats qui acceptent les critiques.

Mais, l'étude de Rivera souligne qu'il est difficile de mettre en place des procédures d'évaluation de compatibilité culturelle. Selon elle, "pour évaluer la compatibilité, les employeurs se fient généralement à l'alchimie".

"Le meilleur moyen pour décrire ce processus de compatibilité culturelle, c'est de le comparer à un rendez-vous amoureux. Vous sentez tout de suite quand ça colle ou pas avec un candidat", m'a déclaré le membre d'un comité de recrutement d'un cabinet d'avocat. De nombreux recruteurs utilisent également le "test de l'aéroport". Un des dirigeants d'une banque d'investissement se demande lorsqu'il mène un entretien, "quel serait mon sentiment si je devais rester bloqué avec cette personne à l'aéroport de Minneapolis en pleine tempête de neige ?"

La personne avec laquelle un employeur a le plus d'affinités n'est pas forcément le meilleur candidat

Mais un problème se pose avec cette méthode : la personne avec laquelle vous vous sentiriez à l'aise dans un aéroport n'est pas forcément le meilleur candidat. C'est très probablement la personne qui vous ressemble le plus.

Selon Rivera, "Les personnes qui font passer les entretiens regardent avant toute chose si les hobbies, les villes natales et les biographies des candidats se rapprochent des leurs. Faire partie de l'équipe d'aviron de l'école, obtenir un diplôme en plongée, siroter du whisky pure malt dans les Highlands ou dîner dans un restaurant étoilé au guide Michelin sont, selon elles, des preuves de compatibilité alors que partager une passion pour le travail d'équipe ou pour satisfaire le client, non."

En résumé, tous les rameurs de compétition ou les fans de whiskies pure malt ne partagent pas forcément de traits en commun, mais la probabilité pour que ce soit le cas est quand même forte. Et, selon Rivera, cela peut "contribuer à une faible diversité culturelle et générationnelle dans l'entreprise".

Une main d'œuvre trop homogène, que ce soit un "club de vieux amis" ou un groupe de vingtenaires en T-shirt, est néfaste pour une entreprise. Et ce n'est pas "juste" un problème de statistiques, c'est aussi une question financière. Les études démontrent que les groupes hétérogènes sont plus efficaces.

Bloomberg Business cite une étude de 2009 qui a montré que les entreprises "avec une diversité raciale importante" enregistraient un chiffre d'affaires en moyenne 15 fois supérieur à celui de leurs concurrents plus homogènes. Slate met l'accent sur une autre étude qui suggère que les entreprises comptant des femmes dans leur conseil d'administration ont de meilleures performances. Rivera fait elle aussi l'apologie de l'ouverture sociale. Son étude démontre que les groupes composés de nouveaux venus extérieurs au réseau social auquel appartient l'équipe déjà existante sont bien meilleurs pour résoudre les problèmes.

Dans ces conditions, comment devrait être menée la recherche de la compatibilité culturelle ? Dans son article du Times, Rivera propose une approche en quatre volets :

  1. Soyez au clair avec les candidats sur la culture de l'entreprise.
  2. Assurez-vous que votre définition de compatibilité culturelle est "en conformité avec les objectifs de l'entreprise" (une passion pour la plongée, les whiskies ou les animaux ne compte pas).
  3. Mettez en place des "procédures officielles" pour évaluer la compatibilité. Ainsi, tout ne dépend pas du bon vouloir du responsable RH.
  4. Limitez le poids de la compatibilité dans la décision d'embauche.

C'est humain de vouloir embaucher quelqu'un qui nous ressemble. Mais c'est un parti pris qu'il vaut mieux surmonter. Et rassurez-vous : si jamais vous vous retrouvez bloqué à l'aéroport de Minneapolis avec votre nouvel employé, vous pourrez utiliser une partie de vos nouveaux profits pour acheter un magazine.

Article de Rachel Sugar. Traduction par Manon Franconville, JDN.

Voir l'article original : Yes, 'cultural fit' matters — but it may not mean what you think