Karima Silvent (Axa) "Nous avons multiplié le télétravail par deux en un an"

Pour attirer et fidéliser jeunes et profils tech, l'assureur fait feu de tout bois : agile working, reverse mentoring, nouvelles méthodes de management, Mooc. La DRH revient sur cette stratégie.

JDN. Depuis votre nomination au poste de DRH d'Axa il y a un an, vous changez en profondeur les modes de management et de travail. Pourquoi ?

Karima Silvent est DRH d'Axa France. © Axa

Karima Silvent (Axa). Les salariés changent. Ils ne sont plus attirés par les mêmes choses qu'il y a quelques années. C'est le cas pour tout le monde : jeunes, profils expérimentés, spécialistes du digital… Or, nous sommes parmi les principaux recruteurs de profils digitaux dans l'Hexagone.

Pour attirer et fidéliser, il faut qu'Axa crée un effet waouh, ce qui passe par des changements dans nos modes de travail, de management et dans la qualité de vie et d'accueil de nos locaux. Nous avons mis en place une politique d'agile working qui vise à renforcer l'autonomie et la collaboration. Pour cela, nous avons réaménagé notre siège social de Nanterre avec des espaces en zone silence, d'autres avec des alcôves, des espaces lounges, des cafés. Nous avons également mis fin aux postes fixes de travail pour 1 500 de nos collaborateurs sur les 6 000 qui travaillent dans notre siège. Et nous comptons continuer.

Au-delà des locaux, il est nécessaire de modifier le management...

"Nous devons apprendre à nos équipes à travailler sans papier et sans téléphone fixe"

Tout à fait. Il ne sert à rien d'avoir des locaux qui reprennent les codes des start-up si le management est figé et en silo. Nous formons donc systématiquement nos salariés et nos managers. Ces derniers doivent apprendre à gérer des équipes qui ne sont pas regroupées, à manager par la confiance. Nous devons également apprendre à nos équipes à travailler sans papier, sans téléphone fixe mais avec Skype et des outils de conférence sur les ordinateurs portables. Au-delà des formations, nous assurons un suivi des acquis sur trois mois.

En matière de télétravail, quelle est la stratégie d'Axa ?

Elle est simple et ambitieuse : le développer massivement en accompagnant salariés et managers. Aujourd'hui, chez Axa France, 27% des salariés télétravaillent, un chiffre multiplié par deux en un an. C'est un développement très rapide puisqu'en 2012, seuls 150 collaborateurs utilisaient ce mode de travail. Dans certains départements comme l'informatique ou la communication nous frôlons les 70%, au service RH, c'est 40%. Point important, le télétravail ne concerne pas que le siège parisien. Par exemple dans la région Nord-Est, le taux est de 30%.

Avez-vous mis en place une politique en matière de droit à la déconnexion ?

"Axa n'a pas attendu la loi El Khomri pour mettre en place un droit à la déconnexion"

Oui, et nous n'avons pas attendu la Loi El Khomri pour cela. Dès 2012, nous avons signé la charte "Pour mieux travailler ensemble". Nous appelons à la régulation, à éviter les envois massifs de mails, notamment à certaines heures, à ne pas céder au culte du tout urgent. Nous formons les managers à cela. En revanche, nous ne souhaitons pas être dans la coercition. D'une part, cela ne sert à rien, d'autre part les interdictions peuvent facilement être contournées. Si un collaborateur ne peut utiliser sa boîte mail pro, il peut toujours passer par sa boîte perso. Mieux vaut sensibiliser.

Axa fait partie des quelques entreprises qui promeuvent leur marque employeur via Snapchat. Comment vous y prenez-vous ?

"Nous présentons certains de nos métiers sous forme de stories Snapchat"

Tout d'abord Snapchat est un outil utilisé par les jeunes générations. Pour s'adresser à elles, pas le choix, nous pensons qu'il faut se lancer sur l'appli, notamment pour casser les clichés sur les métiers de l'assurance. D'ailleurs, nous venons de lancer il y a une dizaine de jours "no clichés", une série de stories qui présente une large palette de métiers que nous avons chez Axa sous un angle décalé. Nous avons par exemple une story pour le poste de développeur ou encore d'actuaire. Cette présence est dans la lignée de notre stratégie RH : continuer à montrer que oui, l'assurance c'est cool. Cela permet de montrer que nous accordons de l'importance aux jeunes.

Pour donner de l'importance aux jeunes, vous avez également mis en place du reverse mentoring...

"J'ai été mentorée par un jeune diplômé qui m'a appris à mieux utiliser Twitter"

Tout à fait. Nous avons 210 mentors au siège social d'Axa. Leur moyenne d'âge est de 27 ans. Ils forment les collaborateurs plus âgés, notamment sur le digital. Le reverse mentoring permet de décloisonner et de construire des relations privilégiées entre cadres dirigeants et génération Z. Moi-même, j'ai été "mentorée" par Raphael, un jeune collaborateur qui m'a appris à utiliser Twitter. Ce qui m'a permis de mieux comprendre comment améliorer notre marque employeur sur les réseaux sociaux. Nous avons également déployé des "cafés digitaux", soit du reverse mentoring collectif qui a permis de former 600 collaborateurs depuis 2016.

Quelle est votre stratégie en matière de formation par Mooc ?

Axa est une entreprise pionnière en matière de formation digitale. Nous nous sommes véritablement lancés dans les Mooc en 2014. Notre stratégie est double : développer des formations en interne et nouer des partenariats. Nous avons par exemple conçu nous-même la formation "do you speak digital ?" qui est disponible en plusieurs langues. 5 800 collaborateurs se sont inscrits à cette formation. Autre initiative originale, l'outil "Smart" qui permet d'envoyer des quizz quelques semaines ou quelques mois après la formation afin d'éviter la déperdition de connaissances.

En juillet, nous avons également noué un partenariat avec la plateforme Coursera. Nos collaborateurs peuvent gratuitement suivre une large palette de Mooc portant sur le digital, le leadership, la data science, l'utilisation des données RH… Nous avons fait un travail de terrain pour que les certificats soient reconnus par les RH et les managers.

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