Guillaume Pitoiset (L'Oréal) "Avec notre chatbot, les recruteurs gagnent beaucoup de temps"

Guillaume Pitoiset, CMO for talent acquisition du groupe L'Oréal (14 300 salariés en France), explique comment l'utilisation d'un chatbot a permis d'accélérer les processus de recrutement du groupe.

JDN. Une des innovations de L'Oréal en matière de recrutement est son chatbot Mya, conçu par la start-up américaine Mya systems. Quelle est son utilité ?

Guillaume Pitoiset, CMO for talent acquisition du groupe L'Oréal. © L'Oréal

Guillaume Pitoiset. Tout d'abord, Mya ne s'applique pas à l'ensemble des personnes qui postulent chez L'Oréal mais aux emplois avec une volumétrie très élevée. Cela concerne principalement les stagiaires (25 000 candidatures en France par an, ndlr) et les métiers de la vente, notamment les conseillères beauté dans les grands magasins. Mya est utilisé à la fin du process de candidature en ligne et va engager une conversation avec le candidat. Il va lui poser une série de questions de base concernant le poste.

D'où est venue l'idée de ce chatbot ? Quel est le but recherché ?

L'idée est venue du siège mondial. Le but était de réduire le temps passé par les recruteurs à des tâches à faible valeur ajoutée. Mya sert à filtrer les candidatures en fonction des besoins les plus basiques du poste. Ainsi, les recruteurs peuvent passer plus de temps sur des tâches plus qualitatives comme les entretiens de recrutement avec les candidats. Nous avons fait des tests qui se sont avérés efficaces et, désormais, Mya est utilisé dans quinze pays dans le monde, des pays qui ont un volume important de candidatures (Royaume-Uni, Etats-Unis…, ndlr).

Quelles questions sont posées par le chatbot ?                                          

Mya interroge le candidat sur des aspects factuels, administratifs ou logistiques comme ses dates de disponibilité. Il demande, par exemple, si le salaire convient, si le candidat est inscrit dans une université ou une école et peut donc effectuer un stage. Enfin, le chatbot demande si la personne a les papiers pour travailler en France. Ce sont des questions très simples. Elles nous permettent de savoir tout de suite si le candidat peut correspondre au poste.

Donc Mya ne fait pas vraiment du recrutement mais plutôt du pré-recrutement ? Il se base uniquement sur des informations objectives ?

Tout à fait, c'est un arbre de décision. Le chatbot pose des questions fermées avec des réponses par oui ou non. En outre, ce que nous aimons beaucoup avec Mya, c'est la partie expérience candidat. Mya permet en effet au candidat de poser des questions. Par exemple : "Combien de temps dure la phase de recrutement ?" ou "Etes-vous une entreprise éthique ?". Mya va répondre à ces questions pour permettre au candidat de savoir comment on travaille chez L'Oréal. 

Et comment fait le chatbot pour répondre à ces questions ?

Nous l'avons configuré en amont en fonction des questions qui nous sont très régulièrement posées sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet. Le chatbot arrive à identifier les questions posées par association de mots. Nous recevons ensuite un rapport avec les questions auxquelles le chatbot n'a pas été capable de répondre, ce qui nous permet de mettre à jour notre chatbot pour qu'il soit le plus étoffé possible.

Le chatbot peut donc accélérer le processus de recrutement ?

C'est tout à fait le but. On reçoit 25 000 CV par an pour des stages, nous avons beaucoup de recruteurs mais on ne peut pas traiter individuellement en face à face chaque candidature. Désormais, la pré-qualifcation par téléphone des candidats se fait une fois que les questions de base ont été posées par le chatbot. Les recruteurs gagnent donc beaucoup de temps et peuvent poser des questions plus qualitatives, sur les compétences, sur le type d'emploi recherché. Nous pouvons donc traiter plus de candidatures en profondeur et ainsi améliorer la qualité de notre recrutement.

Exemple de conversation avec Mya. © L'Oréal

Est-ce que Mya pourrait faire un premier tri sur d'autres métiers que ceux de la vente notamment pour la recherche et développement ?

Oui mais toujours sur des questions binaires. Ce ne sont pas des outils d'intelligence artificielle qui vont nous faire prendre une décision. Chaque candidat qui rentre chez nous a des entretiens avec un responsable RH et un manager.

Vous utilisez aussi Seedlink, outil conçu par une start-up chinoise. A quoi sert-il ?

Seedlink est un autre type de solution d'intelligence artificielle. Il va nous permettre de tester l'adéquation des valeurs culturelles du candidat avec celles de L'Oréal. On l'utilise aussi pour les recrutements à forte volumétrie mais par rapport à Mya il apparaît plus tard, quand la candidature est validée. Le candidat reçoit alors un lien puis Seedlink va lui poser trois questions (Exemples : "Décrivez une situation où vous avez dû gérer un problème hors de votre zone de confort et pour lequel vous avez réussi à trouver une solution créative". "Racontez-nous une situation durant laquelle vous avez fait une erreur ou échoué." "Décrivez une situation durant laquelle vous avez dû arriver à un compromis, ou une situation lors de laquelle vous avez dû aider d'autres personnes à arriver à un compromis.", ndlr) et en fonction des réponses, il va nous donner un score par rapport à ce que nous appelons les compétences L'Oréal. Cet outil fait appel à la programmation neuro-linguistique.

Comment fait Seedlink pour calculer ce score ?

Nous posons ces trois questions aux employés de L'Oréal du pays où Seedlink est mis en place (15 pays actuellement, ndlr). Nous avons donc une base de réponses qui correspond à nos employés et donc à ce qu'on recherche pour le recrutement. Ensuite, en fonction des réponses du candidat, Seedlink va donner un score de prédictabilité du fit culturel, le niveau d'adéquation, entre le candidat et L'Oréal.

Quelles sont ces compétences L'Oréal ? Ce sont des compétences humaines ?

Oui, c'est un socle de grandes valeurs, de caractéristiques qui forment le dénominateur commun à tous nos collaborateurs, comme par exemple l'esprit d'entreprise, d'innovation ou la générosité.