Pénibilité : le patronat joue la montre

Le Medef propose d'évaluer le nombre de salariés concernés par un "dispositif pénibilité". Après 3 ans de négociation, les syndicats se désespèrent de ce retour à la case départ. Voici ce qui se joue.

La négociation sur la pénibilité, que la loi Fillon de 2003 posait comme un préalable à la négociation sur les retraites prévue pour le mois d'avril, devait prendre fin le 25 mars. C'était sans compter sur la demande d'état des lieux émanant du patronat lors de la seizième et avant-dernière séance de négociation, il y a deux semaines, après trois ans de travail. Ni sur une réunion complémentaire programmée le 21 avril. L'objet de cette enquête : évaluer le nombre de salariés qui pourraient être concernés par un "dispositif pénibilité", sur lequel patronat et syndicats ne parviennent pas à s'accorder. Une proposition particulièrement mal reçue par les seconds, qui soupçonnent le Medef de faire traîner cette négociation pour pouvoir l'intégrer à celle des retraites.

"On a le sentiment de recommencer la négociation comme il y a trois ans", s'insurge Jean-Christophe Le Duigou (CGT), se demandant si le mandat de la délégation patronale n'est pas de gagner du temps. Danièle Karniewicz (CGC) s'en prend, elle, à une négociation "opaque, sans lisibilité sur l'objectif", alors qu'il y a une "vraie urgence sur le rendez-vous retraite 2008".

Ce qui se joue

Les organisations syndicales ont toujours réclamé la mise en place d'un dispositif de retraite anticipée. Financé au moins en partie par les entreprises, il pourrait permettre à des salariés ayant subi un travail pénible de partir à la retraite, en fonction de certains critères, avec une durée de cotisation inférieure aux autres salariés. Et le patronat a toujours refusé d'accéder à une telle demande. Mais lors de la quinzième séance de négociation, le Medef a proposé un dispositif de cessation progressive d'activité pour les salariés ayant eu des conditions de travail pénibles. Une avancée dans la négociation ? Peut-être, sauf que les syndicats rejettent en bloc l'idée d'un mi-temps pénibilité et considèrent que les critères proposés par le patronat - être âgé de 58 ans, avoir travaillé 40 ans dont la majeure partie soumise à un facteur de pénibilité et au moins 10 ans avec trois facteurs de pénibilité - sont trop restrictifs.

 

Aujourd'hui, il semble que le patronat ne s'opposera plus au principe d'un départ anticipé pour pénibilité. Trois dispositifs de fin de carrière ont en effet été évoqués par le Medef lors de la dernière séance de négociation : un allègement de la charge de travail (mi-temps ou temps partiel), un départ anticipé uniquement pour une "fraction" des salariés, ou un mélange des deux dispositifs.

Modus operandi

Pour la suite des opérations, le négociateur du Medef François-Xavier Clédat a proposé de "définir les facteurs de pénibilité" puis les "conditions d'accès au dispositif pénibilité", d'"évaluer les populations éligibles", de "définir les dispositifs à mettre en place" pour finalement "en chiffrer le coût". Prochaine étape le 25 mars : d'ici là, les partenaires sociaux doivent proposer leurs définitions des critères de pénibilité (charges lourdes, postures pénibles, travail répétitif, produits toxiques, température extrême, bruit, poussière ou fumée, travail de nuit, risques psychosociaux). Même si, note Jean-Louis Malys (CFDT), "tout est déjà dans le Code du travail et dans les nombreuses études sur le sujet". Puis les partenaires sociaux devront se mettre d'accord sur les conditions d'accès au dispositif de pénibilité, sans avoir jamais, jusqu'à présent, trouvé de consensus sur les propositions patronales.

Enfin, pour ce qui concerne l'état des lieux demandé par le Medef, François-Xavier Clédat a évoqué l'idée de missionner l'inspection générale des affaires sociales. Une proposition qui a d'autant moins rencontré l'adhésion que l'Igas, déjà sollicitée par les partenaires sociaux pour fournir des chiffres sur le coût et le nombre de salariés susceptibles de bénéficier d'une retraite anticipée pour pénibilité, avait, en juillet 2007, avoué son impuissance.

Le fiasco semble sur des rails solides.