Le Code du travail fait de l'orientation
sexuelle l'un des douze motifs de discriminations prohibées par la loi depuis
2001. Et si les discriminations liées à l'orientation sexuelle font encore l'objet
de peu de réclamations, leur nombre a quasiment doublé en un an (1,8 % des réclamations
adressées à la Halde). Dans le but de sensibiliser l'opinion aux discriminations
homophobes et d'améliorer la connaissance du droit, la Haute autorité publie une
étude pionnière dans le domaine en France, pour laquelle 1.400 salariés homosexuels
ont été interrogés, ainsi que des responsables RH de 14 grandes entreprises privées
et publiques. En voici les principales conclusions.
Se
dévoiler ou pas
66 % des répondants à l'enquête
n'ont plutôt pas dévoilé leur orientation sexuelle au cours
de leur carrière et 17 % n'en ont jamais parlé ni n'ont rien
laissé transparaître à qui que ce soit dans l'entreprise.
Or
cette notion de visibilité revêt une importance significative. En
effet, la vie privée est loin d'être absente de la sphère
professionnelle : on y évoque mariage, week-end en famille, sorties
en amoureux
lorsqu'on est hétérosexuel. Une évocation
du même type par une personne homosexuelle peut entraîner incompréhension
ou rejet de la part de ses collègues. D'autre part, rester discret sur
sa vie privée peut donner l'impression d'une personne froide, distante,
secrète ou à la marge, ce qui pourra avoir un impact négatif
sur le travail en équipe, sa carrière et l'évaluation de
ses compétences.
Des collègues intrusifs
40 % des répondants ont été
la cible de remarques sur leur apparence au moins une fois dans leur entreprise
actuelle |
L'hétérosexisme de la société
française, base de l'homophobie en entreprise, a été examiné
au travers des remarques négatives liées à des stéréotypes
ou préjugés tenaces concernant l'apparence des gays et lesbiennes.
Ce sont ainsi 40 % des répondants qui ont été la cible
de telles remarques une fois au moins dans leur entreprise actuelle sur leur tenue
vestimentaire, 32 % sur leur coiffure ou accessoires, 26 % sur leurs
gestes et attitudes corporelles et 18 % sur leur voix.
Mais
les autres salariés cherchent aussi à en savoir plus, consciemment
ou non, avec la volonté de nuire ou non, pour trouver ce qui se cache derrière
des silences ou un célibat apparent. Lors des manifestations professionnelles
(du type voyage ou repas d'affaires) et des moments mixtes (déjeuner entre
collègues, pause café
), 58 % des répondants ont
dû faire face à des questions relevant de leur orientation sexuelle,
ceci dans leur entreprise actuelle. Des "stratégies d'intrusion"
également à l'uvre lors des contacts avec des clients, usagers
ou fournisseurs (36 %) ou lors d'entretiens d'évaluation des performances
(25 %).
Plusieurs stratégies de dissimulation
Destinées
à éviter les questions ou les jugements, diverses stratégies
sont mises en uvre pour "se cacher". L'enquête relève
en particulier :
» les faux-semblants
: employer des termes neutres tels qu'"ami" ou "conjoint"
pour désigner son partenaire (80 %), jouer les hétérosexuels
classiques (33 %)
voire se montrer homophobe ;
» la
dissimulation : n'aborder que les aspects strictement professionnels (66 %),
habiter loin de son entreprise afin de ne pas croiser inopportunément des
collègues de travail (16 %) ;
» la
couverture : s'inventer un partenaire du sexe opposé (21 %), jouer
le célibataire endurci (22 %).